Les limites des nouvelles technologies

Pour mon anniversaire, Mamanprocellus m'a offert une DS. Ouais trop fort !Bon, évidemment, elle aurait été encore plus gentille en ayant la bonne idée de m'offrir des jeux avec, parce que la console a beau être très jolie, si on n'a pas de jeux à lui faire manger, l'intérêt qu'elle présente se retrouve quand même grandement amputé.

C'est pas grave, j'ai filé un grand coup de marteau dans mon cochon-tirelire, et je suis allé donner mes petites économies au marchand, qui me les a échangées contre les deux meilleurs jeux de tous les temps de l'univers sur DS : Pokémon et Zelda. Yippeee !

J'ai d'abord essayé Pokémon, sans savoir qu'en fait ça allait être une grosse daube chiante au possible, c'est exactement comme toutes les autres versions sorties précédemment sur toutes les autres consoles, on n'a même pas besoin du stylet, tout ce qu'on fait c'est avancer, se faire attaquer par un vilain pokémon sauvage, le capturer et en faire notre bitch, et on recommence. Supair.

Vite vite, passons à Zelda ! Là, c'est autre chose. Déjà c'est joli, et puis c'est rigolo, et puis c'est super avancé, ils nous demandent si on est gaucher ou droitier. J'ai répondu la vérité, que je suis gaucher, parce que je ne vois pas trop l'intérêt de mentir à une console. En plus, s'ils demandent ça, c'est sûrement parce qu'il va falloir jouer avec l'écran tactile, et ils vont l'inverser pour que ça soit plus pratique. C'est des z'amours, chez Zelda.

Bingo. Pour jouer, tout passe par l'écran tactile : on dirige Link avec le stylet, pareil pour le boomerang et toutes les armes. Là où je m'étais trompé, c'est sur l'influence qu'aurait la question droitier / gaucher. Tout ce que ça change, c'est que la flèche de défilement de texte est à gauche, plutôt qu'à droite.

Et au final, je me rends compte que chez Zelda c'est des gros enfoirés de leurs mères les putes, parce qu'ils se sont amusés à faire un jeu tout pas pratique. Diriger Link avec le stylet, c'est rigolo et ça change et tout, mais quand on est gaucher, il peut y avoir un petit problème.

Par exemple, pour amener Link vers la statue. Je lis bien le mode d'emploi. J'attrape mon stylet comme j'attraperais un stylo, et je n'ai plus qu'à pointer où je veux diriger Link, et il va suivre la pointe comme une carotte. Facile, hein ?

Eh bien vous n'imaginez pas les trésors d'ingéniosité que j'ai dû déployer pour réussir (et encore) à voir où j'emmène mon petit bonhomme. Parce que quand je tiens le stylet comme un stylo, comment dire, au niveau de la visibilité, c'est pas tout à fait ça.

C'est vraiment un combat de tous les instants, d'évoluer dans un monde fait pour vous autres anormaux.

Les pieds dans le plat

Hier soir je suis allé dîner chez Papaprocellus, qui est bien triste quand on passe plus d'une semaine sans se voir. Comme d'habitude, on a commencé la soirée entre couilles, parce qu'avec son boulot, Marâtre rentre souvent tard, working girl power. Du coup c'est sur nous autres hommes qu'est tombée la lourde responsabilité de préparer le repas. Heureusement, une hotline était à notre disposition, alors Papaprocellus s'est pas gêné pour appeler sa meuf et lui demander de l'aide :


- Au secours, c'est quel bouton pour mettre le four en marche ?

Oui bon c'est sûr, comme ça il fait un peu boulet qui ne met les pieds dans la cuisine que pour piller le frigo, mais 1) à sa décharge le four est vraiment difficile à faire fonctionner, et 2)... ben en fait oui, il est un peu du genre à ne mettre les pieds dans la cuisine que pour piller le frigo, mon popa c'est l'hétéro type qu'on voit dans les pubs et qui ne sait pas comment laver son linge.

Une fois le four allumé, il a fallu passer à la partie dégueu du repas : préparer le poulet.


- Allô ? Oui donc là mon roudoudou, tu lui écartes les pattes arrière, tu dégages l'entrée du croupion et tu mets les abats à l'intérieur.

- Ok. Eww. Je le fais. Je te passe David en attendant.

Il a joint le geste à la parole, et je me suis retrouvé avec ma belle-mère au bout du fil. Et là, gros blanc.


- ... (merde je fais quoi je déteste le téléphone et j'ai jamais vraiment rien eu à lui dire ?)

- Alors, ça va ?

- ... Oui. ...

Finalement pour faire la conversation je lui ai raconté comment mon père tentait vainement de sodomiser un poulet avec ses propres organes, et quand le foie a été bien en sécurité à l'intérieur, je lui ai dit qu'on gérait et j'ai raccroché. Soulagement.

C'est pas que je ne l'aime pas, non. Simplement, on ne peut pas dire que je sois un grand bavard, surtout avec la famille. Sorti des séries télé, les sujets avec lesquels je me sens à l'aise sont assez limités : pas le boulot, pas les études, pas la vie sexuelle, pas la vie sentimentale, pas la vie privée. Donc là avec la grève des scénaristes... j'avais pas grand chose à raconter, quoi.

Et puis pendant le dîner, l'alcool aidant, je me suis dit que j'allais essayer de discuter un peu avec elle, depuis plus de vingt ans qu'elle est là, ça lui fera peut-être plaisir si pour une fois je fais un effort. Elle parle souvent d'une de ses collègues à l'hôpital, une fille à moitié folle qu'on surnomme Tyrannosa, allez savoir pourquoi.

À chaque fois, les conversations tournent autour des plans machiavéliques que tout le service fomente pour s'en débarrasser : essayer de la tuer en posant des objets lourds et tranchants (genre une hache, qu'on trouve dans tous les bons services de chirurgie) sur le rebord d'une armoire branlante, scier la selle de son cheval pour la voir s'écraser comme une merde et se faire bien mal, et tout et tout. Ils sont caustiques dans cet hôpital...

Alors moi j'ai cru bien faire en demandant :


- Et Tyrannosa alors, elle fait quoi en ce moment ?

- Oh bah, elle est malade !

Vu ce qu'on en raconte d'habitude, j'ai pris ça comme un "oh bah tu sais pas ce qu'elle nous a encore inventé cette conne ?". Et à la façon dont elle l'a dit, j'ai compris qu'elle avait chopé la grippe ou une gastro. Alors pour montrer à quel point je peux être fin et spirituel, j'ai voulu faire mon malin :


- Ah ben c'est cool, vous êtes tranquilles comme ça, tu dois être soulagée, et c'est bien fait pour sa pomme ! :mrgreen:

Je crois que pour tomber plus à côté de la plaque, il aurait fallu que je change de galaxie. Belle-maman m'a répondu sur un ton bouleversé :


- Oui enfin non, là elle s'est piquée avec l'aiguille d'un patient séropositif, donc elle a peut-être le SIDA...

- ...

Voilà voilà. Pom pom pom tout va bien, on va oublier ma blague légère et passer à autre chose...

C'est évidemment sur cette heureuse note que s'est achevée ma brève période de sociabilité familiale. Parfois je me dis que l'autisme, y'a que ça de vrai.

La mort d'un mythe

Qu'est-ce qu'on peut bien faire un dimanche après-midi à deux sous la couette ? Comater devant la télé, bien entendu ! Surtout quand on tombe par hasard sur le marathon Yakari que propose Télétoon, youhouuu !On s'est donc tapé je sais pas combien d'épisodes à regarder ce cher petit Indien accompagner une vieille dans sa dernière promenade, aider une chèvre à mettre bas en la protégeant de ce salaud de puma ou sauver la tribu en trouvant de l'argile pour faire du rouge, parce que sinon ils auraient dû peindre d'une autre couleur, et ça, c'est juste pas possible.

Et puis, cet épisode. Le castor a abattu l'arbre dans lequel l'oiseau avait fait son nid, qui tombe à l'eau, avec les oeufs pas encore éclos dedans. Nooon ! Yakari essaye de rattraper le nid avant qu'il n'atteigne les rapides, mais comme il faut que ça dure plus de cinq minutes, il le loupe. Et les pauvres zoisillons se retrouvent coincés dans une grotte, où justement dormait un méchant animal : le carcajou.

Alors forcément, on n'est pas plus malins que les polatouches (en tout cas pas moi), on ne peut que se demander : un carcajou ? Mais quèqu'c'est qu'ça (et non, ça n'apporte aucune réponse de le voir dessiné) ?

Eh bien déjà un carcajou, c'est trop un salaud : il veut manger Yakari, le castor, la gentille chauve-souris qui veut les aider parce qu'il l'a virée de sa grotte, et en plus s'il se rend compte qu'il y a des oeufs à ses pattes, il va vouloir les gober. Non mais quelle enflure !

Et pendant tout l'épisode, à voir cette espèce de croisement entre un coyote et un ours, je me suis demandé si c'était un vrai animal. Ils ont l'air d'être assez fidèles à la réalité dans Yakari -si on met de côté le fait qu'un petit garçon ait de grandes conversations avec tous les animaux de la forêt et que son meilleur ami soit un poney blond coiffé comme Thierry Amiel. Mais quand même, un carcajou, jamais entendu parler, ça me la coupe !

Alors dès que le nid a été sauvé et que le carcajou a été viré de la grotte (oui, ça finit bien, soyez rassurés), direction le PC pour en savoir plus. Clic clic google, hmmm... Ah oui, c'est un vrai animal, il habite dans le Grand Nord, son nom est un dérivé de Kwi'kwa'ju, "esprit maléfique" en Micmac. Ca oui, c'est vrai qu'il est maléfique !

Oh, et en français, on l'appelle "glouton", sûrement parce qu'il mange tout ce qu'il trouve. Et soudain, dans la partie où ils nous donnent son nom dans toutes les langues possibles et imaginables, l'horrible, l'ignomineuse vérité est venue me frapper de plein fouet. Shbam !

En anglais, on l'appelle... wolverine.

