Confessions intimes

En ce moment au boulot, j'apprends l'injustice. Après avoir cassé du sucre sur le dos de plein de collègues -alors que c'était mérité, après avoir ouvert la bouche trop souvent en disant à ma big boss que certaines de ses idées étaient "pourrites", après avoir colporté des rumeurs dont certaines étaient parfaitement fondées, j'ai eu la surprise d'être puni.Moi. Non mais je crois que je rêve ?

Bien sûr, il n'y a rien eu d'officiel, non. Mais petit à petit, je me suis rendu compte que la nouvelle blonde à gros seins qui était apparue à mes côtés tous les samedis n'était pas là pour m'aider, mais pour me remplacer. Maintenant qu'elle est assez sûre d'elle et qu'elle peut voler en solo, on m'a viré de mon bureau. Pof, du jour au lendemain, sans un mot, j'ai découvert l'évolution vers le bas. L'évbâlution, quoi.

Fidèle à moi même, j'ai demandé un entretien à ma responsable, en lui exposant clairement mon problème, et en faisant valoir mes opinions de manière ferme et argumentée je grommèle toute la journée dans mon coin : grmbl grmbl de Girafa de merde qui pue du cul et grmbl.

Curieusement, ça ne change rien au problème : en ce moment, je passe ma vie en caisse.

Adieu, douce isolation du bureau, bonjour, agitation du magasin ! Adieu, ambiance plus ou moins rigolote entre gens normaux, bonjour crêpages de chignons entre vieilles biques qui sentent ! Adieu, journée qui passe vite en faisant des blagues au téléphone, bonjour temps figé dans une morne apathie !

Parce qu'on a beau dire, la caisse, c'est quand même intellectuellement peu stimulant. Bip ! Bip ! Ça vous fera dix-huit euros, vous réglez avec la carte du magasin ? Le soir, on ne se sent pas très propre.

Comme aujourd'hui, où j'étais cerné par les cons, alors j'ai tenté de m'évader quelques instants en expliquant à la nouvelle à côté de moi :

- Connasse, pour ouvrir ton tiroir-caisse, tu fais [zéro] [entrée].

- Écho ! ...écho... écho... cho...

- Zéro ?

- ...cho... cho... cho...

Je l'ai regardée dans les yeux, pour savoir sur lequel des deux mots elle bloquait, mais le néant abyssal que j'y ai vu m'a donné le vertige. Alors, dépité, je suis retourné m'asseoir pour encaisser.

Une grosse dame blonde est arrivée. Bip. Bip. Merci madame, voilà votre sac, au revoir madame. Alors qu'elle partait, je l'ai vue se pencher et lancer un joyeux : "Allez, tu viens mon bébé ?".

Par réflexe, j'ai baissé les yeux pour voir à quoi ressemblait le petit chien auquel elle s'adressait. C'est là que, ô surprise, je me suis rendu compte qu'elle ne parlait ni à un enfant, ni à un animal, mais... à ses achats.

Rassuré, je me suis rassis avec un sourire satisfait : rien n'avait changé, tout m'est revenu. Parfois, la caisse aussi a ses bons côtés. Il suffit de savoir les repérer.