Petit Papa Noël


Quand j'étais petit, une bataille sans merci faisait rage entre ma mère et sa belle-soeur (donc ma tante, qui est aussi ma marraine). Marraine, en catholique passionnée, refusait catégoriquement de faire croire à ses enfants que le père Noël existait : Noël, la nativité, tout ça, c'est juste pour célébrer la naissance de l'enfant Jésus mort pour nous, PAS pour gâter les enfants avec plein de cadeaux.

De l'autre côté, fière représentante de la branche païenne de la famille, maman Procellus, les bras chargés de cadeaux, et la bouche pleine des belles histoires sur Papa Nawel, avec Tino Rossi en back-up et photos à l'appui.

Avec mes cousines on a sensiblement le même âge (l'une a 6 mois de plus que moi, l'autre 6 mois de moins, je vous ai dit hein, catholique convaincue...), alors ma tante a fini par céder, parce que comme on était tous petits en même temps, ça aurait été injuste qu'elles fêtent Noël avec leur orange pendant que moi j'avais mon beau circuit automobile tout neuf, et mes peluches, et mon bateau Playmobil...

Donc, l'histoire du Père Noël ce fut, pour tous les enfants de la famille. Maman Procellus avait gagné la première manche.

Mais Marraine se réservait pour la suite. La vraie victoire, elle l'a obtenue un jour où j'avais demandé au père une figurine des Silverhawks. Je voulais le chef, je sais plus comment il s'appelle, et j'ai eu un sous-fifre. Déception.
Quand j'ai déballé le paquet, en voyant que ça n'était pas le bon, Marraine a dit :

- Ah oui, je me suis trompée, je pourrai peut-être aller l'échanger au magasin... ?

C'est là que j'ai compris. Ca n'a pas été un choc, je me suis juste dit "ah mais oui en fait, c'est logique, les cadeaux c'est les grands qui les achètent".
Comme ça, sans que ça soit vraiment une surprise, plutôt un voile qui se lève, le Père Noël venait de me mourir dans les doigts.

Après, fier de ma nouvelle découverte, je paradais chez ma nourrice, et je discutais avec Audrey, qui avait le même âge que moi. Nourrice gardait aussi des enfants plus petits.
Et j'essayais de faire valoir mes positions, en disant à Audrey que non, le Père Noël n'existe pas, eh pov' idiote !
Les petits jouaient à côté, Nourrice passait par là, et pour me faire taire, elle m'a collé une baffe.
C'était le prix à payer pour qu'ils puissent continuer à rêver.

Procellus, ou une enfance traumatisante, quand même.