Comme je respire (1/2)
À Happy Time, ils sont gentils pendant que c'est les grèves et que ces enculés de fils de putes de merde de connards de RATPistes se la coulent douce à la maison et ils ont bien raison, parce que sinon ils risqueraient qu'on les chope et qu'on les pende avec leurs tripes, et qu'on verse du gros sel et du jus de citron sur leurs plaies.Enfin moi je dis ça, je m'en fous un peu des grèves, sur ma ligne il y a des métros comme n'importe quel autre jour, on est peut-être juste un peu plus serrés que d'habitude (c'est à dire qu'on a intérêt à rentrer dans le wagon avec une position confortable, parce qu'on la garde jusqu'au terminus).
D'ailleurs quand jeudi matin les chefs m'ont demandé avec plein de belle compassion dans la voix si j'avais eu des problèmes pour venir, quand même, Vincennes, ouah, c'est tellement loin, je me suis tapé sur le torse pour montrer que j'étais l'homme, et j'ai répondu tout fier que non, pas de problème, je suis même arrivé en avance, yay moi ! Ensuite, quand ils m'ont proposé de partir plus tôt le soir, j'ai encore joué les héros, en répétant bien que non ça allait, j'ai pas de problèmes de transport, je prends la ligne 1 bla bla bla.
Tout au long la journée plein de gens me sont arrivés en retard ou me sont partis en avance sous le nez, et on leur à rien dit, à part leur promettre d'être payés comme d'habitude, parce que c'est la faute aux transports. Moi je ne suis pas comme ça monsieur, je préfère être sérieux et fidèle à mon poste, et puis je risquerais de m'ennuyer si j'étais chez moi, ça c'est sûr.
Vendredi on remet ça. J'arrive en avance, et je bave d'envie devant les retardataires, oh mais vous inquiétez pas on régularisera vos horaires !. Quand on me redemande si je dois partir en avance, ma bouche réagit plus vite que ma tête, et je refuse encore en rigolant, non mais tu m'as bien regardé, je t'ai dit que je prenais la 1 ! Et quand les collègues commencent à s'en aller, vingt minutes, une demi-heure, une heure avant moi, tout ce que je peux faire c'est me coller le visage à la fenêtre pour les regarder s'éloigner, avec mon oeil plein de tristesse, en poussant des petits gémissements plaintifs.
Et puis samedi, une idée sournoise a germé dans mon esprit machiavélique : Hé, si je profitais du système ?