Les années fac : l'échec*

Cette année-là, le rock'n'roll venait d'ouvrir ses ailes, et moi j'étais sur le point d'abandonner la fac -pour la première fois. Car oui, je l'avoue, j'ai baissé les bras à plusieurs reprises -et pas uniquement parce que je n'avais pas confiance en mon déodorant. Heureusement que mon prénom n'est pas "Téméraire" : en plus de m'assurer une scolarité socialement handicapante, il aurait fait de moi un menteur. Mais je digresse ("graisse", ha ha, quel boute-en-train ce David !). La première fois, donc. J'étais jeune et naïf, la Communauté de l'Anneau sortait au cinéma, et je me voyais mener à terme ce LLCE Anglais. Ma fac était une annexe de la Sorbonne, située Porte de Clignancourt. À deux pas des Puces, ce qui est bien pratique quand tu as une heure à tuer, et que tu ne sais même pas que les locaux disposent d'une bibliothèque -ça vous donne une idée de mon degré d'implication dans les études.

Cette première expérience universitaire fut moins dépourvue d'intérêt que la seconde (qui fera, je vous le rassure, l'objet d'une prochaine causerie, je vois que ça vous intéresse). J'en retiens, dans le désordre :

- les cookies au chocolat blanc de la cafeteria; - un jeune prof, plus perché qu'un hibou, qui s'est présenté en nous chantant Say My Name, nous invitait à se prendre des murges avec lui dans des pubs irlandais, et dont personne, malgré ses nombreuses histoires de coucheries (je ne sais pas trop ce qu'il devait nous enseigner, et je pense que lui non plus) n'a jamais su dire s'il était gay, bi, ou hétéro -il est probable qu'étant le seul à crusher dessus, j'étais aussi le seul à me poser la question, mais bon; - une prof "d'un certain âge" qui maniait l'anglais aussi bien qu'Afida Turner. Vous conviendrez que vu son métier, c'est problématique. Ses cours se déroulaient à base de "So, euh, zeu pipole, zey euh, I 'ave in ze bilouque, and euh, a beulibobol".

Mais dans la vie, tout est question d'équilibre. J'ai appris ça en regardant Vampire Diaries, et aussi Charmed, qui sont de bien belles séries, porteuses de messages d'espoir et d'amour, et qui m'ont aidé à surmonter de nombreuses situations. Avec un simple athamé et du sang de vampire, je peux arrêter n'importe quelle apocalypse. Je vous l'accorde, il faut être un minimum prévoyant, mais je ne me balade jamais sans au moins un coupe-ongles -en guise de poignard-, et une sauce Ketchup piquée chez McDo, pour remplacer le sang (eh vous croyez que c'est du vrai, à la télé ?). J'ai aussi appris à faire avec les moyens du bord, grâce à MacGyver.

Qu'est-ce que je disais, déjà ?

Ah oui. Question d'équilibre. Si un personnage meurt dans l'épisode, un autre naît une scène plus tôt -ou plus tard. Pour chaque obscurité, de la lumière. Pour chaque virage à gauche, un virage à droite. Et pour la prof de merde sus-citée, une fabuleuse, heureusement. La seule, sur mes 4 années de fac (en tout) dont je n'ai jamais séché un seul TD, et avec qui j'occupais mes cours d'informatique (pas les siens, c'était une vraie prof, elle) à discuter sur Messenger : je lui disais que je me faisais chier à la fac, elle me racontait qu'elle venait de faire chauffer la CB, dommage pour moi ! (Oui, madame B., je parle de vous <3)

Et putain, le coup de vieux : à l'époque où j'étais étudiant, on pouvait choisir, en option, les cours d'INFORMATIQUE. Comment ouvrir et fermer une fenêtre. Ce qu'est l'Explorateur Windows (vaste sujet). Comment utiliser DOS (ok, ça, c’était intéressant, je me suis senti un peu nerd, c'était cool). J'avais choisi cette option pour m'assurer une bonne moyenne, en fournissant le minimum d'effort possible.

Ça a parfaitement fonctionné. J'ai eu ma première année de justesse, en n'ayant validé aucune matière importante, tout ça grâce à l'informatique. Ce que m'a apporté la fac ? La confirmation que dans la vie, on peut tout à fait s'en sortir en n'en branlant pas une.

Mais là n'est pas la question. À la base, ce long récit à la HIMYM devait servir d'introduction, l'amuse-gueule avant le plat de résistance. Alors j'espère que ça vous a bien amusé la gueule, parce que j'estime vous en avoir assez dit pour cette fois.

TOU BI CONTINUHAIDE

*Eh, t'as vu, j'ai compris qu'il fallait arrêter de donner des numéros, parce que ma plume est une flèche tirée dans le morne désert de vos vies : impossible de devenir où et quand elle va s'arrêter.

Et aussi, à force de modifier la numérotation à chaque fois, j'avais un peu l'impression d'être devenu ma'ame Boutin, tu vois.

Les dents de l'eau douce (3/3)

Un jour, un grand homme a dit : "la vie trouve toujours un chemin" (si tu reconnais la référence, félicitations, tu n'as pas grandi dans une grotte). Je me suis vite rendu compte que ce qui est valable pour des dinosaures femelles l'est également pour des poissons des deux sexes vivant ensemble dans un aquarium.Dans le bassin de l'amour, j'ai bientôt vu naître des bébés, plein de bébés, minuscules têtards transparents avec juste deux petits points noirs pour les yeux. Trop laids, mais trop mignons

C'est à ce moment-là, dès la première portée, où j'ai perdu le contrôle de la situation.

Pendant que j'observais, avec des coeurs dans les yeux, un de mes nouveaux-nés, en me demandant où étaient passés ses frères et soeurs, je l'ai vu se faire gober par un de ses oncles qui passait dans le coin.

Nage. Nage. Nage. GLOB.

Une fois dépassé le traumatisme de l'infanticide, je me suis demandé si je pouvais donner un coup de journal au tonton cannibale, comme on fait quand le chien pisse sous la table : "méchant, le poisson, méchant !", mais j'ai vite abandonné l'idée.

À la place, j'ai acheté une maternité pour aquarium, afin que mes tout-petits puissent grandir sans connaître la peur d'être dévorés par leurs parents. Ça a fonctionné, pendant un temps. Les bébés de la portée suivante étaient à l'abri, et quand ils ont eu dépassé la taille de snack, ils ont retrouvé leur famille. Alors, les ennuis ont commencé. En empêchant les poissons de s'auto-réguler en dévorant la progéniture la plus faible, j'avais tué l'équilibre.

D'abord est venue la maladie : un des résidents s'est mis à enfler, enfler comme dans la fable de La Fontaine, à tel point que ses écailles se soulevaient.

Le verdict était sans appel : il fallait l'euthanasier, et vite, avant qu'il ne se mette à se vider de son sang par les écailles (oui oui, tu peux vomir). Après des recherches rapides sur les sites spécialisés, et n'ayant ni clou de girofle sous le coude, ni les couilles de lui trancher la tête d'un coup sec et précis, je l'ai... mis dans un tupperware au congélateur. L'eau qui refroidit et se solidifie est censée être une mort douce. Je ne supporte pas de ramasser les poissons morts, je ne sais pas pourquoi, mais changer une couche de bébé qui a mangé des épinards-carottes me dégoûte moins que de toucher un poisson par épuisette interposée. J'ai quand même réussi à prendre sur moi, et à mettre la poire blette à l'écart, avant qu'elle ne contamine tout le cageot.

Alors, pour que ça n'arrive plus jamais, je les ai laissés se gérer eux-mêmes. Tous les soirs en rentrant, j'allais voir s'il y avait eu des naissances à Jurassic Park. Après, je jetais un coup d'oeil dans la partie du bassin derrière le filtre, où j'avais découvert que les têtards étaient parfois aspirés. Je les imaginais déjà se nourrir des miettes qui leur parvenaient, et réussir à se développer dans cet espace réduit et jamais éclairé. Quand j'en découvrais, prisonniers de ces abysses, et pour éviter que grandisse une civilisation parallèle, j'essayais de les récupérer, pour les remettre dans le grand bain, où ils risquaient mille morts, mais naturelles celles-là.

Les poissons, eux, se plaisaient toujours autant : ils niquaient et se reproduisaient plus vite que des lapins. Quand un adulte mourait, deux bébés survivaient. J'avais créé un écosystème monstrueux, j'en faisais des cauchemars : je me voyais barboter dans la baignoire, entouré par mes poissons, qui se retrouvaient cuits à la chaleur de mon bain. Je nettoyais l'aquarium et ils partaient avec l'eau de vaisselle. Parfois, ils sautaient en dehors de l'aquarium, et s'asphyxiaient sur la moquette.

J'ai emmené le truc très loin.

Jusqu'au jour où il a fallu que je m'en sorte. J'ai laissé le premier badaud venu (bizoo Rémi chéri, keur avec des écailles) partir avec l'aquarium et ses occupants, pour me débarrasser de cet enfer vitré. Loin des yeux, loin du coeur, et libéré de cette horreur.

