Vacances marocaines 4 : on ne naît pas homme, on le devient

(Oui, je reprends une histoire qui traîne depuis octobre, après une pause de plus d'un mois, en faisant comme si de rien n'était, et alors ?) Après une première expérience des spas marocains pour le moins décevante, je pensais que c'était dans la poche. Tous les souvenirs étaient achetés, la visite obligatoire d'au moins un truc touristique était faite : on allait enfin pouvoir faire les loques au bord de la piscine, et dire du mal des autres vacanciers, en buvant des cocktails les pieds dans l'eau. Le paradis, ou sa version musulmane.

Mais non. Pendant la dernière balade dans les souks de la ville, Lapin est tombé dans un piège au moins aussi gros que lui : un jeune éphèbe marocain, comme ils savent si bien les faire, lui a remis un leaflet, une jolie pub pour un hammam authentique, dans une ruelle un peu plus loin. Je n'avais pas très envie d'y aller, alors j'ai mis en application la célèbre technique du "on s'engueule donc on rentre à l'hôtel", pour échapper à ce que je soupçonnais être une grosse arnaque : comment un hammam, qui distribue ses prospectus dans la rue, pourrait-il ne pas être un vilain piège à touristes ? Hein, tu peux me le dire ?

Non, il n'a pas pu, forcément, j'ai toujours raison. Mais comme je suis gentil, on est quand même allés jeter un œil sur le site dudit établissement. Oui, un spa avec un site tout en flash n'est pas un sale attrape-nigauds, c'est évident. Et oui, tout geek qui se respecte part en vacances avec son ordinateur portable, la présente situation prouvant qu'on avait bien fait.

Je suis faible, alors je suis tombé d'accord avec Lapin : les grosses baignoires en pierre de taille ont l'air confortables, c'est vrai. Et le bain marocain, aux oranges et aux pétales de roses, ça n'a pas l'air dégueu. Allez, c'est l'heure du déjeuner, on graille vite fait et on y va dare-dare pendant que ces blaireaux de touristes font encore la sieste.

Le temps de trouver un taxi, de lui mettre le flyer entre les mains, qu'il nous le rende parce qu'il ne savait pas lire, et on était à la porte du riad. Bonjour madame, ça serait pour une totale, c'est possible maintenant ? Oui, et on peut choisir de se faire masser par un homme ? Non ? Ben la totale quand même, sivouplaît merci.

Alors, elle nous a enfermés dans une petite sale qui semblait être le vestiaire. On met les vêtements dans les cases, on se croirait au Sun City c'est rigolo. On enfile le peignoir, et au moment où on le déplie, deux étranges objets en tombent : une feuille de papier à cigarette, et un bonnet de douche. ???

Il a une drôle de forme, ce bonnet de douche, non ? Oui, c'est parce que c'est un string à usage unique, c'est plus hygiénique, et ça évite de se foutre à poil pour le massage. C'est concept, et c'est à taille unique : comme c'est censé aller à de très grosses personnes, il y a beaucoup de rab de tissus, on dirait qu'on vient de se chier dessus, la classe américaine.

Et j'imagine que les papiers à cigarette, c'est pas pour se rouler un gros joint ? Ben non, ce sont des pantoufles, voyons, c'est évident, il y a même une lanière, comme sur les vraies sandales. L'avantage de nos petits riens aux pieds, c'est qu'ils étaient très légers, on les sentait à peine. L'inconvénient... Vous avez déjà essayé de marcher sur du papier de riz, dans une atmosphère très humide ? Non hein, et vous n'essaieriez pas non plus, vous avez raison.

Mais le vrai plaisir, le point culminant de ces vacances, vers lequel tous les évènements nous avaient précipités, ce fut le bain marocain, qui tenait toutes ses promesses : dans une baignoire taillée à même le rocher, nous avons trempé au milieu d'oranges entières et de pétales de roses. Regarde, regarde, je suis un pot-au-feu !

Et on n'imagine pas à quel point une orange entière est vicieuse, et à quel point la gravité peut jouer dans une baignoire : pendant tout le temps où on a trempé, les oranges sont venues se coller à nous, à toutes les parties de nos pauvres corps qui pouvaient dépasser. Il en fut pareil des pétales de roses. Mais là où on peut facilement se débarrasser d'une orange en sortant de la baignoire (un élégant mouvement de jambe, et hop plus rien), le pétale est plus collant : si on n'y prend pas garde, on peut se rendre compte en s'allongeant pour le massage, qu'on en a encore partout.

Le pire dans toute cette histoire, c'est qu'en sortant de là, tous gras de cette huile de tournesol bon marché dont on nous avait enduits pour nous papouiller, Lapin s'est rendu compte qu'il n'aimait pas les massages.

Après, j'ai fini les vacances seul.