Je rêve que je te fais tout bas une déclaration, ma déclaration

Même si je ne leur en ai pas parlé, mes parents ont bien senti que j'allais plutôt mal en ce moment : ils ne se sont jamais autant acharnés à me répéter encore et encore et encore que j'avais vraiment un boulot de merde qui ne paye rien.C'est beau l'instinct parental, ça permet de dire les mauvaises choses pile au mauvais moment !

Ceci dit, c'est vrai qu'ils ne payent pas beaucoup à Happy Time -en même temps, je ne travaille pas beaucoup non plus, comme ça on est quitte. Je m'en étais rendu compte quand j'ai dû remplir ma déclaration d'impôts.

J'étais (presque) un peu excité en recevant les papiers : ma première déclaration, youhouuu, je suis un grand, ça y est ! J'avais même décidé de la remplir sur internet, en me disant que je m'en sortirais sûrement mieux que sur le papier, comme tout le monde a l'air de trouver ça compliqué, on va choisir la voie de la facilité.

Je pensais que ça serait un peu solennel de télédéclarer, mais c'était à peine plus excitant que si j'avais acheté un billet de train. Ca reste quand même une expérience dont je ne suis pas vraiment sorti grandi : non seulement je me suis planté et j'ai dû recommencer deux ou trois fois, mais en plus, avec touuut ce qu'ils m'avaient payé en un an, j'étais en dessous du minimum imposable.

Ce que vous devez à l'État : peau de zob.

Même si je n'avais pas forcément envie de donner mon bel argent, j'étais un peu vexé qu'on n'en veuille pas. Oh bah non monsieur Procellus, gardez-le, vous en avez plus besoin que nous, ça nous gênerait... Bien sûr, j'aurais pu être content avec mon boulot qui me laisse plein de temps libre, me paye assez pour subvenir à mes besoins tout en me laissant voler sous le radar de Bercy, mais non. Je me disais même que j'avais dû me tromper, c'est pas possible de gagner aussi peu, et je vais avoir un redressement fiscal, mais c'est pas ma fauuute !

J'en ai même parlé à ma mère, qui m'a demandé si j'avais bien tout rempli. Ben oui, duh. Même la case du "nombre d'heures travaillées dans l'année" ? Ben non, duh, ça avait pas l'air d'être pour moi. Si si, c'est pour tout le monde, pauvre tanche, c'est pour la prime à l'emploi.

Alors j'ai rerererempli ma télédéclaration. Et cette fois-ci, surprise, je devais aux impôts... un montant négatif ! Tadaaah ! Un peu étonné je dois dire, et par acquis de conscience, j'ai tout repris de zéro, en comptant bien, et c'est reparti pour un tour.

Re-montant négatif. Mais pas le même.

Alors on recommence. Sans trembler. En ignorant ces tics nerveux qui me parcourent tout le corps, et le sang qui commence à me couler des oreilles. Re-re-montant négatif, mais le même que la première fois.

Euh... On va dire que c'est bon là, non ? J'en ai bien sûr reparlé à ma mère, nommée pour l'occasion experte ès impôts.

D'après elle, cette coquette somme (quand même -mais faut pas dire combien, quand on est Français ça ne se fait pas, alors chut) serait déduite de ma prochaine déclaration, parce que faut pas pousser non plus. C'est dommage, parce que finalement je m'y étais fait à cette idée de ne pas payer d'impôts, mais au contraire d'en recevoir !

Et puis l'autre jour, j'ai reçu deux lettres du Trésor Public : dans la première, ils me félicitaient bla bla, bien rempli bla bla, votre prime pour l'emploi vous sera remboursée automatiquement, vous n'avez aucune démarche à faire. Euh... C'est cool ça, non ?

Et dans la deuxième enveloppe : mon chèque (enfin, le premier : vu le nombre de fois où j'ai validé ce putain de formulaire de merde, j'attends la suite d'une minute à l'autre).

Mais... Quand on est riche, ça ne s'arrête jamais ? Non, mais rassurez-vous : quand on est pauvre c'est pareil.