Maintenant, comme je n'apprends jamais de mes erreurs, je veux une tortue d'eau.

Les dents de l'eau douce (2/3)

L'aquarium vide aux parois vertes a trôné de longs mois au milieu du salon de Lapin, souvenir (pas si) glorieux de notre cuisant échec.Au bout d'un moment, je n'en pouvais plus de voir cette relique qui puait la vase, et j'ai eu l'idée la plus stupide de ma vie (la plus stupide à ce jour, je compte faire encore de nombreux choix idiots) : tiens, et si je le prenais chez moi ?

Je ne me souviens pas comment on a transporté l'aquarium de Paris à Vincennes, étant donné qu'aucun de nous deux n'a le permis. Le fait est qu'un jour, l'engin était dans ma baignoire, et je le lavais à grande eau, à l'aide d'une éponge et d'une brosse à dents neuves, sans aucun produit ménager, pour qu'il n'y ait aucun agent chimique susceptible de tuer les futurs occupants des lieux. J'avais l'impression d'être Marie-Antoinette en train de nettoyer une fosse septique avec sa brosse à cheveux.

Une fois le bassin propre, on a pu procéder à l'a... mé... nagement, mon petit chat des bois ! D'abord le sable, les plantes et l'eau, et on attend une bonne semaine que l'ensemble se stabilise et que ça sente moins la peinture, avant de pouvoir y installer des poissons. On est allés à l'animalerie, en choisir des bleus, des verts et des oranges.

La température de l'eau était farpaite, le filtre tournait à plein régime, et rapidement, il se sont habitués à ma main dans l'eau pour laver les vitres de leur maison.

Ils étaient bien. Trop bien, peut-être.

Les dents de l'eau douce (1/2)

Tout a commencé le jour où, pour une raison obscure, Lapin a voulu, pour décorer son petit appartement, un aquarium. Il s'est retrouvé avec un truc tout bête -non, pas moi, ha ha- qui ne pouvait contenir qu'un combattant, ces poissons japonais très beaux (si on aime ce style un peu prétentieux) mais mortels -là oui, comme moi, hu hu. Il y avait deux problèmes à cette situation.

Le premier, c'est qu'un combattant, c'est difficile de lui donner des amis. Dans un premier temps, il restait dans son coin, petite forme catatonique flottant entre deux eaux, aussi interactif que la feuille morte qui refuse de tomber. On attend, on y jette un coup d’œil de temps en temps, on espère, mais il ne se passe jamais rien. Alors, pour essayer, comme ça, on lui a acheté des copinous.

Ça aurait pu être très simple, mais il a fallu faire les choses bien : acheter un deuxième SECOND aquarium, pour que le combattant s'habitue à la présence des nouveaux, des tout petits mignons qu'on s'en fout de leur race. Pour vous donner une idée de la taille, il fallait que le doberman neurasthénique s'habitue à la proximité d'un groupe de... caniches, voilà.

Au moment où on a mis les Némo dans leur nouvelle maison, un éclair a traversé le bassin de Willy. La bête qui sursaute, et ses yeux qui s'allument, comme des phares de 2 CV. Sans le savoir, on venait de réveiller le Kraken.

Il a vu ses futurs camarades et est devenu comme fou. Nuit et jour, il se jetait contre les parois de son aquarium. "Il va finir par s'habituer", "ça lui passera" nous disions-nous. Que nenni ! Il tournait en boucle dans son cube (ce qui n'est pas si facile), et dès que les nains entraient dans son champ de vision : BOUM ! BOUM ! BOUM ! contre la paroi.

Il a vite fallu faire un choix : soit on le laissait mourir, d'épuisement ou la tête fracassée contre le Plexiglas (soyons honnêtes, il n'avait aucune chance de le briser), soit on tentait d'apaiser sa colère en lui offrant les sacrifices. Entre un joli combattant à 12 euros et trois merdouilles à cinquante centimes pièce, le choix était vite fait. On a mis, au bout de quelques jours, les appâts dans le bassin du monstre.

Contrairement à tout ce que nous apprennent les films d'épouvante, ils ont eu le bon sens de rester groupés et de se réfugier sous le Rocher de la Perdition, au centre du lagon. Mais Jörmungand sentait leur peur, la chair fraîche -et un peu la marée. L'un après l'autre, il les a exterminés, avec la délicatesse d'un Predator. On en retrouvait parfois des petits morceaux, mais rien qui ne permette de vraiment les identifier.

Suite à cet incident, on s'est réunis, lui et nous, et on a décidé d'un commun accord qu'il ne souhaitait pas avoir d'amis. Une représentation d'artiste de la Grande Bataille du Combattant L'autre problème auquel il fallait faire face, c'est qu'un aquarium, surtout sans filtre, ça demande un entretien et une implication auxquels ni Lapin ni moi n'étions préparés. On a profité de l'expérience ratée de l'amitié pour changer le bac. Au lieu d'un gros vase merdique, on a acheté un truc de compétition, où tout était intégré : le filtre et la lampe et les machins -non, il faisait pas le café, ha ha, l'humour de papa ça ne rate jamais.

Après avoir massacré ses petits camarades, le Léviathan s'est donc retrouvé dans un aquarium ultra-moderne, mais qu'il fallait tout de même nettoyer. Moins que l'ancien, mais un minimum quand même. Rapidement, les plantes décoratives se sont désagrégées, ont bouché le filtre, et c'était le début de la fin. L'eau croupissante étouffait Cirein-cròin (à mon avis ça lui pendait au nez, mais bon) pendant que les parois de l'aquarium disparaissaient sous une épaisse couche de... euh, on n'a jamais su.

Petit à petit, on ne le voyait plus mourir. Dans un dernier sursaut de bonté, on a tenté de changer l'eau. Je ne me souviens pas exactement de comment les choses se sont passées. Je revois un liquide noirâtre qui s'écoule. Des magmas gluants de plantes. Des hurlements. Le corps, autrefois bleu royal du combattant, maintenant noirci par la crasse, dans un pot de yaourt. Et puis plus rien.

Cette première expérience piscicole était un échec.

Chapeau

Il y a des gens pour qui ça sera d'avoir des allumettes enfoncées sous les ongles. D'autres, être enfermé dans une caisse avec des cafards -ou Lana Del Rey.Personnellement, une des pires tortures que je puisse imaginer, c'est essayer un chapeau.

De base, je ne suis pas fan d'aller faire les magasins de fringues : les vendeurs omniprésents ET antipathiques (ouais, ami provincial, ça s'passe comme ça à Paris), le choix, tellement de choix, je ne peux pas, choisir c'est renoncer, les autres clients qui me jettent des pierres parce qu'ils jalousent mon corps de rêve et ma taille mannequin... Et surtout, SURTOUT (tu as vu comme j'utilise la majuscule pour souligner l'idée ? C'est une figure de style que je viens d'inventer, je lui promets un bel avenir), on ne sait jamais QUI a enfilé les fringues que tu achètes, auparavant.

Autant j'arrive à faire abstraction des problèmes de peau tant qu'ils sont cachés par les vêtements (le psoriasis les bubons il pèle mais comment on peut transpirer autant), pour les chapeaux, c'est une autre histoire.

Toute la journée, les têtes des gens sont à hauteur d'yeux. Les cheveux gras. Les croûtes immondes sur les crânes des vieux -et moins vieux. Les gros boutons de la taille d'une balle de golf, probablement remplis de pus. Chacun de ces cas d'école dermatologique a pu porter le couvre-chef que tu veux me faire essayer. Merci mais non merci.

Le psoriasis, les pellicules ou les poux. Ils ont peut-être enfilé cette casquette avant vous.

J'ai des amis (LOL) dont la passion est d'essayer des chapeaux. À chaque fois que je les vois faire, je me vomis un peu dans la bouche. Pour ne pas être vu comme une petite nature ou un maboule (je suis plein de self-esteem -RELOL) je ne dis rien, et je le ravale (la blanquette de veau, quand arrive son 3ème passage, tu as juste envie de mourir) pour pouvoir dire que ça te va bien, oui vraiment, allez on s'en va ?

Parfois, les gens insistent pour que j'essaye. J'ai perdu quelques connaissances, comme ça, on retrouvera peut-être les corps en draguant la Seine (bonjour, Seine, c'est à vous ces beaux yeux-là ?) ou si le niveau baisse suffisamment.

Mais je sais qu'un jour, les hommes en noir me rattraperont, et ils me feront essayer des panamas. Alors, je n'aurai pas le choix, et je leur dirai où vous vous cachez. Tous.

Euphorie

Il n'est pas encore 7 heures, mais déjà tu ne dors plus. Longtemps avant le réveil, que tu continues à mettre, même si tu n'as plus d'horaires à respecter. Après tout, l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, et tu aurais encore plus l'impression de gâcher ta vie en larvant jusqu'à midi. Tu ne te lèves quand même pas tout de suite : faut pas abuser, tu as encore un peu la tête dans le cul, et puis se lever, pourquoi ? Tu écoutes les bruits de la rue, ces gens qui vont se faire chier au boulot, comme toi il n'y a pas si longtemps. Tout le monde te le dit : cette démission, c'est la meilleure chose qui te soit arrivée. Plus aucune contrainte, tu es ton propre boss. Un petit crotale en plein désert.

