Behind closed doors
Un peu de géographie Happy Timienne, pour bien comprendre ce qui va suivre.En ce moment, je navigue entre quatre postes, à quatre étages différents. À l'étage tout en bas, dans les bas-fonds du magasin, ma petite pièce à moi où je bosse est adjacente au bureau des chefs. Tellement adjacente que je suis obligé de traverser ledit bureau pour aller bosser, c'est la seule porte d'entrée. Bon, je fais un schéma, parce que vous êtes tous des buses et vous n'y comprenez rien (comment ça j'ai trop de temps libre à Happy Time ?) :
Ensuite, on est censés être indépendants : je vis ma vie avec les clients qui arrivent face à moi, pendant qu'en arrière-plan, ils passent leur journée à refaire les plannings et manger du chocolat (si si, c'est ça être chef). Ca, c'est sur le papier, parce que dans la réalité les choses sont un peu différentes.
Déjà, quand je bosse là, j'aime bien laisser la porte de communication ouverte, parce que je suis tellement bien caché qu'aucun client ne me trouve ou presque, alors c'est un peu moins triste de les entendre s'amuser à côté pendant que je meurs d'ennui. Et puis c'est facile de faire passer la journée plus vite, il suffit d'avoir toujours un bouquin avec soi.
Mais l'autre jour, alors que j'étais en train de lire la suite et fin des aventures de Lyra, Barbamama -une de mes chefs- est passée devant la porte, s'est arrêtée pour me dire bonjour (elle est gentille Barbamama), et a fait les gros yeux en voyant ce que je faisais (de la lecture, donc). Elle m'a expliqué que je peux lire tant que je veux, personnellement elle s'en bat les trompes, mais vu mon emplacement stratégique, ça serait bien d'éviter, il y a des chefaillons moins gentils qui risquent de me tomber dessus. En plus en ce moment ils ont plein de réunions avec la nouvelle direction (ouais, on vient de changer de direction, on n'a peur de rien), et un des points abordés systématiquement c'est la lecture des chargés d'accueil : il faut pas. J'essaye de ne pas le prendre pour moi, mais là, avec mon bouquin sur les genoux, c'est pas facile.
Alors quand elle est passée une deuxième fois et que j'étais encore en train de lire, elle a pris les mesures qui s'imposaient : elle a fermé la porte, pour que je puisse continuer mon bouquin sans risques d'être dérangé. Gnin hin hin hin ! Sauf qu'en fermant cette porte, elle m'a fait basculer dans ce monde merveilleux où ma vie est écrite par un mauvais scénariste de sitcom.
D'un côté, je suis bien triste d'être coupé de toute l'animation du bureau, mais de l'autre, il y a quand même des avantages à être indépendant ! Je peux par exemple m'adonner à mon activité préférée de quand je suis tout seul au boulot : me coincer un stylo entre le nez et la lèvre supérieure pour me faire une moustache. Trooop fort !
Évidemment, ce genre de jeu c'est drôle cinq minutes, pas plus, et le troisième tome de la Croisée des Mondes est vraiment super chiant, alors il a vite fallu trouver autre chose à faire. Tiens, si je fouillais dans les tiroirs ?
Ah trop fort, y'a une collègue qui a oublié son catalogue de vacances, je vais le feuilleter ! Hop, je le pose sur le bureau, et je me plonge dedans, en faisant tourner la chaise sur elle-même, un peu comme un rocking-chair horizontal, et c'est mieux, parce qu'un rocking-chair normal ça file la gerbe.
Alors que je finissais mon tour de chaise en feuilletant la Grèce, limite à faire des fils avec mon chewing-gum en tirant dessus, je remarque que quelqu'un s'avance dans la partie clients. Je lève les yeux.
C'était le sous-directeur.
Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, il était accompagné d'une quinzaine d'autres personnes. Bordel on se redresse et on fait glisser le catalogue dans la corbeille à mes pieds, vite !
Et ils ne passaient pas juste comme ça, nooon, ça aurait été trop beau que le Big Boss me prenne la main dans le sac pendant sa promenade digestive -oui bon c'est sûr, j'étais pas en train de piquer dans la caisse, mais l'interdiction de lecture venant de lui directement, je doute qu'il le prenne très bien. Une fois que tout le monde a été arrivé, je les ai vus se déployer en face de moi, au ralenti comme dans un film, et ils se sont mis à me regarder. Eh ?
Ils venaient pour analyser la disposition des postes de travail, et voir quelles modifications on pourrait y apporter, alors ils sont bien restés dix minutes à m'observer sous toutes les coutures, comme une bête curieuse. J'adore, j'étais super à l'aise, avec tous ces yeux fixés sur mon absence de travail.
Y'en avait même un qui prenait des notes, et un autre qui me posait des questions pour savoir ce qu'à mon avis on pourrait faire pour améliorer notre qualité de vie. Euuuh... Ben au point où on en est, une télé ?