Le Jordan Catalano à l'intérieur de moi
Quand j'étais au lycée, j'ai découvert My So-Called Life. C'était bien.Surtout les moments avec Jared Leto, en fait.
Quand je l'ai vu dans le pilote, ça a été une véritable révélation. Je me souviens qu'Angela aimait la façon dont il s'adosse aux choses. J'étais tout à fait d'accord avec elle.
Ce qui était vraiment cool dans sa façon de s'adosser, c'est la manière dont il réussissait à appuyer la tête en arrière contre le mur, comme s'il était en train de penser à quelque chose de tellement zen et profond, ou que tous ses soucis étaient trop lourds pour être supportés par son seul cou, c'était beau, putain, j'étais à ça d'en pleurer. C'est grâce à lui que j'ai découvert le secret d'un adossage réussi (parce qu'on n'a pas l'air d'être un gros glandeur) : appuyer aussi la tête en arrière.
Pratiquant moi-même avec assiduité le vautrage vertical contre tout ce qui me tombe sous la main, du mur au lampadaire (ce qui m'a valu bon nombre de réflexions spirituelles- "ah tiens tu fais le tapin hu hu hu" arrive en tête) en passant par les portes -ce que je déconseille, elles ont tendance à s'ouvrir et offrent donc un appui plus que précaire- j'ai longtemps voulu l'imiter.
Sauf qu'il doit y avoir un truc que je fais mal, parce que depuis environ dix ans que j'essaye, à chaque fois, soit ma tête est déjà trop contre le mur pour pouvoir la renverser plus, soit je risque de me faire le coup du lapin inversé tellement il faut que je l'envoie loin.
Dommage, mais avoir l'air sexy et détaché du monde comme Jordan, c'est pas pour moi. Du coup, je suis comme cette majorité de ploucs adossés comme des nazes, le corps appuyé en arrière, mais la tête parfaitement parallèle au mur, on regarde droit devant, ou limite à droite à gauche, mais ça s'arrête là.
Alors j'ai fini par oublier ces échecs à répétition et mon passé douloureux, Jared Leto qui ne vieillit pas si bien (bon si quand même), la tête en arrière, le dos au mur.
Et puis l'autre jour à Happy Time, j'étais tranquillement dehors en train de déguster un pain aux raisins dans ma position d'aplomb préferée, "alors David, on retient l'immeuble ?" quand je me suis rendu compte que je commençais à avoir des sensations bizarres dans la nuque, que ça tirait drôlement. Et qu'il fallait que je redresse la tête, qui était négligemment appuyée en arrière contre le mur.
Putain ça y est ! Après des années de tentatives infructueuses, mon évolution vient de faire un bond en avant ! Allez, je redresse la tête... et je la laisse retomber derrière moi (doucement quand même, ça serait con de m'assommer), pour voir si je peux le faire volontairement ? Ca marche encore ! Vive moi, vive Jordan ! Je peux enfin avoir l'air cool et mystérieux et perdu dans mes profondes réflexions ! Et ça sera quand même mieux que l'impression que je donne pour l'instant, du mec cool, mais bizarre et toujours un peu à l'ouest, perdu dans son vaste univers autistique.
Procellus, ou pas de petites victoires.