Douche et petit-déjeuner, pour essayer de te remettre les idées d'aplomb. C'est important de vivre cette journée à fond. Tu regardes ce qui s'est passé sur les internets pendant la nuit. Rien. Des gens que tu ne connais pas sont sortis, ont bu, tant mieux pour eux.

Tu commentes, tu retweetes, tu likes, tu as un peu l'impression d'exister. Après, tu vas au sport, pour essayer d'aimer un peu ton corps, au cas où ça changerait quelque chose. Tu croises des regards mornes dans le RER et dans la rue, tu te moques intérieurement de celle-ci, puis sur Twitter. Ça fera comme si tu étais trop fun et de bonne humeur. Les apparences, cette dernière protection -avant quoi ?

Vient l'heure du déjeuner. Tu n'as pas vraiment faim, mais c'est important de garder un semblant de rythme, alors tu manges. Impossible de dire quoi, de la viande, du poisson, de la salade, ou une grande assiette de cendres.

Il est déjà 14h, comme le temps passe quand on s'amuse.

Alors tu fumes, un peu, beaucoup, pas passionnément, c'est fini ce temps-là. À la folie, peut-être. Tu baises, pas par envie, pas par plaisir, mais pour t'occuper. Ta main, ton mec, un autre, des autres. Ça ne remplit pas le vide -ça n'est plus le but- mais ça occupe, un temps.

Tu ne cherches pas de travail. Pas besoin, c'est beau d'être rentier. Aucune contrainte, pas d'impératifs, une infinité de libertés et possibilités, dont tu ne feras rien, mais si tu en avais envie...

Les gens que tu connais, eux, sont au boulot. Ceux que tu ne connais pas aussi. Tu ne veux pas être un boulet, ni assumer leur regard, alors, petit à petit, tu les oublies. Le ménage par le vide. La vacuité de ta vie sociale, trop beau le parallèle avec tes journées !

Tu essayes de lire, mais ça demande une implication bien supérieure à ce que tu es capable de fournir. Les internets sont là pour pallier. Aucun effort, tu cliques, tu lis et tu oublies.

Pour manger autre chose que tes ongles, tu te fais à dîner. Toujours pas faim, mais ça donne, à nouveau, une impression de régulation à ta journée. Tu regardes tourner ton plat dans le micro-ondes, ça n'est pas moins constructif que de regarder ton écran.

Il ne fait pas encore nuit. Tu ne peux pas aller te coucher, ça ferait un peu trop loser. Tu regardes la télé, ce que tu t'interdisais tant que ça n'était pas l'heure (journée rythmée, journée gagnée !). Un épisode, deux épisodes, trois saisons.

Il commence à être tard, mais tu ne veux pas te coucher. Trop fatigué pour dormir, tu traines encore un peu sur le net. Les images, les mots. Tu existes, quelque part, sûrement.

Tu te diriges finalement vers le lit. Ça y est, tu sens que si tu fermais les yeux, tu pourrais y arriver. Tu te glisses sous la couette, avec le sentiment d'avoir accompli quelque chose de beau aujourd'hui (OU PAS), et tu t'endors.

Pendant quelques courtes heures, tu oublies, jusqu'à ce que tu ouvres les yeux, à nouveau bien avant le réveil.

Une nouvelle journée peut commencer.

Mon cher Watson

Je m'en souviendrai toute ma vie. Mon père m'avait emmené voir Aliens Resurrection, même que c'était la première fois que j'allais voir un vrai film avec Pôpa (depuis que je l'avais forcé à rester dans la salle pour regarder une deuxième séance de La Bande à Picsou et le Trésor de la lampe perdue, ça l'avait un peu calmé).

C'était une grosse sortie pour l'époque (Alien 4, 1997, ça fait 17 ans, ça ne nous rajeunit pas ma brave dame), du coup, on était allés au restaurant, avant la séance. C'est là que je l'ai rencontré.

C'était notre serveur. J'avais quinze ans à l'époque, il était à peine plus vieux que moi, il n'avait pas encore dépassé la vingtaine. L'air un peu gauche et en retrait, comme tous ces adolescents qui ont grandi trop vite et qui ne savent pas quoi faire de leur corps -ce qui n'a jamais été mon cas, j'ai été, dès la puberté, parfaitement à l'aise et adapté, position que j'occupe encore aujourd'hui avec succès.

Il avait pris timidement notre commande, nous avait apporté maladroitement les plats, toujours l'air désolé pour quelque chose, sans que ni lui ni nous ne sachions quoi. Ça le rendait touchant.

C'est au dessert qu'il s'est vraiment révélé. Il faisait chaud. J'avais envie de glace. Alors, j'ai commandé un mystère.

Il a sorti son petit calepin (en 1997, tu n'avais pas besoin de te la raconter en ne notant rien), a commencé à gribouiller, et a sorti :

- Ah, on va avoir besoin de Sherlock Holmes (rire à la Sheldon).


Personne ne dit rien. J'ai peur de comprendre. Alors il insiste :

- ... Pour le résoudre (hahin)...


Médusés, ni ma belle-mère, ni mon père ni moi ne réagissons.

- ... Résoudre le mystère (hin-ha).


À chaque fois que quelqu'un sort un jeu de mots moisi, Dieu tue un chaton. Ce jour-là, plusieurs portées ont disparu, dans d'atroces souffrances. C'est curieusement la dernière fois où j'ai commandé autre chose que "le dessert du jour", dans un restaurant.

Ce n'est qu'un au revoir

Pour citer ce grand penseur qu'est Chandler Bing, "ma mère a toujours été un cauchemar freudien". À chaque fois qu'elle me parle, je me sens comme une affiche Aubade : son regard n'arrête pas de glisser de mes yeux à mes pecs (oui, je suis comme ça, je place négligemment que j'ai le muscle pectoral développé), maman regarde-moi dans les yeux, j'ai dit les yeux.Bien sûr, je pourrais me faire des idées, mais je ne suis pas le seul à avoir remarqué la façon qu'elle a de me "bouffer des yeux", ça n'est pas de moi, ce qui prouve bien que j'ai raison, vu que c'est une citation -j'ai appris cette technique de rhétorique au bac.

Il y a aussi toutes ses petites phrases, du "Tu as pris avec la musculation (compliment innocent de maman), hmmm (HMMM, quoi !), j'aime bien je te verrais bien dans un clip de Shakira (phrase over-glauque qui fait passer Jocaste pour un exemple de moralité), au "tiens je t'ai pris ça comme ticheurte, c'est moulant, ils mettent ça à la télé ça met les muscles en valeur".

C'est facile, à chaque fois que je la vois, j'ai l'impression qu'il va me falloir une vingtaine de douches à l'acide pour me laver de tout cet inconscient libidineux qu'elle me déverse dessus -sans forcément s'en rendre compte, laissons-lui le bénéfice du doute.

Et le problème, c'est que je la vois beaucoup, vu qu'on n'habite qu'à quelques kilomètres l'un de l'autre. Il lui arrive souvent, maintenant qu'elle est à la retraite, de faire "de longues balades" au cours desquelles elle traverse la Marne, marche une petite dizaine de kilomètres, pour se promener - le hasard fait parfois bien les choses - pile dans mon quartier.

Glenn Close, sors de ce corps.

Quand je lui ai présenté Lapin, j'ai pensé qu'il servirait de dérivatif, et que la dose de iiiiick qui m'arrive dessus serait moindre. Mais non, ma mère a trouvé le moyen de doubler sa production d'inapproprié, nous appelant "mes deux papas", et se repaissant d'anecdotes sur notre vie de couple : "oooh, c'est de ce côté que dort David ?".

Et une nouvelle douche à l'acide pour se rincer. Un cauchemar freudien, comme je vous le disais.

Et puis récemment, le miracle s'est produit. Elle s'est rendu compte que sa vie sociale ne se limitait qu'à la boulangère et moi-même, et a donc fait le choix de déménager à Marseille, pour devenir voisine de sa nouvelle meilleure amie, rencontrée en vacances.

Joie ! (Parce que ça va lui faire du bien dans sa vie, pas parce qu'égoïstement je le vis comme une délivrance, PAS DU TÛT)

Elle et sa keupine ont acheté chacune un appartement sur plan dans un immeuble qui sera construit d'ici deux ans, un peu comme quand on précommande un blu-ray sur amazon, mais avec des moyens de grosse bourge, t'vois quoi.

Le jour où elle m'a appris cette terrible nouvelle, il a fallu que je jure sur toute une chiée de dieux et de livres sacrés que non, je ne le vis pas comme un abandon, et oui on viendra la voir dans son nouvel appartement, et on la laissera remonter sur Paris de temps en temps, tékaté comme disent les jeunes.

Mais ça n'a pas suffi, et la dernière fois qu'on l'a vue, elle nous a avoué être en pleine dépression.

- Vous comprenez, c'est la première fois que je vais être loin de mon fils !