Alors voilà. Wolverine, cette bête sauvage, ce parangon de virilité, l'homme le vrai dans toute sa splendeur, avec du poil et du vrai muscle et un squelette en adamantium, ce pur fantasme s'appelle en réalité Carcajou. Maintenant à chaque fois que je regarderai X-Men, je saurai que le fier combattant aux côtés de Storm / Tornade, Rogue / Malicia et Cyclops / Cyclope n'est pas Wolverine mais Carcajou.

"Tremblez, craignez la fureur de... Carcajou !"

Ma vie est foutue.

Je gère les conflits comme je peux


- Pardon monsieur, j'ai un problème !

Forcément en entendant ça j'ai levé les yeux de mon 20 Minutes, hein. Et là devant moi, un petit pépé super classe, genre trader sur le retour, le costume noir parfaitement ajusté, le chapeau assorti, les cheveux blancs jusqu'aux épaules mais sans ressembler à un soixante-huitard qui n'aurait pas compris qu'après un certain âge c'est plus possible. Bref, un pépé classe, quoi.

Qui a commencé à renverser la tête en arrière, a levé sa main gauche toute crispée au ciel et s'est mis à trembler. Et merde, il y a un vieux qui fait un arrêt cardiaque dans le magasin, et il faut que ça me tombe dessus.

Sauf que non, c'était juste un tic nerveux, ou le début de la crise d'hystérie qui allait suivre, parce qu'en un clin d'oeil il s'était remis d'aplomb, et il m'a expliqué son souci.

- Je voudrais faire plusieurs achats chez vous et mes les faire livrer, et de là où je viens, on envoie quelqu'un pour m'accompagner dans tout le magasin pour remplir un bordereau de livraison, et là, on m'a dit que ça n'était pas possible ! Alors je voudrais savoir si on ne peut pas me donner le bordereau pour que je le remplisse moi-même !

Rolala oui, en effet ce monsieur a de gros problèmes dans sa vie... Mais je suis payé pour lui répondre aimablement. Et je veux mériter mon tout petit salaire.

- Ah non monsieur ça n'est pas possible... C'est aux vendeurs de chaque rayon de remplir votre bordereau...

C'est à ce moment que sa deuxième personnalité s'est réveillée. Il s'est mis à hurler, très haut dans les aigus. Il était passé de trader à cantatrice. Pourquoi pas hein, m'en fous je suis payé pareil.

- Mais c'est pas possible ! Mais vous vous rendez compte du temps que je vais perdre ! Appelez-moi votre directeur !

Premier tilt. Je vois Palace. Je vois Eva Darlan souhaiter le bonsoir aux pauvres. J'ai envie de rire. Mais c'est mal. Je me mords les joues. J'arrondis les yeux pour avoir l'air compatissant.

Pour calmer le jeu, j'ai cette nouvelle idée de génie : je vais lui répéter la même chose, mais sur un ton encore plus désolé ! Ca n'a pas marché. Il est reparti de plus belle, qu'il venait pour dépenser une fortune, en s'étranglant sur le mot, et qu'il habitait Nouillorque, et que là-bas quand il rentre dans un magasin on lui déroule le tapis rouge et on lui offre le café.

Ah ben voilà ! Si y'a que ça, je peux prendre trente centimes et aller lui chercher un truc à notre distributeur employés hein ! Mais non, le problème ne venait pas de là, il continuait de vociférer, que quand quelqu'un vient pour dépenser autant d'argent que lui, on peut quand même faire un effort !

J'ai laissé Collègue lui expliquer que la politique américaine n'est pas la même bla bla bla on s'en fout, c'est pas moi qui parlait, ça n'intéresse personne, et j'ai appelé ma boss (parce que bon, déranger Monsieur le Directeur pour ce genre de litige, euuuh...) :

- Ouais c'est David. J'ai un monsieur très très en colère là, qui veut qu'on l'accompagne faire ses courses...

- Un monsieur aveugle ?

- Non non, juste un monsieur. Mais je vois qu'on a un tournevis dans le pot à crayons, il peut le devenir...?

- Oh non c'est bon, je t'envoie Cop's (Cop's, parce que c'est ma copine, pas parce qu'elle est flic).

J'ai raccroché et je suis retourné donner les dernières nouvelles au vieux, en lui disant que "ma responsable arrive". Comme je n'avais manifestement pas compris l'objet de sa réclamation et de son courroux justifié, il me l'a expliqué une nouvelle fois, et nia nia nia il vient pour acheter pleeein de trucs dans le magasin, il va nous laisser une petite fortune, on devrait offrir ce service, ça se fait quand quelqu'un vient dépenser au moins deux mille euros !

Euh ? C'est ça la somme gastronomique qu'il veut dépenser chez nous ? Mais monsieur, des clients à deux mille euros, on s'en fait quinze pour le petit-déjeuner ici, vous croyez quoi ?

C'en était trop. Je tenais bon depuis qu'il était arrivé, mais là j'ai craqué. J'ai sauté sur la première excuse qui m'est passée par la tête, "excusez-moi un instant, je crois qu'on a éternué dans mon sac à dos", et je me suis précipité hors de son champ de vision pour éclater de rire. Professional attitude, on ne rigole pas devant le client.

Une fois calmé, ça n'a pas été compliqué de le contenir jusqu'à l'arrivée de Cop's, qui l'a envoyé chier sévère. Je l'ai juste laissé vociférer, en transformant mon envie de rigoler en sourire compatissant, et vivent les études de psycho et l'apprentissage de "l'écoute flottante" !

Je suis trop fait pour ce boulot, c'est certain. Il faudrait juste que j'apprenne à réagir autrement qu'en étant mort de lol quand un client chiant se présente, un jour ça risque de me jouer des tours.

Guerre ou paix

Comme un bonheur n'arrive jamais seul, quand j'ai emménagé dans mon bel appartement il y a quatre ans, j'ai eu une place de parking en prime. Malheureusement, je fais partie de ces gens qui ne voient pas l'intérêt de la voiture alors que le métro est si pratique, et en plus maintenant y'a le Vélib, alors vraiment, pourquoi apprendre à conduire franchement ?Du coup, ma place de parking était triste, elle ne pouvait pas remplir son destin, son existence était vide et morne, et toutes les autres places se moquaient d'elle, en la traitant de pucelle ou de mal garée. Propriétaire ingrat (enfin, "propriétaire" hein, j'me comprends), je m'en foutais un peu.

Même quand mon gardien, ardent défenseur de la cause des places de garages mal utilisées a commencé à me démarcher, je m'en foutais royalement.

- Mais vous savez monsieur Procellus, une place de parking c'est comme une femme (mon gardien est évidemment un hétéro de base), il faut y garer votre engin ! - Boarf, vous savez j'ai pas le permis. Allez, b'soir.

Il avait alors commencé à me faire des propositions indécentes :

- Mais ça vous intéresserait pas de la louer, au noir ? - !!! Comment de quoi ?! Ma place de parking n'est pas une pute, môssieur, je vous prierai de cesser sur le champ vos sous-entendus plus que douteux ! Hors de ma vue, rat puant !

On en était restés là.

Et puis il avait insisté, m'avait dit combien je pourrais la louer, qu'il connaissait quelqu'un que ça intéresserait, et qu'en plus en ce moment un mec la squattait pour pas un sou, alors autant en tirer du pognon. Sensible à l'appât du gain, j'avais fini par céder. Ma place, je suis désolé de me séparer de toi, de te forcer à échanger tes services contre de l'argent, mais c'est pour mon profit personnel, c'est purement égoïste, alors tu me pardonnes hein ?

Le karma m'a fait payer cette histoire de profit personnel au centuple. Bien sûr ça aurait pu être de l'argent facile qui tombe tous les mois dans ma boîte aux lettres. Mais non ! Le loyer transite par les gardiens, et ça c'est difficile à gérer.

Tous les mois, c'est la même histoire. Est-ce que je dois aller les voir à la loge, "bonjour je viens relever les compteurs, kaching !" ? Je me dis que non, ça le fait pas. Mais du coup, si je vais pas chercher les sous, est-ce que ça fait pas un peu trop jmenfoutiste ? De deux maux, j'ai choisi le 2). J'attends de le croiser et qu'il me dise sur un ton entendu que j'ai "quelque chose qui attend à la loge", je vais chercher mes sous et j'ai un mois pour me remettre de ce coup de stress.

Aujourd'hui en sortant de chez moi, le karma s'est lâché. Je n'ai pas croisé mon gardien, mais sa femme.

- Tiens. Il y a quelque chose pour vous à la loge.

Je l'ai suivie. En entrant dans la loge, elle a fait un petit signe de tête à son mari, "tiens regarde ce que je viens de trouver". Il m'a tendu l'enveloppe, j'ai tendu la main pour l'attraper. C'est à ce moment que tout a basculé.

Sans que j'aie le temps de sentir le vent tourner, elle a craché son venir et a lancé sur un ton très sec et hautain et agacé :

- Et vous savez, ça serait bien de penser à nous pour les étrennes, hein !

Un peu comme on engueulerait un gosse qui vient de tuer mémé. Tout estomaqué, j'ai levé les yeux vers elle. Le problème c'est que je ne savais pas trop quoi répondre. Je me suis rendu compte que j'avais déjà l'enveloppe à la main, alors je suis sorti de là le plus vite possible, humilié, tout rouge et presque les larmes aux yeux.

Parce que oui, je ne donne pas d'étrennes aux gardiens. Je sais, c'est mal, il faut bien leur montrer notre gratitude pour faire... euh, leur boulot, non ? Alors bon, d'accord, grâce à eux je sous-loue ma place de parking, mais je leur avais rien demandé, c'est lui qui a insisté parce que quelqu'un en avait besoin !

Maintenant, l'heure de la vengeance va bientôt sonner, cet affront ne restera pas impuni. Deux écoles, deux plans machiavéliques, et il faut choisir :

1. Je laisse pisser. Je réponds à son attaque en me drapant dans un silence passif-agressif, et je ne paye pas. Le problème de ce plan, c'est qu'en ne répondant pas je lui laisse le dernier mot, elle reste sur ma sortie pathétique. L'avantage, c'est que ça nous permet de vivre dans une paix relative.

