David en temps de crise

Hier, je me suis fait engueuler par un client. Comme ça, sans raison, sans que je comprenne vraiment pourquoi, un truc qui se fait d'une certaine façon dans le magasin, et dont je l'ai informé, comme j'en informe tout le monde à chaque fois et que à chaque fois ça se passe bien.J'avais même pas fini de parler qu'il m'a coupé la parole en gueulant.

- De queuah de queuah, qu'aisse que c'aist qu'caitte histoââââre ?

Euh ? Je recommence mon explication, exactement pareil, vu que 1) c'est comme ça que ça se passe et 2) c'est tellement normal pour moi que je ne vois qu'une façon de le dire.

Malheureusement, ça ne le calme pas, et il repart de plus belle, que c'est n'import' nawak, et que chez Été, nos concurrents, c'est pas comme ça que ça se passe...

Pour une raison qui m'échappe encore, il m'a gonflé.

- Et bah, si ça vous plaît pas faut aller chez Été (et nous foutre la paix) !

- PARDON ?!!!

Oups, bêtise, je viens de jeter de l'huile sur le feu. Je me présente, David, briquet des Enfers. Et je crois bien qu'on m'avait dit qu'il ne fallait pas être désagréable avec le client. Je crois. Essayons de rattraper le coup.

- Euh non, je veux dire, chez Été, ça se passe comme ça, mais ici, la procédure est différente, on n'y peut rien. (sourire poli)

Et rien n'y fait, tel le lapin Duracell, il ne lâche pas le morceau. Alors que, je le rappelle, je ne lui ai fourni qu'une information, il pourrait se casser et nous laisser tous les deux continuer notre journée, mais il n'est pas d'accord avec ce que je lui dis. Alors j'appelle un responsable.

- Responsaaaaable !

Mais c'est un grand magasin, et les chefs n'ont pas que ça à faire, alors il faut attendre qu'ils arrivent.

Et hop, on se retrouve comme dans un ascenseur, à n'avoir rien à se dire ni à faire. Et on est partis pour une cinquantaine d'étages. Faut que je me donne une contenance en attendant que les portes s'ouvrent. Je pourrais... euh... et puis aussi euh...

Finalement, après m'être reraconté dans ma tête les blagues Carambar que Coupain m'a racontées à la pause (alors c'est une vache et un citron qui rentrent dans une banque...) et avoir pouffé tout seul, je commence à jouer au présentateur de J.T. pendant le générique : je sors toutes mes feuilles de mon tiroir, je les aligne bien, et je les remets dans le tiroir du dessous.

Au bout de quelques longues heures (il va se lasser il va partir, il va se lasser il va partir... Nope, il est resté. Connard.), une de mes chefs qui est sympa mais pas autant que Glory (que tout le monde détestait effectivement, ou alors je vois pas pourquoi ils la traitent de pétasse) arrive.

J'imagine la scène, je la vois au ralenti juste avant que ça n'arrive : il va gueuler, dire que j'ai été méchant, et on va me fouetter et me jeter aux cachots d'Happy Time, je le sais, je le sens.

Mais à peine il ouvre la bouche, ma chef (et donc ma nouvelle meilleure amie) le prend de haut, et en une minute dix secondes elle lui dit mot pour mot ce que je me tuais à lui répéter, mais en l'envoyant chier comme jamais je n'ai vu ça, et il repart la queue entre les jambes, avec une punition et un mot pour ses parents. Ma chef, je t'aime !

Une fois qu'il est parti, elle m'explique : dès qu'elle est arrivée, elle a compris que "c'était un chieur", elle l'a vu, "il avait une tête de con". Je l'aurais pas mieux dit. Mais là, avec la retombée de la pression, l'explication, et le fait que je viens d'arriver aux chutes de mes blagues (plus un zeste, on ne bouse plus !), je commence à être pris d'un fou rire. Et dès que la chef est partie, les clients arrivent. Et il ne faut pas leur éclater de rire à la gueule. Alors je me retiens. Du coup j'ai passé cinq minutes à parler à tout le monde avec la mâchoire crispée et le menton tout tremblant. Et avec la satisfaction de savoir qu'une sale gueule, ça se paye toujours.