Échange de regards avec Lapin. Elle a soixante ans, j'en ai trente-deux, la séparation devrait quand même être relativement vivable, d'un côté comme de l'autre. Allez Shoshana, deux baffes et snap out of it !

En fait, je me suis tu, et j'ai laissé à Lapin le soin de répondre :

- Tu sais, ça va aller, tu le laisses en de bonnes mains ton grand garçon...

C'est là qu'on a découvert une nouvelle facette de la personnalité de ma mère. Elle a regardé Lapin, m'a regardé, a souri, et puis :

- Non mais ça je m'en moque hein. Si je suis triste, c'est par rapport à moi, parce qu'il va me manquer à moi.

Non. Mais. Ça. Je. M'en. Moque. Wokay. Égoïste égoïste, de Chanel.

Curieusement, cette démonstration de pur égocentrisme enfantin a été plus touchante et moins glauque que tous ses compliments réunis.

L'amour maternel, un cauchemar freudien.

Le cri primal (4/4)

Durant le coaching, j'ai appliqué pour survivre une ruse très simple : dire qu'on était là pour Lapin, "moi je vois déjà quelqu'un, et j'essaie d'être fidèle". Partant du principe qu'elle ne recevrait rien de nous sans donner en premier lieu, la coach a décidé qu'il fallait qu'elle se livre un peu, si elle comptait écouter nos petits soucis.

Elle a débuté soft, en nous racontant un de ses problèmes avec son mari -il rigole quand elle perd aux jeux de société-, compensé par un petit plaisir : l'excitation sexuelle. Une alarme sonne, quelque part dans ma tête. On ne se connaît que depuis cinq minutes, est-ce que tu ne partagerais pas un chouïa trop ?

Apparemment, non. Elle devait s'attendre à ce qu'on aille dans le plus personnel, elle a donc montré le chemin. Par exemple, un petit truc qui l'agaçait, avant d'ouvrir son coeur à la positive attitude, c'est... l'alcoolisme de son mari.

Wokay, c'est... C'est le monsieur à qui on a dit bonjour tout à l'heure, c'est ça ? Oui c'est lui, c'est mon mari ! S'ensuit un récit plutôt minutieux du nombre de cuites et de bouteilles que le bonhomme peut se prendre. Mais toujours avec des grands sourires, on rigole, on s'amuse, on partage !

Il y avait en fait un but à tout ce bel exhibitionnisme : nous montrer que si le problème de son mari -on a appris plus tard qu'il n'était pas alcoolique mais Irlandais- la dérangeait, c'était avant de découvrir que le bonheur, ça s'apprend, et l'amour fait des miracles (je vais pas te traduire tout The Power of Love, tu vois l'idée). Coachella, par exemple, quand elle a appris à devenir heureuse, son mari a arrêté de boire. Comme ça.

Mais ! Mais c'est génial ça ! Comment peut-on apprendre le bonheur, hurlons-nous, en délire, autour de cette petite table. Eh bien, par exemple, il suffit de se focaliser sur trois kifs par jour, vous allez voir, c'est rigolo, ja ! Et là, en commençant par Coachella, on se fait un tour de table de nos bons moments de la journée. Lapin vient ensuite. Après, c'est à moi.

On se fait tirer dessus les uns après les autres, comme des canards sur une cible, et personne ne peut nous sauver. Lapin vient de passer. Je ne sais pas pourquoi, je repense aux feutres sur la table. C'est mon tour. Je veux disparaître. Tout ce qui me vient à la tête, c'est "on a niqué ce matin".

Un ultime sursaut de dignité, un voile de pudeur, et je parle de la préparation du déjeuner de ce midi, moment de grâce NKMesque s'il en est : "je les ai regardés plonger des pâtes dans l'eau, c'était bien".

J'ai passé la fin des deux heures -dans le sud, entre amis, on se fait pas chier avec des rendez-vous de vingt minutes- à essayer de me calmer, persuadé que je venais d'échapper à une mort certaine.

Barnabé, ma personnalité sceptique, a finalement pris les commandes de mon corps, au moment où Coachella est partie sur internet, pour trouver un thérapeute qui pourrait faire du PNL sur Paris. Le PNL, c'est son Tipi à elle, une sorte de thérapie du sourire par apposition des mains, qui peut ressusciter les morts et soigner les écrouelles. Je te laisse le gougueuler, tu vas voir c'est bien plaisant. Par contre il faut se la jouer Pr. Hammond et dépenser sans compter, parce que 120€ la séance pour qu'on t'appuie sur les phalanges, hashtag arnaque, si on me demande mon avis.

On s'est finalement quittés sans rien colorier, avec juste la promesse qu'on essaierait le PNL une fois rentrés à Paris. Personnellement, j'ai menti. Je n'ai qu'une hâte, c'est retourner à mon prochain rendez-vous avec ma psy habituelle, pour jouer aux Playmobil et faire un petit Tipi.

Les coachs de vie, plus jamais.

Le cri primal (3/4)

La semaine dernière, on était en vacances dans le sud, chez les amis qui nous avaient parlé de la fameuse coach bien être. Ils avaient profité de notre venue pour nous prendre rendez-vous, vu qu'elle habite vers chez eux, c'est quand même plus pratique comme ça, vous en conviendrez. On y est allés à trois : Danaé (l'amie qui nous avait mis sur ce plan foireux, et non ça n'est pas son vrai nom), Lapin, et moi-même. Je nous voyais déjà lâcher des ballons en pleine nature, manger des graines germées ou tester l'aromathérapie. J'y allais sans a priori. On nous avait promis une femme très sympathique, avec qui il n'y a pas besoin de parler si on n'a pas envie, elle est capable de tenir le bâton de parole toute seule.

Les a priori sont arrivés dans la voiture : elle n'est pas que coach de vie, elle est aussi chanteuse / accordéoniste pour mariages. Ah. Ok. Gardons l'esprit ouvert, çane peut pas l'empêcher d'être hyper compétente dans son autre boulot (LOL).

On a découvert une suédoise d'une cinquantaine d'années tout à fait charmante, allez on se fait la bise -on a suivi l'exemple de Danaé, elles travaillent / copinent ensemble (ralala, les femmes, elles floutent toutes les limites), je n'ai pas l'habitude de biser les inconnues, ça va quoi.

Elle nous a amenés à une petite table ronde, sur laquelle "son matériel" était déjà installé.

À ce moment, flashback d'un bouquin dont j'ai oublié le nom (si le titre te revient suite à mon résumé, tu m'intéresses, j'ai eu beau retourner toute ma bibliothèque, je ne sais plus dans quel Oui-Oui je l'avais lu). L'un des personnages était un tortionnaire, dont la technique préférée consistait à disposer devant ses victimes les divers instruments qu'il allait utiliser, y compris une boîte noire, qu'il promettait de n'utiliser qu'en dernier recours.

La boîte était vide, la véritable torture, c'était l'anticipation et l'inconnu. Qu'y a-t-il dans la boîte ? Qu'est-ce qui va m'arriver ?

Là, pas de boîte noire, mais une trousse de feutres de coloriage. "Ah ça ? Je la garde pour plus tard, hihi".

Alors, la séance a commencé.

Le cri primal (2/4)

Ces derniers temps, je me suis trouvé une psy un peu plus sérieuse que la précédente, qui avait pourtant placé la barre assez haut. En plus, la nouvelle, elle est chiatre, donc à moi les remboursements !Son seul défaut, c'est qu'elle aime beaucoup les thérapies expérimentales. La première fois, ça surprend un peu, mais on finit par s'y habituer. Je me souviens, ça m'a pris de court quand elle m'a demandé :

- Je vous ai déjà fait faire tipi ? - Hein ? Non mais j'ai fait avant de venir, et je suis pas sûr d'avoir assez bu pour...

En fait, Tipi c'est un outil psy merveilleux. C'est l'acronyme de : "Technique d'Identification Sensorielle des Peurs Inconscientes", et donc ça devrait s'appeler "Tispi", je ne comprends pas pourquoi ils l'ont changé.

Je résume vite fait le principe : tu laisses vivre pendant trois minutes les émotions négatives à l'intérieur de ton corps, et grâce à la magie des enzymes anti-redéposition, tous ces ressentis négatifs disparaissent à tout jamais. "Je ne sais pas ce qu'on guérit, mais on le guérit", m'a-t-elle expliqué. N'en dites pas plus, vous m'avez eu à "je ne sais pas".

Elle m'a donné la brochure, où ils t'expliquent que Tipi t'aide à dépasser les traumatismes prénataux. Ça va donc très très loin. Mais n'allez pas croire que c'est rien d'autre que du nawak : ça a été testé sur 278 personnes (vous pouvez vérifier le nombre ici), et ça fonctionne à chaque fois.

Oui, je sais : on remplit à peine un avion, et on ne fait même pas de sondages, avec un nombre aussi minime. Je pense que quand un psy fait une nouvelle séance de Tipi, il appelle tous ses potes pour mettre à jour la brochure : "putain, j'en ai eu un autre, on est passés à 279, sa race !". Je suis heureux d'avoir fait partie de ce panel, pendant trois minutes, je me suis cru dans un épisode de Grey's Anatomy.