2. Je me la joue petit con arrogant. Je leur glisse un billet de 50 et un petit mot, "parce que c'était si gentiment demandé et que vous avez l'air d'en avoir plus besoin que moi. Bonne année (en retard)". Le seul petit souci c'est que c'est un acte de guerre ouvert, qu'il faut en assumer les conséquences, on ne sait pas où ça peut mener. L'avantage, c'est que je ne me laisse pas traiter de radin par cette conne sans répondre.

Sinon bien sûr, il y a toujours la bonne vieille solution de m'introduire chez eux et de barbouiller les murs de merde, mais ils l'ont déjà fait dans South Park, et j'aime pas copier.

Mais en tout cas, quelle qu'elle soit, ma vengeance sera terrible (et pour une fois, j'essaierai de faire autre chose que juste me moquer d'eux sur mon blog).

Moi aussi je suis Catherine Deneuve

Ouais, j'ai un nouveau job à Happy Time, je suis enfin placé plus haut que les prises électriques !Et je suis comme Spider-Man, maintenant moi aussi j'ai des grandes responsabilités. Par exemple, je suis chargé de faire les "annonces intermédiaires" dans le magasin : si un parent pense avoir bien réussi son coup en perdant son Petit Poucet dans nos étages, j'appelle La Voix pour qu'elle annonce au micro que "le petit Morveux attend ses parents, alors qu'ils se grouillent un peu". Du coup ça me permet de ne pas avoir à parler dans le micro, parce que je crois que je ne l'aurais pas très bien vécu.

Mais bon, ça reste quand même chiant d'être dérangé toute la journée par des têtes de cons qui ont perdu leur enfant, ou leur femme, ou leur chais pas quoi. Comme ce groupe de trois ou quatre pintades, les deuxièmes en dix minutes, qui viennent me demander de faire appeler leur copine. Alors oui comment elle s'appelle ? Bougez pas je téléphone. "Allô c'est moi. Ouais. Ca serait pour faire une annonce. Pour Minette [Poukse]. Ben ouais, je pense que ça s'écrit comme des poux hein. Voilà merci".

Hop on raccroche, on dit aux dames que ça va être fait, et je peux retourner à mes mots fléchés. On attend quelques minutes, et comme par magie, La Voix appelle Minette dans les hauts-parleurs. Juste le temps de sécher sur ma grille et de lire mon horoscope, et une mamie toute frêle et tremblante m'interpelle :

- Bonjour, je suis Muzette Poux. On m'a appelée ? - Euh oui, enfin on a fait appeler Minette Poux ? - Oui oui c'est moi ! Mes copines m'appellent Minette !

Sauf qu'en fait, j'ai oublié de dire aux copines qu'il fallait attendre là où elles étaient, et elles sont pas bien malignes, elles se sont barrées. J'en fais quoi moi de ma vieille ? J'étais en train d'hésiter : reprendre mon horoscope, rappeler La Voix, compatir avec Minette, quand soudain :

- Bonjour, je suis Minette Poux, il y a eu une annonce pour moi ?

Cette fois, c'est une jeune blonde élancée. What the fuck ?! Vous êtes combien comme ça ? Surtout que le problème n'est toujours pas résolu, elle aussi elle a des copines, mais elles ne sont pas plus là. Euh ? Euh ? On fait quoiii ?

C'est alors que j'ai eu cette idée de génie, si si, de génie farpaitement :

- Eh bien Minette Poux, je vous présente Minette Poux !

Pendant cinq minutes, elles se sont esclaffées, ha ha, mais on est deux à avoir le même nom au même moment au même endroit, quelles étaient les chances, ah mais dis donc c'est quand même dingue hein ! Et puis finalement, elles ont oublié que leurs copines les cherchaient, ou elles ont vraiment cru qu'on les avait appelées pour les présenter l'une à l'autre, parce qu'elles sont parties toutes les deux bras-dessus bras-dessous, et vogue la galère.

Si ça c'est pas une preuve que j'étais fait pour ce job et pour gérer les situations difficiles...

Je peux peindre en mille couleurs l’air du vent (2/2)

Il faut toujours commencer par le plus dur. C'est pour ça que je me suis d'abord attaqué au mur "marron plus clair que taupe et plus foncé que blanc", soit le mur 2, celui dont j'avais un peu choisi la couleur au pif (où ça ?).J'ai commencé par bien dégager les angles au pinceau, comme la grosse Damidot me l'a appris. Voiiilà, on peut s'éclater avec le rouleau, c'est rigolo le rouleau. Ouaaah, mon mur est fini, il est beau, y'a plus qu'à attendre que ça sèche !

En bonne petite lavandière, j'en profite pour aller rincer mes outils, lalalaaa. Maintenant ça doit être à peu près sec, on peut aller voir ce que ça donne.

Euh. En séchant, la jolie couleur que j'avais repérée sur le pot a viré au jaune moutarde. C'est laid. C'est très laid. C'est tellement laid que je m'étonne qu'une telle couleur soit en vente libre.

Pas de panique, je cours acheter un pot d'une autre teinte, parce que je ne peux pas rester avec ce mur moutarde, j'ai envie de vomir dès que je rentre dans ma chambre. Dans le magasin, je fais bien attention, et j'en trouve une qui a l'air pas trop moche : ficelle. J'attends que le temps de séchage réglementaire soit écoulé avant d'en recouvrir mon moche mur.

J'attends. J'attends. J'en peux plus ça doit être sec, je pose la main sur le mur, oui ça va, fait chier merde. Re-on dégage les angles, et re-on s'éclate avec le rouleau.

Le problème, c'est que je n'ai pas assez attendu : le milieu du mur n'avait pas fini de sécher, alors au fur et à mesure que je rouleaute, ça fait un gros paquet (hmm), qui s'accroche, et qui essuie les deux couches d'un coup. Je me retrouve donc avec un joli mur (en séchant, ficelle n'a pas du tout la teinte promise, mais c'est 'achement mieux que ce qui était vendu sur le couvercle), sauf au milieu, où il n'y a rien. Et le pot est vide.

Je vais, cours, vole et nous venge, pour en acheter un deuxième. Évidemment, rupture de stock. Damned.

Avec des grands yeux humides, je demande au peinturier de m'aider à trouver une solution, parce que j'en ai besoin, et là je n'en puis plus, et je commence à ne plus distinguer les teintes sur les couvercles, c'est tous la même couleur, ouinnn. Il m'a alors donné cet outil magique qu'est Le Nuancier. C'était un peu plus facile, pour voir ce que faisaient toutes les marques et acheter la même chose chez le concurrent.

Hop, on colmate la brèche sur le mur, et on attend que ça sèche. Le problème, c'est que la ficelle du concurrent a bien la teinte promise, elle. Je me retrouve donc avec un mur bicolore. Gnfrxslf. On reste calme. Cette fois-ci j'ai assez de peinture pour recouvrir en entier le mur, et je ne me gêne pas. Voilà, la bourde est rattrapée.

Sauf qu'en séchant, cette ficelle là est super laide. $&@#& !!! À ce moment là, plusieurs vaisseaux explosent dans ma tête, du sang me gicle par les oreilles, je me fais péter quelques cordes vocales en hurlant, je mange mon rouleau et je fais un trou dans le mur à force d'y donner des coups de tête. Il est possible que j'aie également invoqué Belzébuth, pour le voir apparaître et me défouler sur quelqu'un, je ne me souviens plus trop (mais ça expliquerait l'odeur de soufre et les hordes de démons qui me vénèrent depuis ce jour).

J'avoue qu'à cet instant, j'ai failli laisser tomber. J'avais déjà repeint trois fois le même mur, pour finalement arriver à un résultat plus que gerbos. Surtout je n'ai toujours pas vraiment d'idée de la couleur qui me plairait. Mais en les éliminant toutes une par une, je finirai par trouver !

Le lendemain je suis reparti à l'attaque : mon mur ressemblait à un trottoir, c'était pas possible de le laisser comme ça. J'ai commencé à feuilleter le catalogue des couleurs, pour voir. Et là sur quoi je tombe ? La photo d'une chambre comme la mienne, avec un mur taupe et ça va en dégradé vers le blanc.

Depuis le début, la solution était là, sous mes yeux ? Je hais l'ironie.

Je suis donc rererereretourné à Castorama, pour acheter la couleur qu'ils disaient, au passage je me suis trompé de pot, j'ai pris une peinture brillante, ça faisait moche, j'y suis retourné pour la prendre en satinée. J'ai ensuite lancé tous les démons qui me vénèrent et m'appellent Maître aux trousses de l'inventeur de tous ces types de peinture : acrylique, glycéro, monocouche, brillante, mate, satinée...

Dix-huit couches de peinture, plusieurs gigalitres de sang et de sueur plus tard, j'ai fini le premier mur ! Vive moi ! Après avoir terminé (sans anicroche) les deux autres, je suis allé ranger mes outils et les pots en rab. Dont un presque plein, qui m'avait juste servi à faire un petit bout de rien du tout. Pot que j'ai mal posé et qui s'est renversé dans sa totalité sur la moquette de l'entrée.

Mais la chambre va bien. Comme on me l'a spirituellement fait remarquer : "ah bah tu t'en souviendras du jour où t'as voulu faire de la peinture !".

Je peux peindre en mille couleurs l'air du vent (1/2)

Il y a deux semaines, pendant que je convalescençais de ma gencive, j'ai décidé de repeindre ma chambre. Et aujourd'hui, assez d'eau a coulé sous ce pont, je peux enfin en parler le cœur léger, ça a arrêté d'être douloureux de mentionner ces terribles évènements. Pourtant tout avait bien commencé, un peu comme dans les pires films d'horreur. Sur trois murs (le quatrième c'est une grande porte-fenêtre, et on ne repeint pas le verre, c'est pas beau), le plan était le suivant : un mur en marron (enfin, "taupe", marron ça n'existe pas en déco), un autre en plus clair, et le troisième en presque blanc.

Pour le mur taupe, ça s'est bien passé. J'avais repéré la couleur sur une assiette dans une boutique, j'ai bien aimé, j'ai pas eu trop de mal à la retrouver sur un des nombreux pots de Castorama. Les vrais soucis ont commencé avec le deuxième mur : j'avais pas d'idée précise de ce que je voulais, seulement que ça devait "faire la liaison entre taupe et blanc", je comptais me décider devant les pots et les nuanciers, comme ça allait être facile et rigolo !

