Voyage vers les Enfers (2/3) - C'est frais

Quand je suis revenu de Bruxelles, au boulot les gens se sont moqués de moi. Je leur avais déjà fait le coup une première fois : on était allés à Bruges l'année d'avant -un week-end offert par belle-maman, qui laisse donc à la critique une toute petite marge de manœuvre.Mais peu importe, une petite marge suffit pour dire que certes, la ville est mignonne, mais quand on en est réduit pour s'occuper à visiter le musée du chocolat, dans lequel les vitrines sont des mises en scènes de Playmobils... Ben voilà, je crois que tout est dit, en fait.

Les conquistadors débarquent en Amérique du Sud, où ils découvrent le cacao.

On avait quitté la ville comme deux princes, drapés dans notre dignité, en refusant d'aller au musée de la frite. Oui oui, ça existe.

Alors je leur ai fait jurer, à Happy Time, que si jamais je parlais à nouveau de partir en Belgique, ils n'hésitent pas une seconde et me tirent une balle dans la tête.

Avec Lapin on a donc fait de grands projets. Il fallait faire mieux que Marrakech !

On y a beaucoup réfléchi, et on s'est arrêtés sur Istanbul. J'en ai parlé avec mon conseiller en vacances au boulot, un p'tit racaillou rigolo, vas-y !, qui m'a répondu, avec son langage de d'jeuns des cités :

- Ah ouais, la Turquie ? C'est frais ça !

Et là, un blanc. C'est frais ? Ben... non, en septembre c'est plutôt ensoleillé ?

Ce coup de vieux, quand tu te rends compte que tu comprends pas les expressions du moment... Mais putain, ça veut dire quoi ? C'est du positif ? Du négatif ? Je peux même pas me fier à son ton, il a dit ça d'un air tellement neutre que ça pourrait vouloir dire n'importe quoi. J'ai répondu aussi vaguement que j'ai pu, jusqu'à ce qu'il précise :

- Y a de belles plages là-bas, il paraît !

Ok. Donc je vote, je dis que c'est du positif. J'acquiesce en riant bêtement et je me casse, avant qu'il ait le temps de voir le fossé linguistique entre nous.

J'ai quand même réfléchi à ce que j'avais compris de notre conversation. Des plages... À Istanbul ? Il n'y en a pas. Des piscines non plus, cons de Turcs, tiens. Mais maintenant qu'il en avait parlé, faire bronzette au bord de l'eau, c'est tout ce que je voulais (et Lapin aussi, forcément).

Alors, on a pensé à aller se faire voir chez les Grecs. Pas Athènes, parce que tous ces pauvres au kilomètre carré, c'était juste pas possible, tu vois quoi. Pas Mykonnasse non plus, parce qu'un collègue m'a fait cette pauvre blague trop de fois pour que j'ose un jour y mettre les pieds.

Après avoir éliminé les Cyclades (eh, on va pas en vacances pour faire du vélo, ho ho ho), on est tombés sur la Crète. Des visites mais pas trop, on peut faire des trucs à pieds si on loge à Héraklion, et des hôtels avec piscine en veux-tu en voilà. Et en plus, la Crète c'est à la fois le nom de l'île, et le nom de la coupe du coq, alors c'est trop drôle quoi.

Héraklion, donc. Sur le papier, ça laissait rêveur. Sur place en revanche, j'ai vécu mon pire cauchemar.