Par contre, je ne dois pas être dans la cible, ou pas assez influençable, parce que sur moi, Tipi, ça ne fonctionne pas. C'est pas grave, ma chiatre a plus d'un tour dans son sac, elle m'a donc proposé une méthode plus adaptée à ma psyché : on pose des jouets sur une table, et on les relie avec un ruban. J'adôôôre.

Par Osiris et par Apis, je suis un kangourou.

Parallèlement à mes aventures au pays des Playmobil, une amie a proposé à Lapin (ce copieur de dépression) d'aller voir une "coach bien être". Les thérapies, comme pour le sexe, je suis d'accord pour tout essayer au moins une fois, alors quand on m'a proposé de l'accompagner, j'ai dit oui, pourquoi pas.

Mais cette fois au moins, l'abstinence aurait été une solution préférable.

Le cri primal (1/4)

Au bout de ooouh, beaucoup trop d'années de dépression -si j'vous dis combien, ça va me vieillir- et suite au blog-gate, il a fallu se rendre à l'évidence : aller voir un psy, ça pourrait m'être utile. Surtout qu'en ne travaillant pas, l'excuse du "non mais j'ai pas le temps" perd beaucoup de son efficacité. J'avais vu une chologue pendant quelques mois, à côté de chez moi. Elle était rigolote, les cheveux longs et libres, les robes amples, avec des bijoux en bois et des sandales, baba-cool pawah, la meuf, tu sens dès le premier rendez-vous qu'elle va faire beaucoup de tort à sa profession.

Son bureau était rempli de cristaux de roche et d'herbes séchées : au moindre problème, tu sais qu'il y aura sa tisane appropriée. Je me sentais en sécurité chez elle. Aucun mauvais juju ne pouvait me suivre, il aurait été immédiatement arrêté par un attrape-rêve quelconque planqué dans un coin sombre. Son principal outil était la relaxation. Il a fallu, pour y parvenir, que je me trouve un happy place à lui décrire, pour y envoyer ma projection astrale quand ça n'allait pas.

J'ai passé toute une séance à trouver un lieu. Mon cerveau avait eu l'idée de pourrir ma créativité en me rotant nos vieux cours de psycho à la gueule : fais attention à ne pas paraître trop pervers !

Ok cerveau, merci. Alors rien de trop phallique : pas de donjon, de wagon, de fusée ou d'enclos à chevaux; ni trop vaginal : pas de forêt humide, de cascade, de grotte, ou de tunnel, tous ces lieux pourtant apaisants à souhait. Cherche cherche cherche bite bite bite chatte cherche cherche, j'étais en mode Tourette slash panique totale. Comme la Reine des Neiges n'était pas encore kool, je n'ai pas osé choisir de montagne : on se connaît à peine, je ne voudrais pas paraître trop garce frigide...

Ma chologue était quelqu'un de très carré. Après avoir choisi mon lieu, pour être sûr de ne pas envoyer mon âme dans le happy place du voisin (tu imagines le bordel, hein ?), il a fallu lui donner un nom. Alors, rien de trop phallique...

C'est comme ça que chaque semaine, de sa voix mélodieuse comme une elfe, j'avais droit à :

- Alors, fermez les yeux, respirez, et projetez-vous dans votre voix de robot Prairie-de-David.

Ça n'a duré qu'un temps. Un jour, j'en ai eu ma claque d'essayer de baser mes humeurs sur les phase de ma soeur Lune, et de lui filer soixante euros à chaque fois pour "fermer les yeux et respirer". J'ai fini par attendre qu'elle soit en vacances, pris mon courage à deux mains, et j'ai dit à son répondeur que je ne pourrais pas venir à notre prochain rendez-vous.

22 v'là Julie !

On savait tous que Véronique Genest, LA madame Lescaut, monument français au même titre que Régine, la baguette ou les fromages déments, n'était pas vraiment actrice.Un jour, elle s'est retrouvée ménopausée, et a gonflé de plein de kilos. Grâce à la coprophagie ou je ne sais quel régime miracle, elle a retrouvé sa silhouette sylphide, qui faisait, depuis toutes ces années, rêver la ménagère et bander le ménager.

C'est à ce moment que Véro s'est rendu compte que peut-être, elle n'était pas faite pour jouer la comédie -elle aurait pu se renseigner, on lui aurait dit nous-même, ce gain de temps je te raconte pas. Toute pleine de son expérience ménopausique, et des belles histoires que cela implique, elle s'est alors lancée, à corps perdu (d'avance), dans la littérature.

Raconter sa perte de poids, un exercice stylistique difficile, auquel s'est pliée ma'ame Madrange avec grâce et aisance. L'essai transformé, le succès au rendez-vous, la femme de lettres s'était révélée à elle-même, sinon au monde.

Dealer littéraire, il ne lui restait plus qu'à ferrer le poisson, une bonne fois pour toutes. Et pour prouver ton talent, quand tu n'as rien à dire (son compte Twitter nous le confirme tous les jours), qu'est-ce que tu fais ? Tu écris ton autobiographie, en la centrant sur LE rôle de ta vie : maman Julie Lescaut.

Je ne suis pas du genre à critiquer sans connaître. Véronique Genest, c'est comme les endives : tu peux pas dire que tu n'aimes pas sans avoir essayé. C'est ce qu'a dû se dire son éditeur, Michel Lafon, en nous en offrant une présentation, accompagnée d'un extrait gratuit ici-même.

Tout y est fabuleux. Dès la page d'accueil, Véronique nous promet une histoire quand même moins chiante que Les Confessions :

"Je vous emmène avec moi sur cette folle journée de tournage qui a duré 22 ans. Attachez vos ceintures, ça risque de bouger. Allez, en voiture Simone !" Allez. En. Voiture. Simone.

Tu sens qu'il v a y avoir du niveau.

Ouvrant sur une citation de Flaubert, elle nous promet un grand moment littéraire.

Dans l'extrait proposé, Véronique lève pudiquement un bout de rideau sur ses jeunes années : son enfance hyperactive, durant laquelle ses professeurs souhaitaient lui prescrire des vermifuges (à cette époque, on pensait certainement que les enfants étaient intenables à cause d'un parasite intestinal).

On arrive très vite à son besoin viscéral de jouer la comédie. La petite Véronique sait qu'elle doit être sur les planches. Elle est prête à accepter les tâches les plus ingrates : "ne vous gênez pas, je suis multipass !". Notons la dyslexie référence pop-culture au Cinquième Élément.

Le meilleur passage est celui avec lequel le livre est arrivé sur mon radar : "Nous déjeunons de Vache qui rit et de vache enragée en compagnie de la Walkyrie."

Le zeugma. La rime. L'image. Une force stylistique digne de Victor Hugo.

Mais je ne veux pas vous gâcher tout le livre, ça serait cruel.

Pour les plus courageux l'extrait est assez long, mais meilleur qu'un article sur "ta rupture réussie" dans Teen Mag.

Et le 25 mai, c'est la fête des mères, alors, si vous ne saviez pas quoi offrir à votre chère maman, en attendant le livre de Damidot...

Le cas Liptus

J'aimerais pouvoir dire qu'au bout de toutes ces années, Lapin m'a donné de beaux enfants. Mais ça ne marche pas comme ça. Pour compenser, il m'a été livré avec un beau-frère, qui lui, a eu l'idée de me donner de beaux neveux. Enfin non. Il m'a donné UN beau neveu, les deux autres, c'est des nièces, et elles n'ont AUCUN intérêt : je n'aime pas faire des tresses ni regarder tourner les robes, t'as cru quoi, que j'étais une copine ? Enfin, oui, mais non quoi. Casse-toi et envoie-moi ton frère.

En fait, avoir un neveu c'est l'idéal, les avantages sans les inconvénients. Les enfants, c'est comme les piscines : c'est seulement agréable chez les autres.

Nounours* a cinq ans. Il est né le plus beau bébé du monde, et est devenu le plus beau petit garçon du monde, même quand il est pas sage et mal élevé, c'est pas grave, mon amûr est inconditionnel, comme celui de Katy Perry. J'en suis tellement gaga (comme Lady, woputaing, on m'arrête plus !) qu'à force de faire ma tête du chat de Shrek à ses parents, j'ai fini par être nommé parrain devant Dieu. Ouaip. Le guide spirituel de Nounours, c'est moi. Ces gens n'ont peur de rien.

Du coup, je peux m'approprier cet enfant sans vergogne, et pourrir les timelines Facebook de tout le monde, avec des instagrams moisis de mon filleul slash neveu qui mange un yaourt, a un pyjama pompier, fait un puzzle ou regarde la télé.

Au plus grand plaisir de Lapin, qui adôôôre les enfants et les responsabilités qui vont avec, il nous arrive de garder Nounours pendant les vacances. Quand il était petit, c'était facile : on le faisait dormir dans son lit, dans l'entrée, en faisant croire à ses parents qu'on avait déplié le clic-clac juste pour lui. Ça nous permettait de continuer à profiter des deux pièces de l'appartement une fois le petit couché - c'est à dire vingt heures par jour. HA HA HA !

