Jésus m'a tuer
Noël en famille, c'est toujours l'occasion (malgré la présence d'un enfoiré d'élément extérieur) de se remémorer les si bon moments de notre belle et insouciante enfance. Cette année encore, on n'y a pas échappé. Pour une fois j'étais plutôt content : on n'avait pas parlé de moi, on s'était directement attaqués à Cousine#2, qui avait un jour trouvé malin de jeter sa viande sous la table pour ne pas la terminer, et qui -détail que j'ai appris cette année-, avait lancé avec défi, quand sa mère lui a resservi au petit-déjeuner : "c'est meilleur le lendemain !". On a une fois encore beaucoup rigolé de cette anecdote, même l'autre cul, qui a un peu trop pris la confiance, genre il a le droit de s'amuser de nos histoires.
Ma tante a attendu que tout le monde ait fini de rire, pour demander à ma mère, sur un ton pincé, accusateur et fâché :
- Hein ?! Non, je savais pas ! C'est vrai David ?
Les trois grands, c'est Cousines #1 et #2 et moi. J'étais un peu surpris de la question, et du ton sur lequel on nous la posait. J'ai quand même acquiescé, tout penaud et Cousine#2 a expliqué en quoi consistait le jeu : elle faisait la princesse (mais siii, la princesse, dans les Trois Mousquetaires, voyons !), sa sœur faisait la reine, et moi je parcourais notre chambre-pays à la recherche de ses ferrets (pardon mémé pour tous tes bijoux perdus et remis à la reine juste à temps pour le bal).
Je pense que dans cent-cinquante ans, quand je repenserai à ce jeu, à ce jour et à la question de ma tante, je ne comprendrai toujours pas en quoi c'est mal, de jouer aux Trois Mousquetaires. Peut-être que leur génération ne jouait pas "au docteur", mais "aux trois mousquetaires" ? Allez Milady, approche ma cochonne, viens tâter ma grosse népée, elle va te transpercer de part en part (et les enfants les moins bien pourvus pouvaient aussi agresser Milady avec une dague ?). On ne le saura jamais, et le sujet avait l'air beaucoup trop sensible pour qu'on y revienne.
De toute façon, notre histoire de mousquetaires s'est bientôt transformée en pipi de chat, avec la bombe qu'on a balancée sur Cousine#3. La petite dernière (jusqu'à Cousine#4, quelques années plus tard, suivie d'encore une autre), avec qui personne ne voulait jamais jouer : quatre ans de différence avec nous autres aînés, c'est la mort. Elle ne savait rien faire, alors on préférait la laisser de côté, faire sa sieste et son rot.
C'est peut être notre faute (enfin plutôt celle de ses sœurs, moi je la tenais à l'écart seulement pendant les vacances), on l'a poussée dans les bras des scouts et du catéchisme, et ça l'a détruite à jamais...
Toute la table était en train de se demander qui on allait bien pouvoir basher quand une voix rieuse s'est élevée :
Je me suis demandé si j'avais bien compris. La réponse n'a pas tardé : oui, c'est ce qu'elle avait dit. Mais il y avait une explication :
Cousine#3 était morte, de rire et de honte, mais pas autant que ma tante. Elle a passé toutes ces années à élever ses filles dans la plus pure tradition catholique, les habillant de jacquard, fronçant les sourcils quand elles s'achètent un fer à friser ou du rimmel, à les envoyer à la messe de minuit et aux scouts, pour finalement se rendre compte que ses armes lui avaient pété à la gueule et que le catéchisme n'avait pas vraiment marqué son bébé dans le bon sens.
Si j'avais été vraiment un neveu attentionné et malin, j'aurais pensé à faire retomber la faute sur Buttface, tout le monde y aurait trouvé son compte. Mais j'étais trop occupé à rire.
Ce vingt-cinq décembre, Dieu a perdu une admiratrice.