Butterflies instead (2/3)

Quand j'avais douze ans, en faisant du roller à toute vitesse sur les bords de Marne, j'ai rencontré une pomme de pin et patatras, mon poignet est descendu d'un bon centimètre par rapport à l'axe de mon bras.Apparemment j'avais réussi un sacré exploit, tout le service était venu voir les radios de ma fracture. J'étais ressorti de la clinique avec un joli plâtre tout neuf qui me tordait le bras d'une façon bizarre, et une recommandation du médecin :

Tu dormiras avec le bras légèrement surélevé...!

À imaginer énoncé d'une voix grave, soutenue par une musique dramatique, genre popopoooooom, un peu comme la scène de Gandalf, You shall not pass ! -enfin moi c'est comme ça que je l'ai vécu. Il avait pas eu besoin de me dire "sinon le sang ne circulera plus dans ton bras, et il tombera, et tu seras la risée de tes petits camarades, tu seras l'homme qui n'a qu'un bras !", je l'avais bien compris. Et je savais aussi qu'il me surveillait la nuit pour voir si je dormais bien comme il faut, alors pendant deux mois, je me suis endormi soigneusement sur le dos, un oreiller posé sur le bidou, et le bras plâtré posé sur l'oreiller. Oui, comme un bijou sur son écrin.

C'était la fin des vacances, et on était allés rejoindre la famille de ma belle-mère sur l'île de Ré. Il avait fallu déranger tout le monde au moment de se coucher, parce qu'il me manquait un oreiller à bras. Ah, c'était quand même le bon temps... Je faisais un caprice, et tout le monde se mettait en quatre pour m'exaucer, sans râler... Parce que oui, on avait dû priver quelqu'un d'un oreiller comme j'avais mal, pauvre chouchou !

Quoi qu'il en soit, grâce à mes soins délicats, aujourd'hui je peux taper ce texte à deux mains, oh yeah.