Mais une fois devant le rayon, je me suis rendu compte à quel point j'avais été naïf de croire ça, pauvre petite oie blanche ! Une cinquantaine de pots sur un immense pan de mur. Avec que des déclinaisons du marron clair : sable, sable mouillé, cassonnade, lin, papyrus, chiure de mouche, boue séchée etc. Euuuh... Laquelle je prends ? Surtout qu'au bout d'un moment, toutes les couleurs se mélangent, et sur chaque pot, tout ce que je voyais c'était l'espèce de même beigeasse. Trop de choix tue.

J'en ai pris plusieurs qui avaient l'air de correspondre à ce que je voulais (sans être vraiment sûr de ce que je voulais, certains diront que c'était mon erreur), et je les ai mis à côté de Taupe, en imaginant que chaque couvercle était une représentation miniature d'un mur de ma chambre. J'en ai trouvé un qui faisait bien. On prend le rouleau, la bâche pour protéger par terre, et direction la caisse.

Ensuite, je suis rentré chez moi, et je me suis mis au travail.

Sache que je

Je ne sais pas combien de temps on a passé ensemble. Au bout d'un moment, j'ai eu l'impression que tu avais toujours fait partie de ma vie, partie de moi.Bien sûr, notre relation était loin d'être rêvée, on n'a jamais rien fait d'autre que se détruire mutuellement. Mais tu as quand même réussi à faire de moi un homme changé : adieu l'alcool, les nuits trop courtes et mes habitudes alimentaires d'américain moyen. Et avec toi, après nos joutes nocturnes, diurnes et entre les deux, je n'ai jamais eu envie d'aller frivoler dans les lits des voisins. Tu as pris le dessus sur moi. Des jours, des nuits à genoux pour toi, à gémir ma douleur. À m'empêcher de vivre.

Il m'en a fallu des forces, pour réussir à te faire face.

Je ne sais pas qui a gagné, parce qu'on n'en sort jamais totalement indemne, mais un jour tu n'étais plus là. Tu as laissé un vide en moi que j'ai cru ne jamais pouvoir combler. Mais petit à petit, j'ai fini par reprendre le dessus. La vie finit toujours par reprendre le dessus (ils le disaient dans Jurassic Park, et bon sang ne saurait mentir).

J'ai presque compté les jours, à partir du moment où tu m'as laissé. Tu m'auras accordé trois semaines.

Trois semaines de paix, de tranquillité, avant que tu ne reviennes, avant que je te laisse te faufiler dans mon intimité. Je sais que tu ne liras jamais ces quelques lignes (et si tu le faisais, l'humanité vivrait sans doutes ses derniers instants), mais je te le dis quand même :

Crève, pute de deuxième seconde gastro, CRÈVE !

Toutes les vieilles dames ne sentent pas le patchouli

Maintenant que je suis devenu un vieux, je me sens obligé de passer plus de temps avec les gens de mon âge, c'est fini de traîner avec les p'tits jeunes d'Happy Time, il faut savoir grandir.C'est pour ça que l'autre jour, pendant ma pause déjeuner, je suis allé voir mes grand-parents.

En plus, il faut se rendre à l'évidence, ils ne seront pas là éternellement, alors si je veux récupérer la part du lion dans l'héritage (et je le veux), c'est maintenant que ça se joue. Et puis je les aime bien, surtout Méméprocellus avec sa purée dans la tête, même que maintenant elle commence à s'oublier et à souvent sentir la pisse. Du coup il faut penser à l'aimer avec une distance de sécurité, mais en général il suffit de lui faire la bise pour s'en souvenir.

Il faut aussi faire attention à ne pas s'asseoir dans son fauteuil, mais coup de pot il est facilement reconnaissable, elle s'installe toujours dans le même, c'est à dire celui qui a une serpillière sous le coussin. Et moi, à chaque fois que j'y vais, je m'assieds toujours le plus loin possible d'elle, parce qu'en plus sinon elle m'attrape le bras pour me parler, et le toucher d'une vieille dame c'est quelque chose d'horrible, une accroche molle et flasque, avec une pression juste assez forte pour qu'on ne puisse pas s'en défaire trop facilement, un peu comme une main crispée de vieille momie, yeurk.

Alors ce jour là, en arrivant, j'ai fait comme d'habitude. Je pose mon sac, j'enlève mon blouson, et je me vautre.

J'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas.

Ce qui m'a d'abord frappé ça a été l'odeur. Hmm, ça sent l'pipi alors qu'elle n'est pas à côté de moi ? Et juste après m'être installé, quand j'ai senti que l'assise de mon fauteuil était humide, l'horrible vérité m'a sauté à la gorge. Je suis assis dans l'urine de ma grand-mère !

Gasp. Qu'est-ce que je fais ? Je me lève d'un coup en expliquant mon problème ? C'est très gênant, et ça ne se fait pas, il y a comme un accord tacite dans la famille : mon grand-père a mis les serpillières sous tous les fauteuils (bordel, j'aurais dû remarquer que maintenant ça ne se limite plus à un seul !), mais sans rien dire. Si on ne parle pas des fuites urinaires, alors les fuites urinaires n'existeront pas. Donc je continue à superbement ignorer l'éléphant dans la pièce ?

Non mais je suis quand même assis dans de la pisse, et ça sent, et je dois retourner bosser dans une demi-heure, et tout le monde va penser que je me suis fait dessus ! Et la seule autre place libre, c'est celle à côté de Méméprocellus, qui va m'agripper le bras si je me mets là, et je ne vois pas pourquoi elle n'aurait pas aussi pissé à sa place de d'habitude !

Charybde ? Scylla ?

C'est à ce moment que le miracle s'est produit. Mon grand-père a eu la bonne idée de vouloir me montrer l'avancée des travaux, sur l'arrière du bâtiment, il faut qu'on aille dans la chambre tu viens voir ? Il avait à peine fini sa phrase que j'avais sauté sur mes petits pieds.

Tout en y allant, je me tâtais le cul pour voir si c'était très imprégné, et si ça sentait beaucoup. C'était difficile à déterminer, parce qu'avec mon coup de stress, j'avais les mains un peu moites.

J'ai essayé de me dire que j'avais sûrement exagéré. Ca ne doit pas sentir de trop, j'ai pas dû y passer plus de cinq minutes, le jean c'est épais, ça n'a pas pu pénétrer, et la serpillière avait dû remplir son rôle... Et puis si ça se trouve tout ça c'était dans ma tête, ma grand-mère sentait parce qu'elle avait fait sous elle, et j'ai imaginé que j'étais assis dedans... Allez, on croise les doigts et on dit au revoir, pour avoir au moins le temps de sécher...

C'est ainsi que mortifié, j'ai repris le métro et je suis retourné bosser, en ayant l'impression de sentir la pisse à plein nez, et heureusement qu'Happy Time vend aussi du Fébrèze.

Procellus family, ou comment pimenter des pauses déjeuner un peu fades.

Tu seras un homme, mon fils

Lundi, c'était mon anniversaire. Même que je suis devenu un homme. Ben ouais, c'est bien connu, à vingt-six ans on est un adulte, un vrai, qui n'a plus droit à son livret jeune, qui arrête de bénéficier du tarif gibier au sauna, et qui a les moyens de payer ses billets de train plein pot. Un homme, quoi.

Pour célébrer mon entrée dans le monde des grands, Papaprocellus a décidé qu'il était temps de m'initier aux plaisirs de la vie. Alors en guise de cadeau d'anniversaire, il m'a payé une pute.

Nan, je déconne. Comme ils me l'avaient promis, Lui et Marâtre m'ont payé un restaurant étoilé Michelin (enfin, juste le repas hein), parce que soi-disant qu'à force de me nourrir uniquement chez McDo et à ne manger que des knacki et du jambon purée, je tue lentement la grande tradition gastronomique de mon beau pays. J'aurais bien répondu que j'en avais rien à foutre, mais bon, je voulais pas risquer de perdre ce repas chaud et gratuit.

Quand je suis arrivé chez Papaprocellus, avec mon sweat et mon vieux jean et mes baskets sales, il a eu l'air un peu surpris :

- Ah tu y vas habillé comme ça ? - Ben oui, moi on m'a juste dit de venir, pas de venir bien habillé, pourquoi, ça va pas ? - Non non... Ca ira, c'est bon...

Parce qu'en fait à l'origine, ils m'avaient juste dit qu'on irait dîner dans un restaurant vers chez eux où ils vont souvent, et c'est très rigolo, on mange dans des éprouvettes, certains plats font sortir de la fumée par le nez, et on boit de la tarte tatin. Ces enfoirés de leur mère la pute avaient omis de préciser qu'en plus c'était un truc de riches.

Jusqu'à ce que Marâtre rentre du boulot pour nous y emmener, tout s'est bien passé. Mais quand elle est arrivée, elle a demandé à Papaprocellus de se changer, parce que quand même, voilà quoi. Du coup, je me suis senti tout bête. Elle m'avait rien dit, mais j'ai quand même essayé de justifier mes haillons :

- Moi on m'avait pas dit qu'il fallait être habillé, d'abord !

Grands seigneurs, ils m'ont assuré que ça irait très bien. Mais dans la voiture, la drama queen qui sommeille en moi s'est réveillée en sursaut. Oh mon Dieu mais je vais être mal habillé et tout le monde va me regarder et ils vont me jeter des pierres et des oeufs pourris et je veux mouriiir arrêtez la voiture !

Il s'est avéré qu'ils avaient raison. Je me suis rendu compte que je pouvais être dans une salle remplie de pépés en costumes cintrés et de bourgeoises assorties, porter un pull Gap moche et en sortir indemne. De toute façon le troisième âge, avec leur cataracte ça fait un moment qu'ils ne remarquent plus ce que portent les autres.

Le reste de la soirée a été assez anecdotique. Il a juste fallu un temps d'adaptation pour s'y repérer et choisir les plats, entre "Passion violente d'une Pintade de l'Allier servie tendre, émulsion d'un gratin Dauphinois et tuile de riz cassante", "Saveur assoupie d'une Poitrine Pincée de moutarde de Charroux son et parfum d'un 'chou mandarine' combiné de Jambon Ibérique" et autres "Volcan éteint d'une pêche au Cassis surmonté d'un nuage de menthe glaciale". Moi aussi plus tard je veux faire ça comme métier, inventeur de noms à la con pour dire "du poulet", "du jambon" et "de la glace" !

