Docteur Procellus, spécialiste en médecine

Pour l'instant, on ne peut pas dire que le Xanax soit le traitement du siècle : quand je le prends, à part me faire l'effet d'un grand coup derrière la tête, qui me laisse tout groggy et essoufflé pendant des heures, ça ne me rend pas vraiment plus zen. Je suis stressé. Et fatigué. Et du coup je me sens tellement tout naze que ça me stresse encore plus (mais je suis trop fatigué pour y remédier).Je suis donc retourné voir madame le docteur, parce que une semaine d'arrêt de travail et un traitement anxiolytique, c'est pas du tout, mais alors pas du tout ce qu'il me faut.

Parce que oui, je fais partie de cette catégorie de chieurs qui arrivent en consultation avec leur diagnostic et leur traitement déjà tout prêts, et le médecin n'a plus qu'à recopier, voire signer, ça gagne du temps. Et non, ça ne fait pas de moi un gros hypocondriaque, puisqu'il se trouve que j'ai raison (si si !). Mais dans ma grande bonté, et pour que ma doctoresse ne se sente pas totalement inutile, plutôt que de lui souffler ce qu'elle doit me dire, j'accentue mes symptômes, en insistant bien sur ceux qui la mèneront à la même conclusion que moi. Je sais, je suis machiavélique.

Et là, ce dont j'avais besoin, c'est pas d'un anxiolytique, mais d'un antidépresseur, pour voir la vie en rose et avoir la pêche, wooouh ! (c'est le son que je fais quand j'ai la pêche). Et une semaine d'arrêt ? Mmmoui, c'était bien, mais j'ai goûté à l'oisiveté, maintenant je suis perdu, il m'en faut plus, encore plus, toujours plus ! Alors voilà. Il va falloir montrer que je suis déprimé, et que c'est la faute au travail (oui parce que je ne vais pas mentir, juste accentuer certains traits).

J'ai donc dû commencer par lui dire que ce qu'elle m'avait prescrit la dernière fois, c'était un peu de la gnognotte quand même, si c'était pour me donner un traitement comme ça j'aurais très bien pu le faire moi-même, merci hein. Je lui ai expliqué que son pauvre Xanax de merde qui pue du cul, à part me faire dormir, il fait pas grand chose. Et ça a été très difficile de continuer à montrer que j'étais déprimé, quand elle m'a répondu "Bah ? Pendant que vous dormez au moins vous avez pas d'angoisses, non ?", avec un petit regard amusé.

Mais grâce à mes nombreux stages à l'Actors Studio, j'ai réussi à livrer une performance bouleversante de sincérité et me retenir de rire. En plus ça a porté ses fruits : elle a viré le Xanax dare-dare, pour le remplacer par un autre médicament "utilisé dans certaines maladies psychiatriques (psychoses aiguës ou chroniques, schizophrénie), et pour combattre l'agressivité". Euuuh...? Du coup je me demande si j'ai vraiment bien expliqué mes symptômes ?

Enfin bon, je suis encore arrêté pendant deux semaines supplémentaires, ce qui veut dire que je suis quand même très très fort.

Mais quand j'y pense, entre le moment où j'ai lu sur son papier qu'elle ne m'avait arrêté que jusqu'au vendredi, alors que je travaille aussi le samedi -quelle gourde-, et le moment où elle m'en a redonné un (c'est à dire moins de douze heures), je me suis tellement rongé les ongles que j'ai commencé à me grignoter la deuxième phalange sur tous les doigts, à me demander comment j'allais pouvoir survivre. Alors je me dis que finalement je n'accentuais peut-être pas grand chose, avec le boulot et les angoisses. Mais quand même, "schizophrénie et psychoses aiguës", faut pas pousser, je ne suis pas folle vous savez (bonsoir !).