Ne pas dépasser les doses prescrites
Mes parents on divorcé quand j'avais cinq ou six ans (eh, rien qu'à la première phrase, on sent qu'on va encore se poiler avec ce post !). À l'époque, ils travaillaient ensemble: normal, ils s'étaient rencontrés en fac de pharmacie, et quand mon père a récupéré l'officine de sa mère, il a embauché la mienne (de mère hein, pas d'officine). Et puis un jour, mon père a fait l'impair de se barrer avec le témoin de ma mère, ce qui l'a rendue amère, aux dires des témoins. Wooohooo, on m'arrête plus ! Au terme du divorce, il a été décidé qu'il serait plus avantageux pour tout le monde qu'elle reste employée dans la pharmacie, à un salaire mirobolant. Apparemment, ça amputerait moins la grrrande, l'immense fortune des Procellus que de lui verser une prime, ou une pension, ou je sais pas comment les hétéros appellent leurs amendes de séparation.
Bref, tout ça pour dire : mon père est riche, propriétaire d'une des 10 plus grosses pharmacies de France, et quand on a trop chaud dans ma famille, on fabrique des éventails avec des billets de 500, qu'on jette au feu quand on n'en a plus besoin.
Curieusement, leur collaboration n'a pas toujours été facile (non mais quelle surprise, hein?), mais avec le temps, avec le temps va tout s'en va, et ils ont fini par réussir à bosser ensemble l'un pour l'autre.
L'avantage de cette situation : une source de conversation intarissable. Au sein d'un groupe, dès qu'on aborde le sujet des parents et/ou du divorce, je peux m'approprier sans vergogne le bâton de parole, taper sur tout le monde avec, et arriver dans le top 5 des situations familiales les plus torturées.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et l'heure de la retraite a enfin sonné -pour eux, pas pour moi. La pharmacie a été vendue -à prix d'or-, ma mère a été licenciée -en échange d'un pont d'or-, et moi je fais gentiment pousser mes plans de ciguë, pour activer un peu l'héritage.
Cette histoire de vente, ça a été l'occasion pour mon père de récupérer plein de gadgets rigolos, comme des vieux pots à onguents, une balance Roberval, ou un flacon de mercure (j'adôôôre le mercure, on peut jouer à Terminator 2, avec du mercure).
Alors, quand ma mère est arrivée l'autre soir chez moi, en m'annonçant d'un air enjoué : "tiens, ton père a récupéré ça pour toi!", je suis parti très vite et très loin dans ma tête. Ça ? Pour moi ? Un cadeau de mon riche père, de son opulente pharmacie ? Du mercure ? Un médicament à base de morphine ? Une antiquité pharmaceutique que je vais faire semblant d'adorer tout en réfléchissant à combien je peux la lettre en vente ? Des bandelettes de plâtre pour faire un masque ? Quoi ?! Parle, bordel !!!
En fait non. "Ça", c'était effectivement ça.
Deux boîtes d'aspirine (enfin, d'un générique de l'aspirine) à 1,70€ l'unité.
Mais, cher père, pourquoi un tel présent ? La réponse est simple : ils sont périmés depuis 6 mois, donc invendables, mais ma mère m'a assuré, toute contente comme si elle m'offrait un rein de secours, qu'il y avait encore une tolérance de 6 mois pour les utiliser. C'est génial non ?
Non.