Les Pains aux Raisins (2/4)

Le problème de Mamanprocellus (enfin, un de ses problèmes, parce que bon, voilà quoi), c'est que comme toutes les anorexiques, elle aimait bien la nourriture. L'acheter, la préparer, la toucher et lui faire délicatement l'amour, glop glop, mais la manger, pas glop.Du coup, il fallait bien que quelqu'un la mange, toute cette bouffe qui la faisait mouiller dans sa culotte. Et quand je suis né, tout petit et sans défenses, être chétif qui n'avait même pas demandé à venir au monde, c'est moi qui m'y suis collé.

Ah, si seulement j'étais né grand et fort et doué de parole, comme Papaprocellus, j'aurais pu faire pareil que lui, critiquer ce qu'elle venait de préparer, et avoir moi aussi le bonheur de voir la poêle partir direct au vide-ordures (Mamanprocellus, la modération faite femme), mais on me portait à bout de bras et on me nourrissait au biberon, ce qui limitait pas mal mon champ d'action.

Mais déjà à cette époque, j'étais plein de ressources, alors pour éviter de devenir un de ces bébés obèses qui ont toujours l'air d'avoir une balle de ping-pong dans chaque joue et de porter cinq ou six pulls sous leur layette, j'avais un truc infaillible : top modèle avant l'heure, je vomissais tous mes biberons (pas dans les toilettes hein, je faisais ça sur place, c'est moins avilissant).

Et puis j'ai eu quatre ans.