Homme au foyer désespérant
Je suis quelqu'un de très propre : je me douche tous les jours, je me lave les mains après avoir fait pipi et popo, je fais ma vaisselle avant que toutes les assiettes ne gisent misérablement dans l'évier, et je vais au lavoir une fois par semaine, pour me moquer des crevards qui n'ont pas de lave-linge chez eux et me tenir au courant des derniers ragots. Alors l'autre jour, j'ai lavé mes draps, souillés de sueur, de sperme et de sang (c'est tellement beau cette phrase, on dirait du Régine Desforges, voire du Mylène). En plus ils avaient dit à E=M6 que mon lit était sûrement plein d'acariens qui passent leur temps à manger la peau qui me tombe du crâne, et à faire leurs petites crottes d'acariens partout dans mon oreiller. Beeerk, moi je veux pas de ça dans ma chambre ! À la machine, le linge de lit !
Avec la petite fraîcheur ambiante, ça semblait compromis de les faire sécher au grand air, comme le faisait ma maman quand j'étais petit. Au diable l'avarice, j'ai donc pris deux euros pour aller les foutre dans les séchoirs de la laverie d'en bas. Comme j'y suis allé un lundi, j'étais presque le seul occupant des lieux, à part un petit vieux tout glauque qui regardait tourner ses gilets et ses maillots de corps en faisant des mots fléchés, et que j'ai ignoré comme il se doit.
Tous les sèche-linge étaient vides, je n'avais que l'embarras du choix. J'ai fini par me décider sur un, même si faire des choix, c'est un combat de tous les instants. Je suis retourné à la centrale pour payer. Je tape le numéro de ma machine, un euro, pour un premier cycle, et on recommence, re-numéro, re-un euro, parce que sinon ça sèche mal (les enculés, ils pouvaient pas faire des séchoirs plus puissants ?).
Déjà prêt à retourner chez moi en attendant que ça soit terminé, j'ai jeté un coup d'œil vers les machines, pour dire au revoir à mon linge. Dépité, j'ai regardé le séchoir d'à côté se mettre à tourner, pendant que mes draps restaient désespérément immobiles.
Je suis aussi quelqu'un de très distrait.