Le cri primal (4/4)

Durant le coaching, j'ai appliqué pour survivre une ruse très simple : dire qu'on était là pour Lapin, "moi je vois déjà quelqu'un, et j'essaie d'être fidèle". Partant du principe qu'elle ne recevrait rien de nous sans donner en premier lieu, la coach a décidé qu'il fallait qu'elle se livre un peu, si elle comptait écouter nos petits soucis.

Elle a débuté soft, en nous racontant un de ses problèmes avec son mari -il rigole quand elle perd aux jeux de société-, compensé par un petit plaisir : l'excitation sexuelle. Une alarme sonne, quelque part dans ma tête. On ne se connaît que depuis cinq minutes, est-ce que tu ne partagerais pas un chouïa trop ?

Apparemment, non. Elle devait s'attendre à ce qu'on aille dans le plus personnel, elle a donc montré le chemin. Par exemple, un petit truc qui l'agaçait, avant d'ouvrir son coeur à la positive attitude, c'est... l'alcoolisme de son mari.

Wokay, c'est... C'est le monsieur à qui on a dit bonjour tout à l'heure, c'est ça ? Oui c'est lui, c'est mon mari ! S'ensuit un récit plutôt minutieux du nombre de cuites et de bouteilles que le bonhomme peut se prendre. Mais toujours avec des grands sourires, on rigole, on s'amuse, on partage !

Il y avait en fait un but à tout ce bel exhibitionnisme : nous montrer que si le problème de son mari -on a appris plus tard qu'il n'était pas alcoolique mais Irlandais- la dérangeait, c'était avant de découvrir que le bonheur, ça s'apprend, et l'amour fait des miracles (je vais pas te traduire tout The Power of Love, tu vois l'idée). Coachella, par exemple, quand elle a appris à devenir heureuse, son mari a arrêté de boire. Comme ça.

Mais ! Mais c'est génial ça ! Comment peut-on apprendre le bonheur, hurlons-nous, en délire, autour de cette petite table. Eh bien, par exemple, il suffit de se focaliser sur trois kifs par jour, vous allez voir, c'est rigolo, ja ! Et là, en commençant par Coachella, on se fait un tour de table de nos bons moments de la journée. Lapin vient ensuite. Après, c'est à moi.

On se fait tirer dessus les uns après les autres, comme des canards sur une cible, et personne ne peut nous sauver. Lapin vient de passer. Je ne sais pas pourquoi, je repense aux feutres sur la table. C'est mon tour. Je veux disparaître. Tout ce qui me vient à la tête, c'est "on a niqué ce matin".

Un ultime sursaut de dignité, un voile de pudeur, et je parle de la préparation du déjeuner de ce midi, moment de grâce NKMesque s'il en est : "je les ai regardés plonger des pâtes dans l'eau, c'était bien".

J'ai passé la fin des deux heures -dans le sud, entre amis, on se fait pas chier avec des rendez-vous de vingt minutes- à essayer de me calmer, persuadé que je venais d'échapper à une mort certaine.

Barnabé, ma personnalité sceptique, a finalement pris les commandes de mon corps, au moment où Coachella est partie sur internet, pour trouver un thérapeute qui pourrait faire du PNL sur Paris. Le PNL, c'est son Tipi à elle, une sorte de thérapie du sourire par apposition des mains, qui peut ressusciter les morts et soigner les écrouelles. Je te laisse le gougueuler, tu vas voir c'est bien plaisant. Par contre il faut se la jouer Pr. Hammond et dépenser sans compter, parce que 120€ la séance pour qu'on t'appuie sur les phalanges, hashtag arnaque, si on me demande mon avis.

On s'est finalement quittés sans rien colorier, avec juste la promesse qu'on essaierait le PNL une fois rentrés à Paris. Personnellement, j'ai menti. Je n'ai qu'une hâte, c'est retourner à mon prochain rendez-vous avec ma psy habituelle, pour jouer aux Playmobil et faire un petit Tipi.

Les coachs de vie, plus jamais.