Je dis merci à la vie, je chante la vie, je danse la vie
En ce moment, on peut pas dire que ça soit la grande forme. Vraiment pas, hein.Mais David, vite, dis-nous ce qui se passe !
Il y a un mois, (ou deux, je sais plus, depuis que c'est arrivé, mes marqueurs temporels se sont complètement brouillés) je suis arrivé à Happy Time en même temps que Bombasse. On a pris l'escalator ensemble, et j'ai dû faire plein de gros efforts pour rester calme, parce que Bombasse est gentil, mais dans l'escalator il reste debout comme un con, comme les mamies à attendre que ça se passe. Mais bon, qu'est-ce que je ne ferais pas pour un peu de temps à ses côtés, hein. Et ce matin là, pendant que je me réchauffais à la lumière de sa suréminence (i.e. je matais comme un porc), il m'a annoncé froidement :
Alors je sens l'enfer s'ouvrir sous mes pieds (merci Richard Cocciante d'avoir su mettre des mots sur mon désarroi).
A partir de cet instant, tout est gris et terne et moche. Les jours se suivent et se ressemblent, sans saveur, sans odeur, sans couleur. Je ne raconte plus rien ici, parce qu'il n'y a plus rien à raconter, plus d'évènements anodins, plus d'anecdotes croustillantes, rien pour rehausser mon quotidien tout morose.
Je passe des heures le regard dans le vague à vider la batterie de l'iPod, en cherchant le morceau qui saura exprimer ma peine. Mais je n'en écoute aucun, rien ne fait l'affaire, aucun chanteur ne peut comprendre ma douleur, pas un seul de mes trucs pleurards de lesbiennes subsuicidaires, avec des filles qui geignent des lalala sur fond de violoncelle et tambourin n'arrive à la cheville de mon désespoir.
Je me fais à manger, de temps en temps, quand ça devient trop douloureux de me nourrir seulement en me rongeant les ongles (et aussi quand j'ai même trop mal à la tête pour réussir à achever mes ondes cérébrales à grands coups de Desperate Housewives). Plus rien ne m'amuse, je ne prends du plaisir à rien du tout, le sexe, le ménage, même torturer des bébés chats ou insulter les étrangers et les clochards dans la rue, que dalle.
Au boulot, je fais exprès de monter au conflit avec les clients, pour essayer de ressentir quelque chose, quand on en vient aux mains et que les vigiles sont obligés de me rouer de coups pour me faire lâcher prise (et aussi un peu par autodestruction).
D'ailleurs ce soir, je suis parti en avance, tellement c'était plus possible, un peu plus et je descendais à l'étage de l'électroménager pour me mettre la tête dans un des fours d'exposition et en finir avec cette garce de vie.
Et en partant, devant qui passè-je ? Bombasse ! Comme un garçon, j'ai le coeur qui fait boum et les cheveux longs !
Le temps que mon cerveau affaibli analyse ce que mes yeux incrédules viennent de lui montrer, je suis déjà loin. Une fois l'information traitée, je me fige. Bombasse ? Bombasse...? Bombasse ! Ni une ni deux, je fais demi-tour, et je vais me planter devant lui, barre-toi de là, conne de cliente, je m'en fous que vous soyez en train de discuter tous les deux, low-kick balayette rotatif, comme Martine, et plus rien ne se dresse entre nous (enfin, plus rien...).
Alors je lui demande, sur un ton farpaitement naturel et nonchalant :
- Bah ouais. Besoin de thunes...
Après, je me dis que je devrais vraiment essayer de peaufiner la continuité de mes plans, parce que j'ai juste réussi à enchaîner avec un minable :
Et j'y suis allé (ce qui prouve que quand je dis quelque chose, je m'y tiens), bénissant intérieurement la précarité qui l'a ramené dans mes griffes, même que j'y vois un signe du destin, et bien évidemment ma dépression s'est envolée d'un coup.
Bon oui je sais, il reste quand même hétéro et tout, mais voilà quoi.