Le cri primal (1/4)

Au bout de ooouh, beaucoup trop d'années de dépression -si j'vous dis combien, ça va me vieillir- et suite au blog-gate, il a fallu se rendre à l'évidence : aller voir un psy, ça pourrait m'être utile. Surtout qu'en ne travaillant pas, l'excuse du "non mais j'ai pas le temps" perd beaucoup de son efficacité. J'avais vu une chologue pendant quelques mois, à côté de chez moi. Elle était rigolote, les cheveux longs et libres, les robes amples, avec des bijoux en bois et des sandales, baba-cool pawah, la meuf, tu sens dès le premier rendez-vous qu'elle va faire beaucoup de tort à sa profession.

Son bureau était rempli de cristaux de roche et d'herbes séchées : au moindre problème, tu sais qu'il y aura sa tisane appropriée. Je me sentais en sécurité chez elle. Aucun mauvais juju ne pouvait me suivre, il aurait été immédiatement arrêté par un attrape-rêve quelconque planqué dans un coin sombre. Son principal outil était la relaxation. Il a fallu, pour y parvenir, que je me trouve un happy place à lui décrire, pour y envoyer ma projection astrale quand ça n'allait pas.

J'ai passé toute une séance à trouver un lieu. Mon cerveau avait eu l'idée de pourrir ma créativité en me rotant nos vieux cours de psycho à la gueule : fais attention à ne pas paraître trop pervers !

Ok cerveau, merci. Alors rien de trop phallique : pas de donjon, de wagon, de fusée ou d'enclos à chevaux; ni trop vaginal : pas de forêt humide, de cascade, de grotte, ou de tunnel, tous ces lieux pourtant apaisants à souhait. Cherche cherche cherche bite bite bite chatte cherche cherche, j'étais en mode Tourette slash panique totale. Comme la Reine des Neiges n'était pas encore kool, je n'ai pas osé choisir de montagne : on se connaît à peine, je ne voudrais pas paraître trop garce frigide...

Ma chologue était quelqu'un de très carré. Après avoir choisi mon lieu, pour être sûr de ne pas envoyer mon âme dans le happy place du voisin (tu imagines le bordel, hein ?), il a fallu lui donner un nom. Alors, rien de trop phallique...

C'est comme ça que chaque semaine, de sa voix mélodieuse comme une elfe, j'avais droit à :

- Alors, fermez les yeux, respirez, et projetez-vous dans votre voix de robot Prairie-de-David.

Ça n'a duré qu'un temps. Un jour, j'en ai eu ma claque d'essayer de baser mes humeurs sur les phase de ma soeur Lune, et de lui filer soixante euros à chaque fois pour "fermer les yeux et respirer". J'ai fini par attendre qu'elle soit en vacances, pris mon courage à deux mains, et j'ai dit à son répondeur que je ne pourrais pas venir à notre prochain rendez-vous.