De dégustation de mini-plat en dégustation d'autre mini-plat, avec un garçon tout crispé (sûrement à cause du balai qu'il avait avalé) qui nous rappelait solennellement ce qu'on avait choisi avant de nous laisser y goûter, on est vite arrivés au dessert. L'avantage de ce genre d'endroit, c'est que j'avais pas besoin de me demander toutes les cinq minutes si tous les serveurs n'allaient pas arriver en chantant "joyeux anniversaiiire" en portant le gâteau. La maison n'offre pas ce genre de triviale démonstration (et c'est tant mieux).

Je me suis demandé s'ils allaient quand même me donner mon cadeau à ce moment là, vu que je ne l'avais pas eu à l'apéritif. Ca allait sûrement être un truc super cher, parce qu'il ne prenait pas beaucoup de place, sinon je l'aurais remarqué dans leurs affaires à l'un ou l'autre, quand on était arrivés. Mais non. Bah, ils me le donneront peut-être si je les laisse monter quand ils me raccompagneront ?

C'est quand ils m'ont laissé en voiture en bas de chez moi, en me souhaitant une bonne nuit et encore un joyeux anniversaire que j'ai compris. Je les ai bien remerciés pour le resto, et je me suis senti vieux, vieux, mais vieuuux ! Alors ça y est, je suis arrivé à cet âge où on arrête de m'offrir des vrais trucs, genre le château Playmobil ou le bateau des pirates Lego ? Maintenant que je suis vieux, on ne m'offre plus que des souvenirs, des instants, des cadeaux d'adulte dont je n'ai que foutre ?

Heureusement, mes deux parents ne sont pas comme ça. Une fois passé le choc de cette intense déception, je suis sorti du caniveau où j'étais tombé à genoux, hurlant à la mort contre ce triste destin, et je suis rentré chez moi. Là, je me suis jeté sur la DS que Mamanprocellus m'a offerte, et j'ai attrapé des pokémons jusqu'à ce que je me mette à rajeunir.

Ca n'a pas marché.

La bouche de Procellus

La bouche de Procellus est très jolie. Ca tombe bien, parce qu'une jolie bouche, c'est important. Ca permet d'avoir un joli sourire qui plaît aux jolis garçons, et de leur dire ce qu'ils veulent entendre pour pouvoir ensuite leur faire plein de trucs, toujours avec la même bouche (mais pas uniquement). Et après ça permet de leur dire de dégager, une fois qu'on en a terminé. Ah ça oui, la bouche c'est important.

Et en ce moment j'étais ennuyé, parce qu'avec mon problème d'incisive, ma bouche de Procellus perdait un peu de son pouvoir. Ceux qui suivent, qui ne sont rien sans moi, qui seraient prêts à mourir ou tuer pour avoir de mes nouvelles, et qui ont pour un instant arrêté de travailler à la statue en marbre qu'ils m'érigent pour pouvoir lire ces quelques lignes, ceux-là savent que mardi dernier, j'avais rendez-vous avec mon bourreau stomato.

Fin décembre, je m'en moquais grave, peuah, je dois y aller le quinze janvier, et il va m'ouvrir la gencive comme un livre, j'ai le temps, n'y pensons pas ! Début janvier, pareil. Jusqu'à ce que je me rende compte qu'en fait, le quinze janvier c'était dans deux semaines, une semaine, six jours, cinq quatre trois demain.

Le quinze, c'était donc un mardi. Le lundi soir, je me suis couché les larmes aux yeux, en sachant que c'était ma dernière nuit dans ce monde. Ca m'a au moins permis de voir ce que ressent un condamné à mort, et de me rendre compte que si je devaiiiis... mouuuriiir demaiiin...!, je passerais ma dernière journée à tourner en rond, à me dire que je veux pas ouin au secours, et à me goinfrer de trucs qui se croquent parce que demain ça sera fini.

Le mardi matin, j'ai relu la feuille d'instructions : "le soir suivant l'opération, ne mangez que des aliments froids et mixés". Je suis donc allé m'acheter des yaourts liquides et des petits pots pour bébés, tant pis je les mangerai froid, de toute façon même chaud c'est dégueulasse, et puis je serai mort alors quesse j'en ai à fout'.

Ensuite, j'ai pris un demi Lexomil, on va manger un dernier MacDo avec Quelqu'un, et je m'en vais vers les Havres Gris. Là j'ai pu me rendre compte que le Lexomil ça vaut rien c'est trop d'la merde, ça donne envie de dormir, mais ça n'empêche absolument pas de stresser, ni d'avoir l'esprit qui va à 200 à l'heure dans toutes les directions à la fois.

En plus ce salaud a fait exprès d'avoir une demi-heure de retard, pour me laisser appréhender tout ce que je pouvais, j'en suis sûr je le sais je l'ai vu à ses yeux. Sur le fauteuil, l'angoisse me donnait envie de vomir, alors je lui ai avoué que j'étais un peu nerveux. Avec Acrylique, ils ont fait deux ou trois blagues pour me détendre :

- Oh, Acrylique, venez voir un instant mon petit? - Oui me voici Docteur, que se passe-t-il ? [Prout] - Héhéhé ! Hein, la mouche qui pète, hin hin hin ! - Ha ha ha, qu'il est con !

D'ordinaire, j'aurais pu trouver ça drôle, mais là, savoir que dans quelques minutes il allait m'ouvrir la gencive comme un livre pour la gratouiller jusqu'à l'os, ça inhibait un peu mon sens de l'humour. Quand ils ont eu fini leur déconne, le doux visage d'Acrylique s'est penché au dessus de moi, et elle m'a collé un champ opératoire sur la figure. C'était pratique, comme ça je pouvais rien y voir. Mais deux précautions valent mieux qu'une, j'ai quand même fermé les yeux.

Je l'ai senti approcher, avec sa seringue. Il m'a fait la piqûre, m'a caressé la gencive et m'a annoncé fièrement que j'étais anesthésié. Ensuite... ben ensuite rien en fait. L'anesthésie a fonctionné (heureusement), je n'ai pas trop senti ce qu'il faisait. À part les vibrations et les bruits. C'est ça le pire, dans ce genre d'opération.

Alors je suis rentré chez moi, j'ai mangé mes petits pots dégueulasses, ma Häagen-Dazs super bonne, toujours sans rien sentir, me réjouissant de la semaine d'arrêt de travail sans douleur qui s'offrait à moi (parce que c'était sympa d'être arrêté une semaine pour la gastro, mais passer quatre jours à vomir, c'était pas super fun).

Bon bien sûr, les fils (et le possible abcès) me gênent un peu, et comme je ne peux pas jouer avec ma bouche et les garçons, je suis obligé de m'occuper en repeignant ma chambre, mais c'est pas grave, parce que bientôt, la bouche de Procellus ça sera de nouveau la plus belle.

Bientôt, parce que pour l'instant, la bouche de Procellus, c'est ça :

Bon appétit bien sûr.

Ces plans cul qui n'arriveront jamais

Alors oui, je sais, dialh et rezog et tout ça, c'est des lieux de débauche infâmes, où tout ce qui peut nous arriver de mauvais après coup n'est que juste punition envoyée par le Seigneur qui est notre berger, pour nous punir de nous adonner à la luxure avec aussi peu de retenue et autant de facilité. Enfin, ça c'est dans l'idéal.

En vrai, ça tient plus de la Cour des miracles, un condensé du pire de l'espèce humaine, où il faut lutter comme un titan pour trouver un mec à peu près potable, qui n'aura pas envie de te filer de la thune pour te lécher les pieds pendant que tu lui cries des trucs en allemand, et où il faut savoir repousser les avances de Katrina, directeur de banque la journée, soubrette soumise la nuit, qui veut absolument qu'on la promène en laisse dans le bois de Vincennes, genre j'ai que ça à foutre (et je me moque même pas de tous les d'jeuns kikoolol hein, c'est trop facile).

Y'a aussi les incorrigibles romantiques qui cherchent le grand amour, pas du sexe, le sexe c'est sale, eux ils en ont marre des plans cul, beurk, mais comme ils sont timides (ben oui), ils mettent juste une photo de leur membre turgescent sur leur profil, du coup on est tout perturbé, ces messages contraires, c'est troublant.

Sans oublier les purs cas sociaux, ces frustrés qui veulent nous lapider quand on n'est là que pour discuter, ou les intégristes du bareback qui se mettent à beugler comme des putois (enfin, à écrire EN MAJUSCULES pour montrer qu'ils sont tout colère) parce qu'on préfère utiliser un préservatif, pauvres fous de nous.

Et dernièrement, moi, Procellus, j'ai découvert une nouvelle race de cyber-pédé, sur lequel il faudrait tirer à vue. Quand il m'a abordé, j'ai d'abord cru à une blague. J'imagine que les mecs qui ont découvert l'ornithorynque ont dû réagir un peu pareil, "euh, mais c'est pour de vrai ?".

Ben oui, c'est pour de vrai. Devant mes yeux ébahis, je venais de me faire aborder par "le d'jeuns totalement décomplexé que rien n'arrête", encore un qui a été marqué par le "Oublie qu't'as aucune chance et fonce, sur un malentendu ça peut marcher", perdant de vue que c'était juste un gag dans un film, et qui entame la conversation comme suit (tout est d'origine, quand j'ai reçu le message je me suis empressé de le copier-coller, ne me remerciez pas) :

tu veux k je pass te bouffer le cul et te prendre?(j'vais etre honnete j'suis monté k 13cm mais compance avec le reste lol)

!!! Alors c'est très gentil hein, mais ça ne va pas être possible, par contre (et à tellement de niveaux différents que ça serait très difficile de savoir par où commencer).

La fin de ma fin

Je sais pas si vous êtes au courant, mais en ce moment je me traîne une gastro de sa mère la pute.Oui, ça fait cinq jours que ça dure, je déteste faire les choses à moitié.

