Toutes les vieilles dames ne sentent pas le patchouli
Maintenant que je suis devenu un vieux, je me sens obligé de passer plus de temps avec les gens de mon âge, c'est fini de traîner avec les p'tits jeunes d'Happy Time, il faut savoir grandir.C'est pour ça que l'autre jour, pendant ma pause déjeuner, je suis allé voir mes grand-parents.
En plus, il faut se rendre à l'évidence, ils ne seront pas là éternellement, alors si je veux récupérer la part du lion dans l'héritage (et je le veux), c'est maintenant que ça se joue. Et puis je les aime bien, surtout Méméprocellus avec sa purée dans la tête, même que maintenant elle commence à s'oublier et à souvent sentir la pisse. Du coup il faut penser à l'aimer avec une distance de sécurité, mais en général il suffit de lui faire la bise pour s'en souvenir.
Il faut aussi faire attention à ne pas s'asseoir dans son fauteuil, mais coup de pot il est facilement reconnaissable, elle s'installe toujours dans le même, c'est à dire celui qui a une serpillière sous le coussin. Et moi, à chaque fois que j'y vais, je m'assieds toujours le plus loin possible d'elle, parce qu'en plus sinon elle m'attrape le bras pour me parler, et le toucher d'une vieille dame c'est quelque chose d'horrible, une accroche molle et flasque, avec une pression juste assez forte pour qu'on ne puisse pas s'en défaire trop facilement, un peu comme une main crispée de vieille momie, yeurk.
Alors ce jour là, en arrivant, j'ai fait comme d'habitude. Je pose mon sac, j'enlève mon blouson, et je me vautre.
J'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas.
Ce qui m'a d'abord frappé ça a été l'odeur. Hmm, ça sent l'pipi alors qu'elle n'est pas à côté de moi ? Et juste après m'être installé, quand j'ai senti que l'assise de mon fauteuil était humide, l'horrible vérité m'a sauté à la gorge. Je suis assis dans l'urine de ma grand-mère !
Gasp. Qu'est-ce que je fais ? Je me lève d'un coup en expliquant mon problème ? C'est très gênant, et ça ne se fait pas, il y a comme un accord tacite dans la famille : mon grand-père a mis les serpillières sous tous les fauteuils (bordel, j'aurais dû remarquer que maintenant ça ne se limite plus à un seul !), mais sans rien dire. Si on ne parle pas des fuites urinaires, alors les fuites urinaires n'existeront pas. Donc je continue à superbement ignorer l'éléphant dans la pièce ?
Non mais je suis quand même assis dans de la pisse, et ça sent, et je dois retourner bosser dans une demi-heure, et tout le monde va penser que je me suis fait dessus ! Et la seule autre place libre, c'est celle à côté de Méméprocellus, qui va m'agripper le bras si je me mets là, et je ne vois pas pourquoi elle n'aurait pas aussi pissé à sa place de d'habitude !
Charybde ? Scylla ?
C'est à ce moment que le miracle s'est produit. Mon grand-père a eu la bonne idée de vouloir me montrer l'avancée des travaux, sur l'arrière du bâtiment, il faut qu'on aille dans la chambre tu viens voir ? Il avait à peine fini sa phrase que j'avais sauté sur mes petits pieds.
Tout en y allant, je me tâtais le cul pour voir si c'était très imprégné, et si ça sentait beaucoup. C'était difficile à déterminer, parce qu'avec mon coup de stress, j'avais les mains un peu moites.
J'ai essayé de me dire que j'avais sûrement exagéré. Ca ne doit pas sentir de trop, j'ai pas dû y passer plus de cinq minutes, le jean c'est épais, ça n'a pas pu pénétrer, et la serpillière avait dû remplir son rôle... Et puis si ça se trouve tout ça c'était dans ma tête, ma grand-mère sentait parce qu'elle avait fait sous elle, et j'ai imaginé que j'étais assis dedans... Allez, on croise les doigts et on dit au revoir, pour avoir au moins le temps de sécher...
C'est ainsi que mortifié, j'ai repris le métro et je suis retourné bosser, en ayant l'impression de sentir la pisse à plein nez, et heureusement qu'Happy Time vend aussi du Fébrèze.
Procellus family, ou comment pimenter des pauses déjeuner un peu fades.