Mais un jour, Nounours a appris à parler : on a donc été obligés de l'installer dans un vrai lit, fait chier, merde, mais la peur de la délation, ça fait pousser des ailes et des principes.

Le difficile rôle de tonton, qui te prive de toute dignité.

La dernière fois qu'on l'a eu, c'était cet hiver. Une semaine de pur bonheur, à ne pouvoir le faire sortir que quelques heures par jour, parce qu'il faisait un temps de merde. Et cerise sur le gâteau, Nounours était malade : il toussait. Sa mère nous l'a donc déposé avec sa boîte de suppositoires.

Je ne suis pas médecin, j'imagine qu'il y a une vraie logique physiologique là-dedans, mais j'ai du mal à voir le lien entre l'anus et les bronches. Enfin, passons.

Avec Nounours, on est intimes : je lui ai changé ses couches qui puaient, il m'a uriné dans la main, je lui ai fait des centaines de milliers de "bisou qui guérit tout" (j'ai vérifié, Bernard Pivot dit que c'est invariable). Mais pendant cette semaine, on a poussé notre relation un poil plus loin : tous les soirs, j'étais le préposé officiel au suppo. Il fallait le voir, allongé sur le dos, les genoux derrière les oreilles, me disant en riant qu'il ne voulait pas de son suppositoire.

On l'a filmé, on le diffusera le soir de son mariage, ça nous promet de bons moments.

Je passais à peu près dix minutes par soir à essayer de lui enfoncer une petite bille de glycérine parfumée à l'eucalyptus dans le rectum. Le suppo me fondait dans la main, pas dans la bouche, chaque seconde qui passait rendait la mission de plus en plus impossible. Mais non, je te fais pas mal !

Avec Lapin, on s'est tacitement partagé les rôles : il est le méchant flic, et moi, je me suis sacrifié, je suis le gentil. À moi les câlins et les bisous, et la responsabilité de filer des bonbons en loucedé pour saper l'autorité de tonton. C'est un rôle ingrat, mais je l'accepte sans broncher. Et tous les matins, en bon Tonton, j'étais élu parmi une foule de candidats pour... lui essuyer les fesses après son caca ! Woohoo !

La plus grande partie de ce rôle consistait à attendre, derrière la porte, qu'il m'appelle. Ça voulait dire qu'il avait fini, et que pouvait débuter le rituel du torchage.

Tu ne connais pas ? Je t'explique. Il fallait se mettre face à lui. Il m'agrippait les jambes et se jetait en avant, pour se caler la tête entre mes genoux. J'avais donc, en même temps que le champ libre pour l'essuyer, une vue plongeante sur la cuvette.

Le pire, c'était l'odeur. L'eucalyptus. Entêtant, réchauffé, pas digéré, mais mélangé au caca. L'eucalyptus. Que tu es tenté de respirer parce que ça débouche le nez, mais en fait là il vaut mieux pas. L'eucalyptus, toujours.

J'avais complètement oublié cette histoire, jusqu'à la semaine dernière.

Comme c'était Pâques, on a acheté plein de chocolats, pour qu'au final des cloches s'approprient la paternité du cadeau. On est allés chez Hema, vu qu'à cet âge-là, la quantité prime sur la qualité, on n'allait pas planquer deux kilos de Pierre Hermé dans le jardin, quoi.

Arrivés à la caisse, ils avaient des paquets de pastilles à la menthe. On est bon public, on en a pris un. En sortant de la boutique, j'en ai avalé une, pour être sûr de mon haleine, après mon sandouiche aux poireaux et à l'ail.

Et là, horreur : il n'y a pas que de la menthe. Il y a aussi -et surtout- de l'eucalyptus dans les pastilles Hema. Si ça s'était passé quelques mois plus tôt, j'aurais trouvé ça mignon : "oooh, c'est comme si je suis un koala, regarde, je mange de l'eucalyptus, niom, niom hihihi".

Là non. Après cette semaine d'essuie-cul, à chaque fois que je prends une pastille (j'oublie au fur et à mesure), j'ai l'impression que mon filleul me chie dans la bouche.

* Les prénoms ont été modifiés

Sept ans de réflexion (5/5)

En bon pénitent, j’ai attendu sans rien dire que la mayonnaise retombe. Une semaine. Un mois. Un autre mois.Arrivé au trimestre, il a bien fallu se rendre à l’évidence : les choses risquaient de mettre un peu plus longtemps que prévu à se calmer.

Deux solutions s’offrent alors à moi : d'abord, faire mon attention whore et tous les flinguer. Un truc grandiose, comme on les voit à la télé, où je finirais par me jeter à la Seine, sur une musique dramatique. Ou plan B, plus simple et efficace, je quitte l’entreprise.

J’avais regardé vite fait des modèles de lettres, pour être sûr d’employer les bons termes, et pas juste leur balancer un truc du genre « je me casse, bande de putes ». Je l’avais en tête, mais j’attendais, que les choses se calment, ou que tu me reviennes à nouveau. Allez, si demain ça va pas mieux, j’arrête, c’est promis. Mais fais-moi mal encore un peu s’il te plaît…

Et puis un samedi de juillet, en plein boom, je me suis rendu compte que ça ne s’arrangerait jamais. Ça fait plus de trois mois, et rien n’a bougé : ceux qui me détestent n'ont aucune raison de s'arrêter, il n’y aura pas de plus gros scandale pour faire contre-feu. Alors je suis allé m’enfermer dans un bureau, et en trois minutes, j’avais tapé et imprimé ma lettre de démission.

Le cœur battant comme une pucelle, je suis allé la montrer, tout fier, à un de mes potos, pour bien inscrire ce moment dans la réalité. Regarde, j'en peux plus je me barre ! Il m’a conseillé d’aller en discuter avant avec la remplaçante de Girafa, en vacances à ce moment-là. Je l’ai croisée dans le couloir, ladite Suppléante. Je lui ai souri. Et je suis allé donner ma lettre au secrétariat, aussi délicatement qu’on dépose sa crotte au fond des toilettes.

Une demi-heure après, tout le service avait été mis au courant par une nouvelle source anonyme, qui ne travaillait même pas ce jour-là. Me, me, me against them, me against enemies, me against friends, comme le dirait madame Minaj. Elle dit de belles choses, madame Minaj.

Une fois retombée l'euphorie de la capitulation, ce sentiment de liberté post-rupture, allez, fais pas l'innocent tu le connais, je me suis rendu compte que les choses n’étaient pas aussi roses que je l’avais imaginé. Bizarrement, aucun membre du camp adverse n’est venu me voir en me disant que c’était dommage, que j’allais leur manquer, et qu’ils étaient désolés si les derniers mois avaient été un peu difficiles, allez, reste, je suis arrivé juste avant que tu ne prennes ton avion, et je te le demande sous la pluie.

On a plutôt sorti le champagne, en parcourant les noms sur les plannings, pour savoir qui allait prendre ma place : « une langue de pute s’en va, laquelle va la remplacer ? ».

Mon préavis était de trois mois. Père courage, je m’étais dit « pa ni pwoblem, je les ferai les doigts dans le nez » (mais sans dignité, les deux me semblant difficilement compatibles).

L’ambiance s’est dégradée encore plus -si si, c’est possible !- autour de moi, quand la nouvelle de ma chute a été officialisée, c'est à dire dès le lundi matin. J’ai demandé à la remplaçante de Girafa, à mon chef de service, aux ressources humaines, à Vishnou, s’il était possible de ne pas faire mon préavis.

Comme je suis quelqu’un d’irremplaçable, on me l’a refusé.

- Attends David tu comprends, c’est les vacances, le temps de former ton remplaçant… - Écoute, je suis très flatté, mais je fais des croix sur un planning pour dire aux gens quand manger, je donne des « facturettes de crédit » et je me fais crier dessus par les clients. Tu me laisses 10 minutes, et je pense pouvoir former quelqu’un ? - Non non, there there, courage, ça va vite passer.

J’ai coulé aussi vite que le Titanic : deux jours après ce dernier entretien, j’étais chez le médecin, qui m’arrêtait jusqu’à la date effective de ma démission.

Au mois de septembre, ça aurait fait 7 ans que je travaillais là-bas, à me construire, petit à petit, un univers, un métier rigolo, une vie sociale, des collègues qui m’appréciaient (introduire ici un montage de mes plus grands moments, au ralenti, des grands éclats de rire, et aussi, aussi, on me verrait travailler d'arrache-pied, oui, voilà, tu as compris l’idée). Je suis parti comme un voleur, par la petite porte, avec le grand PFFFFT d’un pétard mouillé.

Les derniers rapports que j’aie eus avec ma hiérarchie, ça a été cet échange de mails avec La Suppléante, où je l’informais de mon arrêt de travail. Ma work-femme m’avait dit qu’elle était assez fâchée que je chamboule les plannings comme ça, alors je me suis justifié, une dernière fois : je ne peux plus venir, la situation était devenue trop insupportable, je suis sincèrement désolé.

