Méduse
Sur le plan humain et sociologique, chaque jour à Happy Time apporte son lot de découvertes. La dernière en date, c'est Méduse.
J'étais à mon poste depuis une petite heure, à me faire chier comme c'est pas possible, à ranger et réorganiser tout le magasin et tout remettre dans l'état initial quand elle est arrivée.
Chouette, je me suis dit, elle a des chips à la main, alors avec un peu de chance elle va se goinfrer et pas faire chier, et avec beaucoup de chance elle va m'en offrir.
Et en posant ses affaires, Méduse a entamé la conversation. Pas un bonjour, non, elle va directement au coeur du problème, et avec une voix entre Courtney Love et Fran Drescher, la classe et le glamour en moins, elle a attaqué :
C'est là que j'ai compris que moi aussi j'aurais sûrement été mieux si en effet elle avait eu la bonne idée de ne pas venir.
Je me dis que la journée va être loooongue, si je la laisse me parler, alors, en bénissant l'inventeur de la chaise à roulettes, je me tourne à son opposé.
No eye contact et tout ira bien.
Là où je n'ai pas de bol, c'est que Méduse a plein d'amis dans ce coin, et à chaque fois que quelqu'un passe, elle repart de plus belle avec sa voix de crécelle égosillée, fait chier, elle a la crève, elle voulait pas venir, merde, et hier soir elle a mangé tard... Tout le monde compatit, mais personne ne reste à proximité.
Comme il n'y a personne et qu'elle a compris que pour la conversation, fallait pas trop compter sur moi, elle finit par se calmer.
Quand arrive l'heure de son déjeuner, elle se lève et se prépare. Le mouvement me fait tourner la tête, pour voir ce qu'il se passe. Là, je vois Méduse debout, dans un geste plein de grâce et de féminité écarter les jambes et se gratter vigoureusement la chatte.
Ahhhhhhh, cha fait du bien, ché bon, hein Méduse ?
Du coup, toute la journée, je me suis promené dans Happy Time. Et à chaque fois que je croisais ma chef par hasard, je lui demandais si je ne pouvais pas changer de poste. Comme il n'y avait personne là où j'étais, peut-être qu'on avait besoin de moi ailleurs, hein, s'il te plaît Délivrance, dis oui dis oui dis oui !
Et c'est dingue le nombre de fois qu'on peut croiser quelqu'un par hasard, quand on va dans son bureau !
A chaque fois que je revenais à ma place, elle m'énervait un peu plus, à se plaindre qu'il y a trop de boulot, et pas assez de clients, et que les horaires sont mal faits, et que c'est pas juste que le rayon Hommes de Happy Time devienne plus important que le rayon Femmes, et que ceci, et que cela, tout ça ponctué d'élégants jurons.
On atteint le pire au moment où elle me force à prendre le numéro d'un collègue moche qui passait par là.
- Euuuuh... Ah.... Oui, mais j'ai pas de papier, c'est con la vie...
- Roooh, mais si, tiens, prends une facture ! (Avec un grand sourire, toute fière de sa bonne action).
Finalement, après qu'elle a eu la bonne idée de raconter à Délivrance que merde elle avait pas envie de v'nir c'matin, fait chier, elle a eu pitié de moi et m'a envoyé finir la journée sous d'autres cieux plus cléments.
Procellus, ou les collègues c'est vraiment de la merde.