Le jour où les ratels domineront le monde
Tout ce qui suit est rigoureusement authentique* Amis de la nature, bonjûr ! Nous allons aujourd'hui parler d'un animal plus étrange que l'ornithorynque, plus fort que l'éléphant et le rhinocéros réunis, et plus intéressant que le lapin, parce que le lapin, voilà quoi. J'ai nommé : le ratel.
Pour ceux -que j'imagine nombreux- qui voudraient s'instruire, le ratel est un mustélidé de la taille d'une grande belette, fier et unique représentant de la sous-famille des Mellivorinés (merci Wikipedia). Je suis d'accord, on s'en fout, mais ça me semblait important, sur le coup. On ne le trouve qu'en Inde et en Afrique, ce qui laisse à supposer que c'est un animal de pauvres. Pour continuer (et finir) avec les données techniques qui permettent de briller à peu de frais dans les dîners mondains, notons que le cerveau du ratel a cette particularité, si on l'observe de haut, de ressembler à un plug :
Étonnant, non ?
Mais là où le ratel se distingue des autres bêtes, c'est par son caractère : sous ses airs de mignon petit furet en peluche, c'est l'animal le plus intrépide et le plus teigneux du monde, sorte d'Attila enfermé dans un corps de Teletubby. Il tire son nom latin (Mellivora capensis) de son goût prononcé pour le miel. Winnie le sait bien, le meilleur miel du monde est celui de la redoutable abeille africaine, qu'aucun animal sensé n'ira titiller. Ça n'arrête pas le ratel, qui peut tranquillement lacérer la ruche avec ses petites pattes, et se goinfrer de miel pendant que les abeilles le piquent et piquer encore, sans que ça le dérange plus que ça. Intrépide et teigneux, on vous dit.
Pour l'avoir observé dans son environnement naturel (et vas-y que je vous balance mes vacances de rêve en Afrique -il y a huit ans- à la gueule !), je confirme : l'animal n'a peur de rien. Il peut venir fouiller les poubelles d'un campement plein de monde sans fuir une fois repéré. Non, si on tape dans les mains pour le faire déguerpir -un homme qui applaudit, normalement ça fait peur-, sa seule réaction sera de se mettre à grogner plus fort. On n'emmerde pas un ratel qui mange.
Il a beau être teigneux, il se trouve toujours un animal assez couillon pour l'attaquer. Imaginons qu'un gros lion arrive et chope le ratel : ARGN, un coup de crocs se referme sur sa blanche gorge. Drâââme dans la savane ! Non ? Non. La fourrure du ratel est beaucoup trop grande pour lui, le lion n'a mordu que son blouson. Sa pauvre victime peut ainsi se retourner dans sa propre peau pour lui fumer sa sale gueule de lion, en le traitant de petite lionne et en le renvoyant miauler chez sa mère.
Mais la vie est ainsi faite : on ne peut pas vivre que de miel. Se faire du prédateur avant le petit déjeuner, ça donne faim. Mais que mange notre petit ami à quatre pattes, se demandent vos esprits avides de connaissances ? Facile : de tout. Comme le petit teigneux aime les challenges, il ne va pas bouffer que des insectes, ah ça non ! Une de ses proies favorites (le miel n'est pas une proie), en plus des scorpions, ce sont les serpents. Plus c'est venimeux, meilleur c'est.
Fatalement, un serpent qu'on attaque ne se laisse pas faire, et au cours du combat, il est possible que notre ami le ratel se prenne une bonne dose de venin dans la gueule. Il a beau être teigneux et sortir victorieux de son combat, lorsque le poison commence à faire effet il s'effondre, vaincu par k.o. Personne n'est immortel.
À part le ratel, dont le système immunitaire ferait pâlir d'envie tous les instituts de recherche du monde : après une agonie d'une heure ou deux, il se relève, avec rien de plus qu'une légère gueule de bois, finit de manger son serpent et continue son petit bonhomme de chemin, vers de nouvelles aventures.
Alors le jour où vous croiserez une de ces petites bêtes, ne vous laissez pas berner par son air innocent. Ne vous en approchez pas, et fuyez, aussi vite que vous le pouvez, si vous ne voulez pas finir comme ce buffle, mort de s'être fait attaquer aux cojones par un ratel.
*À part la photo du timbre : contrairement à ce que nos amis Russes ont l'air de croire, les ratels ne volent pas.