Je n’ai pas gardé son dernier courrier, je ne suis pas si fétichiste, mais en gros, elle m’expliquait qu’elle ignorait qu’il y « ait eu de telles tensions autour de moi » -le chef de file des anti n’était après tout qu’une de ses proches amies-, que je devais m'estimer « chanceux d’avoir gardé des amis dans le service, mes écrits étant très blessants ». Oui voilà, chanceux, c'est exactement comme ça que je le vis, merci d'avoir mis des mots sur mon ressenti.

Je me souviens surtout de sa dernière phrase, gardons le meilleur pour la fin : « Que cette mésaventure te serve de leçon, bonne continuation ».

Je. Euh. Whatever.

Trois mois d'enfer, à me sentir sale, violé, mis à nu, humilié, honteux.

Et j'étais enfin libre.

Un chef, c'est fait pour cheffer (4/5)

Il l’a encore fait ! Il a encore rallongé son histoire ! Le salauuuud ! M’allez, promis, c’est la dernière fois.Vous êtes tellement mignons quand vous êtes crédules.

Et ma responsable, dans tout ça ? Celle par qui le scandale est arrivé, que faisait-elle, dans les scènes où on ne la voyait pas ?

Quand j'ai repris le boulot, une semaine complète s’est écoulée sans que je ne lui parle. Elle avait reçu chacun de mes messages sans jamais répondre : j’estimais que ce n’était plus à moi d’aller vers elle -et fort courageusement, ça me permettait de garder la tête un peu plus longtemps dans le sable.

Et puis un jour, je reçois un SMS pendant que j’étais à la cantine : « Après manger il faut que tu ailles voir Girafa… Bon courage, bisous ».

Quand je suis arrivé devant son bureau, j’avais assez transpiré pour faire vivre une famille d’orques dans mon t-shirt. Je n’avais pas eu le temps de repasser par le vestiaire pour prendre un comprimé de courage, alors j’avais très très hâte de vivre pleinement ce grand moment.

Elle a un peu fait durer le plaisir. On a d'abord parlé boulot, elle m’a remis les documents relatifs à mon entretien annuel, qu’on fera la semaine prochaine, d’accord, ça te laisse le temps de le préparer.

Je n’y croyais pas. On n’allait pas parler du tout du troupeau d’éléphants dans la pièce ? Non mais, allô quoi. Et finalement, si. Une fois débarrassés des banalités d’usage, on a attaqué le vif du sujet, toujours avec ce sourire bienveillant tellement adapté à la situation :

- Alors, ce retour, pas trop difficile ?

La boule que j’avais dans le ventre m’est montée à la gorge. Mon retour. Les insultes. La gueule. L’humiliation. La honte. Les mains qui grattent partout, pour essayer de voir à quel point David est un connard.

- Si.

Je n’ai plus rien à perdre, du coup je peux être honnête, ça fait belle lurette qu’on s’est mouché dans mon honneur. De toute façon, elle n’a pas vraiment écouté : c’était plus une entrée en matière qu’une vraie inquiétude quant à mon bien-être, 'spèce de mauvaise maîtresse de maison, va.

Elle m'a d'abord confirmé que le système de mails de l'entreprise fonctionnait bien, mais qu'elle n'avait "pas pris la peine de me répondre". Je suis content qu'on ait clarifié ce point, tu vois, je me demandais si c'était pas la Poste qui avait mal distribué mon courrier parce que j'avais mis une virgule après le numéro de la rue.

Elle m’a ensuite expliqué à quel point j’étais méssant, j’avais causé du tort à plein de monde, c'est même pas question d'être désolé de l'avoir blessée elle, non mais vraiment comment tu as pu ne pas te rendre compte que tu allais tellement trop loin que la seule façon que j’avais de te stopper, c’était de te tirer une balle dans le dos ?

Et à la fin de l'entrevue, toujours, toujours le petit sourire de rigueur.

Je suis désolé, je ne comprends absolument pas ce que vient faire Cersei dans ce post.

Je pensais que cette tape sur les doigts était ma seule punition, mais je ne connaissais pas encore l’ampleur du lynchage que me préparaient mes collègues. A priori, ma boss non plus ne s'y attendait pas : elle avait dit à ma work'wife qu'elle était "surprise, je ne pensais pas lancer un tel buzz lol".

Mon entretien annuel a été un grand moment lui aussi : dans le bureau le plus mal isolé du monde, adjacent à un des couloirs les plus passants du magasin. On a d'abord salué mes qualités de travail. Et puis on m’a fait LE reproche ultime : « le problème, et je te l’ai déjà dit, c’est qu’on ne sait jamais ce que tu penses quand on te parle ». O…kay, bienvenue dans le monde du travail, non ?

Elle m’a présenté comme une faveur de ne pas mentionner le blog dans son écrit, tout en me reprochant des faits remontant à deux, voire trois ans, dont elle n’avait été témoin qu’en les lisant ici-même. L'entretien de travail qui se transforme petit à petit en procès de moralité. Mais je m'y attendais, tout ce qu'elle dit est vrai, fouette-moi avec des orties, je vais réciter 20 Notre-Père, et qu'on en finisse.

Et puis, après la signature, on a fait comme s’il ne s’était jamais rien passé. Gargamel et les p’tits schtroumpfs, on oublie tout de l’épisode précédent.

Mais les collègues, grâce à leur régime plus riche en poisson, avaient meilleure mémoire, et ils continuaient à me jeter des cailloux choux genoux.

Chaque jour, je savais que la meilleure façon d’arranger ma situation était d’aller prendre ma boss entre quat’z’yeux, et de lui dire, façon John Wayne :

- Écoute, c’est toi qui a lancé cette fatwa, en mélangeant le personnel et le professionnel. Maintenant, assume tes fonctions de manager, et gère tes équipes, que je n’aie plus à subir ça.

Mais la culpabilité, la honte, et ce sentiment que je l'avais bien mérité, tu penses bien que je n'en ai rien fait.

La Guerre des Boutons (3/5)

Dès mon arrivée, on m’a mis dans l’ambiance.Le bureau était plein quand je suis entré. Je n’avais pas commencé à enlever mon blouson que tout le monde en avait disparu.

Qu’importe. Je suis défoncé aux médocs, et je suis là pour bosser, alors je m’y mets.

Je commence à peine à m’installer qu’arrive la némésis d’une ancienne amie (l’ennemie de mon amie ne peut pas être trompée mille fois, ou je sais plus, enfin tu vois l’idée, on s’aime pas, quoi).

Elle ne me dit pas bonjour et m’enchaîne directement : je me fais traiter de sociopathe, de dérangé, de monstre dégueulasse : elle a lu que le jour de mon entrée à Happy Time -il y a donc 6 ans de cela- je l’avais décrite « dans des termes peu flatteurs » (ce ne sont pas ses mots, mais je jette un voile pudique sur ce paragraphe, au cas où des jeunes oreilles nous liraient).

Je me souviens vaguement de ce que j’avais écrit. Un barrage cède, quelque part dans ma tête : ce qu’elle a lu est vrai. Je suis un salaud. Je mérite de mourir dévoré par des truites. C’est ainsi que j’ai débuté mon long chemin sur les jolies routes de l’auto-fellation flagellation (c’est la dernière fois que je laisse Rachida Dati taper mon texte).

Dans un même temps, je me rends vaguement compte qu’elle n’était pas à la réunion, et que le nombre de personnes qui se sont introduites chez moi est donc à revoir à la hausse.

Je n’ai pas eu d’autre confrontation de ce genre. La plupart des membres de l’équipe m’ignoraient, et me faisaient ouvertement la gueule. Je leur passais les informations nécessaires au boulot par téléphone, et ils me raccrochaient au pif. Bref, une atmosphère de travail plutôt détendue du slip.

Deux camps s'étaient créés pendant mon absence : ceux qui avaient tout lu et s’en foutaient, contre ceux qui n’avaient pas lu, se nourrissant de propos rapportés et buvant comme du lait caillé les paroles de Girafa lors de la fameuse réunion. Pour ce camp, je suis l'homme à abattre. Ce que j’ai écrit est trop horrible pour qu’ils osent y jeter un œil, et de toute façon, ils n’ont pas besoin de se faire leur propre opinion : la hiérarchie est là pour leur dire quoi penser.

Je n'ai jamais été témoin d'affrontements directs. On me laissait au maximum dans mon coin, honteux intouchable, où j'essayais de me faire le plus petit possible, en attendant que l'orage se calme.

J’aurais pu, à ce moment de l’histoire, remettre le blog en ligne, pour laisser chacun se faire son idée. Foutu pour foutu…

J’ai fait l’erreur de le laisser inaccessible.

Trop de personnes sont déjà venues, je ne sais pas qui a lu quoi. Tout ce que je sais, c’est que mon intimité a été violée, qu’on en a barbouillé les murs de caca, et que maintenant on me reproche l’odeur.

L’onde de choc était allée beaucoup plus loin que prévu, et bientôt, j’ai vu débarquer tout le service pour me demander : « Au fait, on m’a dit que… C’est vrai ou pas ? ».

