Psychose
Parfois dans la rue, je me dis "si ça se trouve, je suis mort en marchant, mon esprit ne le sait pas, et je suis un fantôme. En fait ma vie est finie, j'existe maintenant sur un plan différent, je ne suis plus qu'esprit, mais je n'en ai pas conscience".
Alors, j'évite de me retourner, pour ne pas voir mon corps mort et subir un violent traumatisme, et aussi pour ne pas être déçu, si jamais je vis encore et que je ne suis pas étendu par terre.
Pendant des années, j'ai gardé ça pour moi. Je ne voyais pas l'intérêt d'en parler, je me disais qu'au mieux, les gens ne comprendraient pas, et au pire, ils penseraient que je suis complètement fou. Alors, je me suis tu. J'étais peut-être déjà mort, personne n'en savait rien, toute ma vie, à partir d'un point que je ne connaissais pas, n'était que le fruit de mon imagination.
Et un jour, en revenant de la fac, R. m'a dit :
"Tu ne te dis jamais qu'on est peut-être morts, et qu'on continue d'avancer sans s'en rendre compte ?".
...
Révolution copernicienne chez David.
D'abord, d'autres gens pensaient comme moi. Ensuite, ça ne posait apparemment pas de problèmes d'en parler. (Oh au fait R., je ne t'ai jamais parlé de la théorie de mon prof de physique selon laquelle il est statistiquement possible de traverser les murs ?)
Mais, plus grave, si d'autres gens le pensaient aussi, alors ça n'était pas exceptionnel de s'imaginer ça, donc je n'avais rien découvert, et je n'étais certainement pas mort dans la rue. Je ne me suis quand même pas retourné.