L'avantage quand on est malade, c'est qu'on peut régresser à mort, on a le droit, on est souffrant ! Comme ça, j'ai pu passer trois jours vautré dans le canapé à me goinfrer de Picsou Mag' et autres Pif Gadget, même que c'était bien. Ca a été un peu la honte à la librairie, surtout qu'ils avaient pas de sac, donc j'ai dû emprunter un gosse (faudra penser à le rapporter) depuis la sortie de l'école jusqu'à chez moi, pour faire croire que c'était pour lui.

Quand on est malade, c'est aussi l'occasion de se faire dorloter par ses parents. Mais bon comme je suis indépendant et contagieux (surtout), ça s'est fait par téléphone.

Avec Mamanprocellus, ça a été tout en cajolades et en bons conseils, "oh mon pauvre lapinou en sucre, je suis désolée, tu sais ça ira mieux demain...". Avec Papaprocellus, c'était plus viril, et toujours la petite pointe de reproche voilée : "ah, une gastro ? C'est parce que tu ne t'es pas lavé les mains (nananère) !".

Et Mamanprocellus a aussi eu cette petite phrase, comme quoi avec les maladies virales, on ne commence à vraiment guérir qu'à partir du moment où on a contaminé quelqu'un d'autre.

Alors j'ai mis en pratique tout ce qu'ils m'ont dit. Hier, je suis allé à la piscine.

Ca m'a coûté trois euros, mais j'ai consciencieusement léché toutes les poignées des cabines et les portes des casiers, en me disant que ça serait bien le diable que personne aille se mettre les mains à la bouche après avoir ouvert une de ces portes.

Ben c'est drôlement efficace, parce que moi, ça va déjà beaucoup mieux.

Comment maximiser son potentiel de loser

Parce que oui, être un loser commun (pouah), c'est facile, il suffit de se laisser être soi-même, et en général le reste suit tout seul. En tout cas, pour moi ça marche comme ça, et même un peu trop bien.Mais pour célébrer la nouvelle année, allez, une de plus, ouais, j'ai décidé de repousser les frontières, de diriger une exploration vers des contrées inexplorées, en route pour la Terra Incognita de la lose !

D'abord, il a fallu attendre le moment propice, l'instant où un signe mystérieux indique que ça y est, c'est maintenant, une autre opportunité ne se représentera peut-être qu'avec le prochain alignement des planètes, dans mille ans ou un truc dans le genre.

Pour moi, ça a été la gastro du mercredi soir. À genoux devant mes toilettes sur le coup de deux heures du matin, je me suis dit qu'il ne fallait pas laisser passer ma chance, c'est pas mon style. Une fois ma petite affaire terminée, je suis retourné me coucher, en espérant que ça irait mieux demain (forcément hein).

Le lendemain matin, on ne peut pas dire que j'avais été exaucé. L'odeur de mon gel douche me filait la gerbe, pareil avec les vibrations de mon corps en marchant. J'étais ce que dans le jargon médical on appelle : une merde ambulante. Et c'est là qu'entre en action le plan "loser maximum".

J'aurais pu appeler mon boulot pour leur dire "oui c'est David, je crois que ça va pas être possible aujourd'huuuargl", et n'être qu'un loser ordinaire, cette moitié de la France qui n'a pas survécu aux fêtes et qui va passer deux jours à vomir tripes et boyaux à la maison. Mais non, pas de ça Lisette ! Moi, j'ai décidé d'y aller quand même. Ben oui, je les ai déjà prévenus que j'allais avoir une semaine d'arrêt à partir du 13, je vais quand même pas abuser hein, surtout en période de grimpage d'échelon...

Alors j'y suis allé. Et j'ai tenu bon. Je ne vomirai pas sur ce client, je ne vomirai pas sur ce client... Ca va David ? Oui oui, je ne vomirai pas sur ce client, je ne vomirai pas sur... Euh je vais aux toilettes je reviens...

Mon esprit à réussi à combattre mon corps assez longtemps. Tiens, on va regarder l'heure au fait, ça fait combien de temps que je tiens le coup ? Ah ouais, ça fait quand même une heure et demie... Je dois encore rester là pendant sept heures... Ca risque de pas le faire...

Deuxième opportunité de rentrer chez moi : je vais voir les chefs. Euh dis, ça va pas très... [je deviens vert... ça passe] fort. Je pourrais aller... infirmerie... gastro...?

J'arrive à l'infirmerie, nouvelle chance de me faire renvoyer à la maison. Après avoir manqué de déposer ma quiche en cadeau de bienvenue aux pieds de l'infirmière, je lui explique que je viens la voir pour une gastro. Et je me suis retrouvé devant un croisement. À gauche, je repars vers chez moi, la civilisation, le Mac et la Wii. À droite, je pars explorer un peu plus la jungle noire de mon loser intérieur.

- ...Alors si vous aviez quelque chose, parce que j'aimerais bien ne pas vomir sur un client, ou pire sur mon jean, parce que je l'aime bien... - Tenez, prenez ça... Vous êtes sûr que ça va aller ? Vous avez vraiment pas l'air bien, vous voulez pas rentrer chez vous ? - Non non, je vais essayer de tenir bon, avec le médicament ça devrait aller, merci madame l'infirmière !

Infirmière ? Mon cul oui, c'est le vil serpent tentateur cette femme, elle est là pour essayer de me détourner de mon noble projet, sale réactionnaire !

- Par contre pour votre bon de sssortie, il faut que je marque l'heure à laquelle vous allez retourner travailler... Il est 11h05, je vous marque cette heure là ? Ou vous voulez en profiter pour vous balader quelques inssstants ?

Arrière, vipère ! Tu ne m'empêchera pas de mener mon expédition à son terme, je serai le plus grand loser que je peux être !

- Oh non vous n'y pensez pas ? Je vais y aller directement, merci !

Et joignant le geste à la parole, j'y suis retourné, d'un pas lent, afin d'éviter au maximum les vibrations quand je pose le pied par terre. Ca va aller. Et puis j'ai un Spasfon sous la langue, je ne peux qu'aller mieux.

J'ai dû attendre dix minutes après m'être assis, pour que ledit Spasfon fasse effet. Et là, l'Enfer s'est déchaîné dans mon bidou. J'ai quand même eu le temps de dire que je devais y aller, et de courir aux toilettes, brisant au passage deux ou trois hanches artificielles à ces cons de vieux qui n'ont que ça à foutre, leurs courses le jeudi matin, hein ?

En revenant, je me suis avoué vaincu. Je ne sais pas si je suis le meilleur loser qu'un homme puisse être, mais je sais que je ne peux pas tenir une minute de plus. Alors je suis retourné voir les chefs, tout blanc, hagard, en demandant si je pouvais rentrer chez moi, finalement.

- Ah... Mais t'es sûr ? - Haut-le-coeur

Face à mon silence éloquent, ils m'ont laissé rentrer. Ensuite je suis rentré chez moi, je me suis couché, et comme tous les grands explorateurs de l'extrême, je suis mort des suites de mon exploit.

Une histoire très longue, très belle et très triste pour bien commencer l'année

L'autre jour pendant ma pause midi, j'ai déjeuné avec Grand. Il m'a pas pris en traître, il m'a tout de suite annoncé la couleur : "Diiis, J'ai personne là... Tu manges avec moi...?".Comme je l'aime bien, que je le trouve beauuu (même si je suis le seul), que j'ai voulu lui laisser le bénéfice du doute hein, on va dire qu'il l'a simplement mal formulé, et que moi non plus j'avais personne avec qui miamer, je l'ai autorisé à m'accompagner, et on s'est retrouvés autour d'un humble Quick.

Avec Grand, on est quand même des gens civilisés, alors entre deux bouchées on a essayé de se faire la conversation. Et comme on n'a pas grand chose à se dire, lui c'est un pédé mondain et moi pas, on n'a pas eu d'autre choix que de déverser notre fiel sur les gens qu'on connaît.

Or, il se trouve que les seules personnes qu'on ait en commun, c'est les chefs. Il a commencé avec Glory, qui nous a quittés il y a peu, paix à son âme, en me disant plein de méchancetés sur elle, bouh la vilaine Glory ! Ce à quoi j'ai répondu que moi je l'adorais et que j'avais failli pleurer le jour où elle est partie. J'ai jeté un froid, mais je suis resté fidèle à mes convictions, ouais !

Ensuite, il m'a parlé du pire des monstres de l'Enfer, une créature assoiffée de sang, que les Ténèbres craignent, qui fait faire dans son froc au croque-mitaine, et à côté de laquelle la méchante reine de Blanche-Neige est une Jeannette au coeur pur : la terrible Panpan.

Pour moi, Panpan est une charmante femme qui me rappelle un peu ma mère mais en mieux, et peut-être en plus jeune. C'est difficile de dire quel âge elle peut avoir, parce que quand je l'ai connue, elle avait les cheveux tout rouges, et ça rajeunit même les plus vieilles peaux, et je suis toujours très mauvais pour donner un âge aux gens, mais elle a quand même l'air moins usée et battue par la vie que ma vieille maman.

Je suis tombé de bien haut quand il m'a appris que Panpan est en réalité une peau de vache, qui ne dit jamais bonjour (paaas bien !), une vilaine succube, une goule infecte, qui a le pouvoir de te gâcher la vie, de te crucifier à ton poste toute la journée, en t'empêchant de partir en pause quand tu en aurais envie, en utilisant des vieux clous rouillés et du fil barbelé. Et qu'elle ne s'en prive pas. Il paraît aussi qu'elle peut aspirer ton âme rien qu'en pensant à toi, et se nourrit uniquement de coeurs de licornes et d'yeux de bébés chats, et dans ses veines c'est pas du sang qui coule, c'est de la soude.

Là encore, j'ai été obligé d'avouer que j'ai pas de problèmes avec Panpan, j'aurais même tendance à la trouver sympathique et à bien m'entendre avec elle. De toute façon c'est toujours comme ça, même les pires gens ont tendance à bien m'aimer (et tu en es la preuve, toi lecteur), c'est comme un charme permanent.

