L'art de se faire de nouveaux amis

À la lointaine époque (six mois déjà) où j'attaquais mon nouveau poste, ce que j'avais trouvé le plus bizarre c'est tous ces nouveaux collègues que je découvrais, alors que depuis un an je leur passais devant tous les jours, mais sans les voir, p'tin, mais on a les mêmes patrons, on marche sur le même sol synthétique en même temps, on se croise, mais on ne s'est jamais vus ? Trop wouah ! Un que j'ai tout de suite beaucoup aimé, c'est Grolourdo, qui passe son temps à faire des blagues super lourdes. Genre les jours où je bosse avec ma collègue Indienne très gentille mais un peu coincée du cul et qui ne parle pas encore très bien le français, il vient la voir pour a) lui apprendre un nouveau mot, aujourd'hui "fellation", ou b) lui demander si elle crie quand elle fait l'amour. Ho ho ho, Groulourdo, oh toi alors. Et je le trouve super drôle, dans son rôle de gros lourd obsédé (enfin, j'espère que c'est un rôle, parce que sinon, ça voudrait dire qu'il est juste lourd, et pas drôle du tout).

Un de ses jeux préférés, que j'ai découvert avant même de connaître son prénom, c'est "ce soir j'organise une orgie (comme toutes les semaines) !". La première fois qu'il a fait cette blague, en me demandant si ce soir je venais au château pour participer à la petite sauterie qu'il organisait, j'ai eu comme un blocage. Euh, c'est quoi ce mec ? Et il est sérieux là ? Après, je me suis vite rendu compte que c'était pour déconner. Ce que j'aime bien avec cette blague, c'est qu'il ne parle jamais ouvertement d'orgie, juste de "soirée au château". Après, chacun est libre d'y voir ce qu'il veut. Avec ma pureté virginale, j'ai d'ailleurs cru pendant des semaines qu'il parlait de bals masqués, si si, c'est vrai. Et de la même façon qu'on finit par adorer une chanson de merde qu'on entend toutes les deux heures à la radio (Madonna poweeer !), au bout de deux mois à bosser là, j'étais son plus grand fan.

Sauf que récemment, j'ai appris qu'il allait partir, ouin snif nooon, Grolourdo pars pas ! Alors un jour, pendant ma pause je suis passé le voir, pour profiter de ces derniers instants d'humour lourd. Il était en train de discuter avec Salopa, une vendeuse bonnasse mais un peu vulgos et qui parle toujours très fort. Ils déconnaient sur les soirées au château, que bien sûr on continuera à organiser quand il sera parti, maintenant qu'on est tous habitués à occuper nos soirées comme ça ! Alors j'ai participé un peu à la conversation, et du coup fait la connaissance de Salopa.

Après, je les ai laissés là et je suis sorti pour discuter avec des collègues qui étaient aussi en pause (et qui comme moi auparavant ne connaissaient pas Grolourdo). C'était chouette. Tous les gens que j'aimais bien à Happy Time, tous réunis au même endroit. J'ai discuté avec tout le monde, j'étais un peu le centre de l'attention, et ça ne me dérangeait même pas, oh yeah ! C'est pendant cette expérience sociale inédite et hors du commun que j'ai vu s'avancer Salopa avec une de ses copines. Elles rigolaient.

Je ne me souviens pas vraiment de ce qu'elle avait à me demander, peut-être dix centimes pour prendre un café, ou un mouchoir, bref on s'en fout. Non, ce dont je me souviens bien, c'est la façon dont elle m'a présenté à sa copine, avec un gros clin d'oeil, au milieu de tous mes collègues, et des passants, et de tout Paris, avec sa voix qui porte :

- Ah bah on n'a qu'à demander au charmant jeune homme, et puis tu vois lui aussi c'est un gros partouzeur !