Leçons de séduction

Leçon numéro 1: Timing is everything

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Je l'ai découvert en allant à la piscine, presque par hasard. Pour protéger son anonymat, je l'appellerai Bogosso.
La première fois que je l'ai vu, il était devant la porte, en train de fumer, et a levé les yeux quand je suis arrivé à sa hauteur, pour me lancer un Bonjour ! tout souriant.
Pendant 10 secondes, j'ai cru que c'était un mec avec qui j'avais couché et que j'avais oublié. C'était bizarre, parce que c'est plutôt le genre d'homme dont je me souviendrais, et je n'ai pas encore eu assez d'amants pour commencer à en oublier.
Du coup, je me suis dit, pendant 10 autres secondes, qu'il était là pour pécho, et que c'est moi qu'il voulait. Procellus, facilement inflammable ? Oui, peut-être.
Ensuite, j'ai compris qu'il bossait là, et que son bonjour était surtout commercial. Mais bon.

Depuis, à chaque fois que je suis allé nager, il a été là. Et ça m'a motivé pour aller faire des longueurs, maintenant j'y vais dès que je peux, dans l'espoir de le voir. Mais pas plus de deux fois par semaine, aucun mec ne vaut de s'épuiser dans l'eau, et de risquer une crampe ou la noyade.

Et à chaque fois, un nouvel indice sur l'ambiguïté de sa sexualité est apparu.
* A le voir, il ne fait pas hétéro pour deux sous. Il ne fait pas vraiment homo non plus.
* Il est toujours tiré à quatre épingles (Paris Hilton pawa !). Il fait attention à ne pas marcher dans l'eau quand il passe à côté des douches, pour ne pas se mouiller (duh, tu bosses dans une piscine !).
* Il masse toutes les caissières de la piscine. (J'allais dire "même les moches", mais bon, elles le sont toutes), et elles se laissent toucher, et poussent des petits gémissements (salopes ! C'est MON Bogoosso !) sans que ça ait le moindre caractère sexuel.
Ni pour elles, ni pour lui.

Alors l'autre jour, je me suis dit que j'allais essayer de lui parler.
Même pas forcément pour coucher, juste pour faire connaissance, en ces temps difficiles, ça pourra servir de connaître quelqu'un qui peut me faire entrer gratuitement.

J'ai pris mon courage à demain, et je me suis dit que j'allais peut-être essayer de l'aborder.
J'ai répété toute une conversation dans ma tête.
J'ai même prévu un plan B : "ouais et sinon, je peux avoir un euro pour le casier ? Merci !". Et zwouf, je file.
Mon plan est infaillible.
Un peu comme le coyote du dessin animé. Il ne peut pas m'échapper.

En arrivant à la piscine, j'ai cru le voir, son gobelet de café à la main, devant la porte.
J'ai failli lui parler, mais je me suis rendu compte (à temps, quand même !) que ça n'était pas lui.
Hop, scénario A-2, j'entre dans la piscine, et je vais à la caisse, c'est que je vais l'attaquer !
Tiens, je ne le vois pas à la caisse (scénario A-3, je l'attaquerai au bord de l'eau, ch'est romantique en pluche), il n'y a que le maître-nageur (moche, of course), et une caissière (moche aussi. Moins que le maître-nageur, mais moche quand même).
Et justement, ils parlent de lui :

- J'ai cru que c'était Bogosso, là dehors ! (rhoooooo ! Moi aussi tiens !)
- Ah ben non voyons, il n'est pas là aujourd'hui Bogosso, tu sais bien !
- Boah oui, c'est vrai !

Argl. J'ai mis des jours à me préparer à lui parler, et tout est à refaire.
Je te hais, monde, je te HAIS !

Procellus, ou le missile explose toujours à la gueule du Coyote.