Déjà au lycée, tout le monde craignait le père de Best Friend Forever, une espèce de grizzly qui détestait tous ses copains, et mangeait des catcheurs au petit-déjeuner. Mais dès que j'étais là, il se transformait en Winnie l'ourson, limite s'il ne venait pas s'allonger à mes pieds pendant que je regardais la télé pour que je le gratouille derrière les oreilles. Les mamans aussi m'aiment beaucoup. Sûrement parce que je suis le fils qu'elles auraient toutes aimé avoir -quelle mère n'a jamais rêvé d'avoir un fils qui suce des bites dans les toilettes des grands magasins ?

Et Panpan, c'est pareil, j'ai toujours l'impression d'être le fils qu'elle n'a jamais eu (enfin si, elle a un fils quoi, mais vous voyez ce que je veux dire, c'est pas moi).

Et puis j'ai réfléchi. Je suis comme ça moi, je ne recule devant aucun effort intellectuel. Oui en fait, c'est vrai que Panpan est une pute. Sauf qu'avec moi, c'est beaucoup plus sournois, l'abjecte.

À la fin de mon premier contrat, quand je voulais encore profiter des réductions alors que j'avais pas le droit, qu'est-ce qu'elle a fait ? Elle m'a filé sa carte, alors que c'est interdit, exprès pour que je me fasse choper et que j'aie des emmerdes ! Saaaloooope !

Quand je suis occupé avec un client, là encore, elle fait exprès de venir me faire des compliments tout fort, pour me mettre mal à l'aise, comme quand les parents nous accompagnaient de force devant la porte de l'école et c'était trop la honte de leur faire la bise. Puuute !

Et le pire ça a été cette fois où le magasin était désert. J'étais tranquille à ne rien faire, le regard dans le vague, et elle est venue me faire la conversation, comme j'avais "l'air de m'ennuyer". Et qu'est-ce que tu fais à côté d'Happy Time, et faut pas que tu restes là, tu vaux mieux que ça, et patati et patata... Mais putain connasse, est-ce que je t'ai donné l'impression d'avoir envie de te parler de moi ? Tu peux pas me laisser à mes méditations ?!

Le fruit de mes réflexions si poussées m'a fait tomber complètement d'accord avec Grand, alors j'ai donné un grand coup de poing sur la table, putain mais ouais, et on va pas se laisser pourrir la vie par cette sorcière ! C'est pour ça qu'en revenant de déjeuner, j'ai pris une gorgée de courage (en fait non c'était du Fanta Orange, mais chut), et je me suis mis en route, direction son bureau, viens mon fidèle Grand, allons débarrasser la Terre de ce fléau !

Ça a pas été facile d'y arriver, parce que plus on s'approchait de son antre, plus la végétation essayait de nous bloquer le passage (qui l'eût cru qu'il y ait autant de ronces à l'intérieur même d'Happy Time !). Mais je suis pas idiot, j'ai fait passer Grand devant, en l'agitant comme un plumeau Swiffer, et comme je lui avais frotté les pieds sur la moquette juste avant, son électricité statique a bien déblayé le chemin. Le cœur battant la chamade (tiens Chamade, prend ça ! Et ça ! Et encore ça !), je suis arrivé devant sa porte. Et j'ai toqué.

Ensuite, j'ai poliment attendu qu'on me dise d'entrer, parce que quelle que soit la porte et la situation, et même pour libérer le monde du joug oppresseur de cette gorgone buveuse de sang, j'attends toujours d'avoir une réponse. Je vois souvent des gens qui frappent et qui entrent directement, et de temps en temps j'essaye de faire pareil, mais je bloque, je ne peux pas ne pas attendre qu'on m'autorise à entrer.

Mon attente a été plutôt minime, parce que la porte était ouverte, mais il faut quand même frapper, pour faire connaître sa présence. C'est aussi ça, être bien élevé. J'ai eu doublement de la chance. Panpan était là, donc je n'étais pas venu pour rien, et elle était encore en train de se repaître des restes de Barbamama, une des autres chefs que j'aime bien (enfin, aimais, du coup), et donc elle ne risque pas de vouloir me manger tout de suite.

Mais elle a compris, en voyant mon regard déterminé (i.e. je luttais contre mon strabisme naturel) que "je ne venais pas pour une visite de courtoisie", et que "cette fois, c'est personnel". J'ai toujours rêvé de vivre une grande scène où je pourrais balancer des clichés du genre, et je me suis dit que le ratatinage de la Bête, c'était l'occasion où jamais.

J'ai attendu quelques instants sur le pas de la porte, les mains sur les hanches, pour bien laisser le temps à ma silhouette menaçante éclairée à contre-jour de se détacher, en me demandant juste pourquoi dans la vraie vie il n'y a jamais de jolis effets de fumée comme au cinéma, et je suis rentré. Prépare-toi à rendre gorge, vieille carne !

Dans une tentative désespérée pour m'aspirer ma belle âme tout propre, elle a commencé à faire genre elle s'intéressait à ma délicate personne, "oh mais c'est notre petit David, dis donc t'es sûr que ça va, t'as pas l'air en forme en ce moment...". Mais je l'ai pas laissée finir. Higitus Figitus, tu n'auras pas ce Procellus !

J'ai commencé à agiter les mains comme je l'ai appris en regardant Merlin et Willow, tout prêt à lui balancer un Avada Kedavra ou un truc dans le genre, pour en finir une fois pour toutes avec cette abomination infernale. Mais Panpan sait se défendre, et elle connaît mes faiblesses. Elle a découvert ses crocs dans un rictus abominable, et elle a tendu une main sur le côté, plus vive que l'éclair. Là, elle a attrapé deux ballotins de chocolat dans un petit panier, et me les a tendus :

- Tiens, tu as eu tes chocolats pour Noël ?

Des Ferrero Rocher vous nous avez gâtés, et des Mon Chéri mais Michel tu sais très bien que nos invités n'aiment pas les friandises ? Hmm. C'est pas vraiment mes préférés, mais j'avais pas pris de dessert chez Quick, parce qu'il fait un peu froid pour une glace, et c'est tout ce qu'ils ont de mangeable. Alors j'ai été faible, et je les ai pris, en jurant solennellement sur la tête de toutes ses victimes que je reviendrais accomplir mon noir dessein (vu que ses victimes sont déjà mortes, je m'engageais pas trop).

Bientôt.

Happy Time : la fin d'une époque

À l'origine, j'avais -assez brillamment, il faut bien le dire- emprunté le nom d'Happy Time à l'univers de Dead Like Me. Happy Time, la boîte d'intérim où George finit par se résigner à aller travailler, en se disant bien que c'est une situation temporaire, elle y va parce qu'il faut bien bosser pour rentrer dans le moule et donner le change. Je trouvais le parallèle assez... parallèle, ça soulignait bien le côté provisoire de ce boulot alimentaire et occupatoire.

Bien sûr, je pourrais dire que nous deux ça n'a rien à voir, moi je n'ai pas de chef à moitié folle qui passe tout son temps libre à s'exhiber devant sa webcam, mais ça serait mentir, je ne connais rien de la vie de personne en dehors du boulot (et c'est aussi bien comme ça). Mais ça avait un petit côté désespéré d'appeler ma boîte Happy Time, parce qu'au fur et à mesure des épisodes, ça devient bien plus que de l'intérim pour George. Elle fait son nid au sein de l'entreprise, et on finit par se rendre compte qu'elle ne partira ja-mais. Ouh la menteuse !

Et ça, il n'en est pas question, Happy Time ne sera pas mon tombeau, je vais pas m'encroûter dans ce job merdique de sa mère la pute, je vais passer le CAPES (et mourir), devenir prof (et mourir), ou un truc dans le genre, peut-être plus triste qu'Happy Time, mais dont je pourrai parler la tête haute.

Alors hier, au bout d'un an dans les murs, pour me rassurer, me remettre les idées en place et bien me souvenir que je ne suis là que en attendant, ça n'est pas un vrai boulot, j'ai fait quelque chose que j'avais envie de faire depuis longtemps (dès le jour où je suis revenu, même si je n'osais pas le dire) : je suis allé réclamer un poste un peu plus mieux. Une promotion, quoi. Parce que c'est ce qu'on fait, quand on n'a pas l'intention de rester dans une boîte, non ? Non.

Le Jordan Catalano à l'intérieur de moi

Quand j'étais au lycée, j'ai découvert My So-Called Life. C'était bien.Surtout les moments avec Jared Leto, en fait.

Quand je l'ai vu dans le pilote, ça a été une véritable révélation. Je me souviens qu'Angela aimait la façon dont il s'adosse aux choses. J'étais tout à fait d'accord avec elle.

Ce qui était vraiment cool dans sa façon de s'adosser, c'est la manière dont il réussissait à appuyer la tête en arrière contre le mur, comme s'il était en train de penser à quelque chose de tellement zen et profond, ou que tous ses soucis étaient trop lourds pour être supportés par son seul cou, c'était beau, putain, j'étais à ça d'en pleurer. C'est grâce à lui que j'ai découvert le secret d'un adossage réussi (parce qu'on n'a pas l'air d'être un gros glandeur) : appuyer aussi la tête en arrière.

Pratiquant moi-même avec assiduité le vautrage vertical contre tout ce qui me tombe sous la main, du mur au lampadaire (ce qui m'a valu bon nombre de réflexions spirituelles- "ah tiens tu fais le tapin hu hu hu" arrive en tête) en passant par les portes -ce que je déconseille, elles ont tendance à s'ouvrir et offrent donc un appui plus que précaire- j'ai longtemps voulu l'imiter.

Sauf qu'il doit y avoir un truc que je fais mal, parce que depuis environ dix ans que j'essaye, à chaque fois, soit ma tête est déjà trop contre le mur pour pouvoir la renverser plus, soit je risque de me faire le coup du lapin inversé tellement il faut que je l'envoie loin.

Dommage, mais avoir l'air sexy et détaché du monde comme Jordan, c'est pas pour moi. Du coup, je suis comme cette majorité de ploucs adossés comme des nazes, le corps appuyé en arrière, mais la tête parfaitement parallèle au mur, on regarde droit devant, ou limite à droite à gauche, mais ça s'arrête là.

Alors j'ai fini par oublier ces échecs à répétition et mon passé douloureux, Jared Leto qui ne vieillit pas si bien (bon si quand même), la tête en arrière, le dos au mur.

