Guerre ou paix

Comme un bonheur n'arrive jamais seul, quand j'ai emménagé dans mon bel appartement il y a quatre ans, j'ai eu une place de parking en prime. Malheureusement, je fais partie de ces gens qui ne voient pas l'intérêt de la voiture alors que le métro est si pratique, et en plus maintenant y'a le Vélib, alors vraiment, pourquoi apprendre à conduire franchement ?Du coup, ma place de parking était triste, elle ne pouvait pas remplir son destin, son existence était vide et morne, et toutes les autres places se moquaient d'elle, en la traitant de pucelle ou de mal garée. Propriétaire ingrat (enfin, "propriétaire" hein, j'me comprends), je m'en foutais un peu.

Même quand mon gardien, ardent défenseur de la cause des places de garages mal utilisées a commencé à me démarcher, je m'en foutais royalement.

- Mais vous savez monsieur Procellus, une place de parking c'est comme une femme (mon gardien est évidemment un hétéro de base), il faut y garer votre engin ! - Boarf, vous savez j'ai pas le permis. Allez, b'soir.

Il avait alors commencé à me faire des propositions indécentes :

- Mais ça vous intéresserait pas de la louer, au noir ? - !!! Comment de quoi ?! Ma place de parking n'est pas une pute, môssieur, je vous prierai de cesser sur le champ vos sous-entendus plus que douteux ! Hors de ma vue, rat puant !

On en était restés là.

Et puis il avait insisté, m'avait dit combien je pourrais la louer, qu'il connaissait quelqu'un que ça intéresserait, et qu'en plus en ce moment un mec la squattait pour pas un sou, alors autant en tirer du pognon. Sensible à l'appât du gain, j'avais fini par céder. Ma place, je suis désolé de me séparer de toi, de te forcer à échanger tes services contre de l'argent, mais c'est pour mon profit personnel, c'est purement égoïste, alors tu me pardonnes hein ?

Le karma m'a fait payer cette histoire de profit personnel au centuple. Bien sûr ça aurait pu être de l'argent facile qui tombe tous les mois dans ma boîte aux lettres. Mais non ! Le loyer transite par les gardiens, et ça c'est difficile à gérer.

Tous les mois, c'est la même histoire. Est-ce que je dois aller les voir à la loge, "bonjour je viens relever les compteurs, kaching !" ? Je me dis que non, ça le fait pas. Mais du coup, si je vais pas chercher les sous, est-ce que ça fait pas un peu trop jmenfoutiste ? De deux maux, j'ai choisi le 2). J'attends de le croiser et qu'il me dise sur un ton entendu que j'ai "quelque chose qui attend à la loge", je vais chercher mes sous et j'ai un mois pour me remettre de ce coup de stress.

Aujourd'hui en sortant de chez moi, le karma s'est lâché. Je n'ai pas croisé mon gardien, mais sa femme.

- Tiens. Il y a quelque chose pour vous à la loge.

Je l'ai suivie. En entrant dans la loge, elle a fait un petit signe de tête à son mari, "tiens regarde ce que je viens de trouver". Il m'a tendu l'enveloppe, j'ai tendu la main pour l'attraper. C'est à ce moment que tout a basculé.

Sans que j'aie le temps de sentir le vent tourner, elle a craché son venir et a lancé sur un ton très sec et hautain et agacé :

- Et vous savez, ça serait bien de penser à nous pour les étrennes, hein !

Un peu comme on engueulerait un gosse qui vient de tuer mémé. Tout estomaqué, j'ai levé les yeux vers elle. Le problème c'est que je ne savais pas trop quoi répondre. Je me suis rendu compte que j'avais déjà l'enveloppe à la main, alors je suis sorti de là le plus vite possible, humilié, tout rouge et presque les larmes aux yeux.

Parce que oui, je ne donne pas d'étrennes aux gardiens. Je sais, c'est mal, il faut bien leur montrer notre gratitude pour faire... euh, leur boulot, non ? Alors bon, d'accord, grâce à eux je sous-loue ma place de parking, mais je leur avais rien demandé, c'est lui qui a insisté parce que quelqu'un en avait besoin !

Maintenant, l'heure de la vengeance va bientôt sonner, cet affront ne restera pas impuni. Deux écoles, deux plans machiavéliques, et il faut choisir :

1. Je laisse pisser. Je réponds à son attaque en me drapant dans un silence passif-agressif, et je ne paye pas. Le problème de ce plan, c'est qu'en ne répondant pas je lui laisse le dernier mot, elle reste sur ma sortie pathétique. L'avantage, c'est que ça nous permet de vivre dans une paix relative.

2. Je me la joue petit con arrogant. Je leur glisse un billet de 50 et un petit mot, "parce que c'était si gentiment demandé et que vous avez l'air d'en avoir plus besoin que moi. Bonne année (en retard)". Le seul petit souci c'est que c'est un acte de guerre ouvert, qu'il faut en assumer les conséquences, on ne sait pas où ça peut mener. L'avantage, c'est que je ne me laisse pas traiter de radin par cette conne sans répondre.

Sinon bien sûr, il y a toujours la bonne vieille solution de m'introduire chez eux et de barbouiller les murs de merde, mais ils l'ont déjà fait dans South Park, et j'aime pas copier.

Mais en tout cas, quelle qu'elle soit, ma vengeance sera terrible (et pour une fois, j'essaierai de faire autre chose que juste me moquer d'eux sur mon blog).