Et puis l'autre jour à Happy Time, j'étais tranquillement dehors en train de déguster un pain aux raisins dans ma position d'aplomb préferée, "alors David, on retient l'immeuble ?" quand je me suis rendu compte que je commençais à avoir des sensations bizarres dans la nuque, que ça tirait drôlement. Et qu'il fallait que je redresse la tête, qui était négligemment appuyée en arrière contre le mur.

Putain ça y est ! Après des années de tentatives infructueuses, mon évolution vient de faire un bond en avant ! Allez, je redresse la tête... et je la laisse retomber derrière moi (doucement quand même, ça serait con de m'assommer), pour voir si je peux le faire volontairement ? Ca marche encore ! Vive moi, vive Jordan ! Je peux enfin avoir l'air cool et mystérieux et perdu dans mes profondes réflexions ! Et ça sera quand même mieux que l'impression que je donne pour l'instant, du mec cool, mais bizarre et toujours un peu à l'ouest, perdu dans son vaste univers autistique.

Procellus, ou pas de petites victoires.

Comment passer pour un petit joueur

Noël, c'est une fête de famille.En tout cas c'est l'argument qu'a avancé Papaprocellus pour que je vienne le passer avec lui. Alors que ça fait des années, depuis que Saint Juge a décidé que j'aurais deux fois plus de cadeaux que ces cons d'enfants de parents-encore-ensemble, que je passe Noël avec ma mère, et je vais voir mon père plus tard, pour lui souhaiter la belle et bonne année, et les vaches restent bien gardées.

Mais depuis un an ou deux, il a décidé que la famille, ça voulait dire "lui", et il joue à chaque fois sur la corde sensible, "allez, c'est une fête qu'on doit passer en famille, et tu es tout ce qui me reste...", avec en fond sonore une marche funèbre ou un truc bien larmoyant au violon, sans oublier ses grands yeux de Bambi. Le problème c'est que j'ai déjà une tradition pour l'anniversaire de Djizeusse, c'est de le célébrer dans un pieux recueillement avec ma mère et mes cousines et mes grand-parents, ma vraie meute quoi, et je vais pas bousculer des habitudes vieilles de vingt-cinq ans juste parce que sentant que sa fin est proche, Papaprocellus se découvre une fibre familiale, bordel de queue !

Mais je suis un fils formidablement bon, alors j'essaye de concilier. Même si ça veut dire me démerder pour fêter Noël pendant trois jours : le pré-réveillon avec mon père, le réveillon avec ma mère, et le jour saint avec Pépé et Mémé et toute la smala. Même si ça veut dire passer tout un repas avec les parents et les oncles de ma belle-mère, que je connais à peine.

Mais ça peut-être sympa, surtout que GrandCon et sa femme sont là. GrandCon, c'est un mec qui a arnaqué les impôts tout ce qu'il pouvait pendant vingt ans en ne déclarant pas les fosses qu'il creusait dans les cimetières (le petit malin !), ce qui lui a permis de prendre sa retraite à cinquante ans pour se construire un petit palace sur la Côte d'Azur, où il coule des jours heureux entre sa piscine et sa femelle. Sauf que la retraite, c'est un peu chiant, alors il faut bien s'occuper. Du coup, pour ne pas perdre ses bonnes habitudes de truand, en ce moment il fabrique du vin d'oranges, en faisant macérer des... oranges, si si, dans de l'alcool pharmaceutique emprunté à Papaprocellus.

J'avais déjà goûté de l'alcool de framboises qu'un représentant avait préparé avec la même recette (enfin sauf qu'il avait mis des framboises à la place des oranges, hein), et c'était plutôt carrément dégueulasse. Le petit côté "alcool frelaté dans le garage, qu'on utiliserait d'ordinaire pour nettoyer les vitres", ça m'avait un peu dérangé. Mais j'en avais juste pris quelques gouttes en digestif, si ça se trouve, cette fois-ci ça sera différent.

Déjà là c'est en apéritif, et ça change tout.

Hmm, ouais, c'est fort et sucré, et ça a pas vraiment le goût d'oranges, mais au moins cette fois on n'a pas la désagréable impression de boire un mélange immonde d'alcool à 90° et de sirop de framboises... Bon allez, si t'en reveux y'en rena, ça tente quelqu'un ? Ouaiiis, on en redonne à David, il conduit pas ! Je finis poliment mon deuxième verre, en mentant à GrandCon que c'est délicieux, c'est très fin ça se boit sans soif. L'avantage c'est qu'en arrivant à table, je suis un peu pompette, hihihi.

Alez, je vais manger un peu, pour éponger. Oh en plus c'est du poisson, ça veut dire qu'il va y avoir du vin blanc, j'aime bien le vin blanc ! J'en ai bu un verre, sur tout le repas (et peut-être un deuxième avec le dessert).

Il n'y avait plus qu'à laisser le mélange opérer.

En sortant de table, je me souviens avoir dit à Papaprocellus que j'avais mal à la tête, et il s'est moqué de moi, ha ha on a bu trop de vin blanc ?

Ensuite, plus rien. Juste une terrible envie de mourir, quand j'ai commencé à refaire surface dans le RER, quelques heures plus tard, en me demandant comment j'avais fait pour arriver jusque là.

Mon genre d'homme

Un jour, il a bien fallu se résoudre à tourner la page Bombasse, cette espèce de connard de bouffeur de chattes. Puisqu'il refuse de goûter avec moi aux plaisirs de l'amour entre hommes, qu'il aille crever dans le caniveau (en plus ça fait un moment que je ne l'ai pas vu, si ça se trouve c'est ce qu'il a fait). Et la meilleure solution pour ça -en plus du sexe à outrance avec plein d'inconnus-, c'est de s'en trouver un nouveau ! Comme je suis moi, je n'ai pas eu trop de mal à le remplacer. Au détour d'un rayon, par hasard, j'ai rencontré Poussin, ses grands yeux bleus, sa jolie gueule d'ange toujours mal rasé qui lui donne un air de rebelle au grand coeur (non Lorenzo Lamas, certainement pas toi), et ses blagues à la con : je me suis dit qu'il avait été envoyé par mon karma, qui cherchait à se faire pardonner cette longue période de merde. En plus il a ce grand avantage sur Bombasse : il me parle, on s'entend bien, et il a l'air de bien m'aimer -enfin je vais pas cracher dans le potage, ça faisait aussi partie du charme de Bombasse d'être un iceberg hein, n'oublions pas que je suis un masochiste de première, et que me manger en permanence un mur dans la gueule, j'aime.

Bien sûr, chat échaudé craint l'eau froide, et il faudrait être sûr que Poussin n'est pas encore un sale hétéro de merde, avant de l'envisager. Je pourrais lui demander directement, mais on m'a assez posé la question depuis que je bosse là pour que ça m'apparaisse tout de suite comme un très mauvais plan. Alors, je me suis fié à mon flair légendaire (là, imaginer Procellus se tapotant une narine avec l'index, d'un air satisfait). Je vais mettre en action mes petites cellules grises, observer, réfléchir et déduire.

Alors, dans la colonne "Poussin est une fiotte", j'ai noté :

- Il bosse à Happy Time; - Il a le même prénom que quelqu'un que je connais et qui en est, alors si ça c'est pas une preuve; - Il fait la bise à tous les mecs. Bon ok, ça ne veut rien dire non plus, et en plus moi il me serre la main, mais bon; - D'ailleurs une fois j'étais venu lui dire bonjour, comme ça par hasard, on avait discuté cinq bonnes minutes, et pendant tout ce temps, il avait continué à me tenir la main, tout figé dans son bonjour (c'est à la fois très long et très court, cinq minutes avec sa main dans la main de son fantasme du moment); - Il y avait aussi eu cette fois où il était passé en me disant qu'il filait en pause il allait "prendre un verre avec mon... enfin avec un pote". La phrase qui veut tout dire. Petit pédé qui n'assume pas, va.

Bon, mais je suis un investigateur minutieux, alors n'oublions pas la colonne "Poussin est hétéro" :

- Rien.

Alors avant-hier, je suis retourné le voir (parce que j'avais une question de boulot à lui poser, en plus). Et chacun de nous deux a dévoilé un peu plus de son intimité à l'autre.

Ca a commencé normalement, cette conversation, il me reprochait gentiment de ne pas être venu le voir depuis longtemps. Bah oui mais Poussin, je vais pas jouer les garçons faciles, non plus ! Et pendant qu'on parlait de tout et de rien, quelque chose derrière moi a capté son attention, et il a susurré avec une voix pleine de "putain si je te mets la main dessus tu vas prendre cher" :

- Hmmm... Sympa ça...

Vite vite, je tourne la tête, voyons ce qui fait se gorger de sang les corps caverneux de Poussin !

C'était une espèce de pouffiasse, avec un décolleté pigeonnant, une minijupe de rigueur quand il fait moins quinze comme en ce moment, et des allures de pute bon marché. Argl. Double fucking argl.

Mais je fais comme si je ne venais pas de me prendre un grand coup de machette dans le dos, j'ai ma dignité quand même ! Alors je prépare ma sortie, et je m'apprête à lancer un désinvolte et coquin "Bah je te laisse faire ton boulot de vendeur", sur un ton où on entendra "et quand je parle de faire ton boulot de vendeur je veux dire draguer la pétasse pour essayer de la sauter et je la déteste".

Sauf que toujours, mon problème d'improvisation et la conviction que je mets dans mes blagues font que je me limite à :

- 'ah j'te laisse...

Et vu sa réponse, il ne l'a pas du tout, mais alors pas du tout interprété comme la blague spirituelle que j'avais prévue à l'origine :

- Ah ouais je sais, toi c'est pas ton truc, mais bon c'est quand même sympa à regarder !

Bon, l'avantage c'est qu'il n'est pas homophobe, je suis grillé depuis le début, et il ne m'a pas encore jeté des pierres. L'inconvénient c'est qu'il est vraiment hétéro, vu que finalement on a continué à discuter, et il m'a parlé de sa femme, et gna gna gna...

L'autre inconvénient, c'est qu'il va être obligé de se mettre aux mecs, vu que je ne m'intéresse manifestement qu'aux hétéros, il va falloir que le monde s'adapte un peu, moi ça me saoulerait de devoir changer.