Moi qui adore me justifier et parler de moi, en plus dans ces circonstances, j’étais servi. Au moins, ça m'a permis de rétablir un semblant de vérité : non, je n'ai jamais traité les portugaises du service de "sales dessaleuses de morue, avec des bras poilus comme des ours", mais merci de m'avoir posé la question. Oh, de rien David, maintenant au moins, tu sais pourquoi elles t'en veulent.

Je le sais, mais je ne vais pas les voir pour m'expliquer. Je ne sais pas qui leur a raconté ça, mais je suis trop humilié pour aller provoquer une attaque en face à face.

La guerre entre les deux camps faisait rage. On m’a souvent rapporté des incidents du type :

- T’as vu David, quel vilain quand même… - Ah bon ? Mais tu l’as lu toi son blog ? Non ? Alors ta gueule.

Le simple fait de déjeuner avec moi était devenu un acte politique.

Certains de mes alliés, s’amusant de la situation, me racontaient les derniers ragots du camp adverse, passé en mode cour de récré : « ha ha, Machine trouve que je suis bien conne de te parler ». Et puis un jour, on a changé de cour : adieu la récré, bonjour la justice. « Tu te rends compte, Bidule (qui n'a jamais été mentionnée dans ce blog), elle se serait quand même vue porter plainte contre toi ! ».

Je sais qu’on me racontait ça sans penser à mal. Mais les pavés, les bonnes intentions, et à chaque fois qu'on m'en jetait un, je m’effondrais un peu plus.

Elle est à toi cette chanson (2/5)

Ouais t'as vu à la base le post il devait être en 3 parties, et finalement je le découpe en 4, on dirait Christine Boutin qui numérote ses tweets, non mais comment je suis trop un déglingos dans ma tête, trop fou le mec ! Ma femme avait été la première à réussir la difficile épreuve du googueulage du blog, suite à la réunion, et avait été horrifiée en réalisant que l’infâme dépeceur de chatons dont on avait parlé... c’était moi ! Ciel, mon mari ! On était proches : une de mes meilleures (et rares) amies, et pourtant je ne lui avais rien dit – ceci dit, à ma décharge : sanctum sanctorum, tout ça tout ça, au risque de me répéter, pardon, merci.

Pour mieux lui enfoncer le clou de ma trahison, elle avait découvert, suite à une mise en scène digne des plus grandes tragédies grecques, qu’elle était non seulement citée dans un blog décrit comme Mein Kampf 2.0, mais qu'en plus elle y était affublée d’un surnom ridicule.

Une fois calmée, elle a finalement osé lire l’objet du délit, pour se rendre compte que le tableau avait peut-être été légèrement noirci pendant l’acte I. Lorsqu’elle a demandé à ce qu’on se voie, pour discuter de tout ça et nettoyer nos auras respectives, j’avais l’impression de quitter le goulag pour aller à l’abattoir.

Tu penses « walk of shame », tu te rases la moitié de la tête (mais de travers), tu te vomis un peu dans la bouche en te le laissant couler le long de menton, et tu auras un début d’idée de l’état dans lequel j’y suis allé.

Et puis en fait non. Ma femme, c'est quand même la meilleure, elle a réussi à être plus grande que ça -en même temps, je n'aurais pas voulu d'une épouse de boulot qui soit bête comme mes pieds, eh ! On a bu un verre, on a parlé, on a ri, on a pleuré, Ziggy il s’appelle Ziggy, et l’incident était clos.

Mon monde ayant implosé pendant mes vacances, j’avais donc embrayé direct sur deux semaines d’arrêt de travail. J’avais envoyé des mails d'excuses à ma boss -naturellement restés sans réponse- et je n’osais parler à personne dans mon cercle boulot : si j’entamais la conversation, si je donnais signe de vie, sur facebook, via SMS ou par signaux de fumée, je savais qu’on allait directement me trancher la gorge.

Avril, qui sait tellement bien capturer le prisme de mes émotions en ces instants difficiles, qu'on lui pardonnera d'être aussi gender-contraignante. Tu sais, les hommes aussi ça pleure.

Si tu calcules bien, au moment où je retrouve ma femme, ça fait une dizaine de jours qu’on m’a sauvagement outé, et je n’ai aucune nouvelles de comment se passent les choses à Happy Time.

Ma femme a le mojo : avec l’aide de Lapin, elle se transforme en Daviwhisperer, réussit à me calmer, et à force de petites pilules jaunes et de position fœtale, je relativise : les choses ont dû retomber, ça fait deux semaines, seuls les collègues présents à la réunion sont au courant du scandale, ce qui veut dire qu’il n’y a qu’une petite douzaine de personnes qui m’ont vu à poil, je suis presque puceau. Je ne sais pas pourquoi, mais cette idée est censée être rassurante.

De toute façon, je n’ai rien d’autre. Tout ce que je peux faire c’est anticiper, ruminer, faire tourner le cyclone en rond dans ma tête, fumer cachet sur cachet et avaler une clope avec un grand verre d’eau toutes les deux heures.

Alors, je me suis dit que j’étais fort. Je me suis dit que j’en étais capable. Je me suis dit que j’étais Batman, que j’étais Buffy, what would Jesus do (à part mourir sur la croix, ce qui reste à mon avis une amélioration très discutable) ? Je me suis dit que ça ne pouvait pas être pire que ce que j'imaginais.

J'ai pris mon courage à deux mains, envoyé un mail à l'équipe et à ma boss pour leur dire, grossièrement résumé :

"On vous a parlé de mon blog. On vous l'a présenté comme un écrit sur le travail, c'est faux. C'était sur internet, soit, mais il s'agissait néanmoins de quelque chose de personnel. Le blog et l'incident sont clos. Je reviens la semaine prochaine si vous voulez en discuter de vive voix".

Et puis, la semaine prochaine est arrivée, et je suis retourné travailler.

Melancholia (1/5)

Au commencement était mon blog. It wasn't much, mais it was home. Je pouvais y écrire ce que je voulais : que mes parents ils étaient nazes, que j'aimais pas les choux de Bruxelles, que j'avais regardé l'intégrale de Buffy en même pas 24 heures (oui, je suis À CE POINT fort)... Je venais d'emménager dans ma chambre d'ado, et je pouvais en faire ce que je voulais. Passant, souviens-toi : sur ce site-même, je m’étais construit mon sanctum sanctorum.

Anonyme, j'étais protégé et heureux dans ma dualité. David qui pleure et Procellus qui rit. Derrière mon loup, j'embrasse qui me plaît -me plaît, devinez, devinez, devinez qui je suis ? Le morcellement du moi pour survivre, les horcruxes, toussa toussa : Voldemort tu n'as rien inventé.

Bien sûr, il m'arrivait d'y parler de mon boulot : je disais que ma hiérarchie c'était cro cro des cons, et que mes collègues ils arrivaient toujours en retard, bouh pas bien ! J'avais crée mon univers parallèle, tout le monde y avait son alter ego, et le lecteur et moi, on s'amusait bien, tu vois.

Ça a duré six ans (avec des pauses et des come-back, et encore des pauses, comme Futurama, j'en finissais pas d'arrêter), mais un jour, je me suis lassé, et j'ai quitté ma chambre d'ado pour vivre ma vie comme un grand.

Avril Lavigne, sobre image de la classe et de la réussite, telles que je les vivais à ma grande époque.

Et puis un jour pas si lointain (il y a un an, pour être exact), il y a eu l'apocalypse des Mayas, eh, tu te souviens ? Mise au courant par une courageuse source anonyme, ma hiérarchie a découvert l’existence crapuleuse de ce blog, laissé en friche depuis de longs mois. Elle ne m’en a rien dit, parce que j’imagine qu’entre un employé et son responsable, la communication, c’est finalement très secondaire.

Elle a préféré attendre que je parte en vacances pour faire une réunion dont le thème principal était : « il y a un salaud dans l’équipe, mais je ne vous dirai pas qui ». Avec des trémolos dans la voix, elle a lu des passages de ce blog en le présentant comme "un écrit dégueulasse sur le boulot et sur vous tous, c’est du tir aux pigeons, tout le monde en prend pour son grade".

Ah, le pouvoir de manipulation de la prod... Si tu veux éliminer David, envoie 1 au 131212.

J’étais au courant que la réunion allait avoir lieu. Elle m'en avait parlé au détour d'un couloir, comme « rien de très important, une occasion de faire des mises au point ». La seule puce qu’elle ait pensé à mettre à mon oreille, ça a été : « non, tu ne seras pas là, mais rassure-toi, il n’y aura pas d’annonce de karaoké lol ». J’étais à mille lieues de me douter que mon sanctum sanctorum avait été découvert -et pour cause, on ne m'avait rien dit, je me croyais à l'abri-, donc, comme dirait l’ami Jacques, sa réflexion m’en a touché une sans faire bouger l’autre.

Bien sûr, comme elle n’était pas favorable à un lynchage en règle, Girafa a lancé sa bombe en réunion, tranquille Émile, en laissant à chacun le soin de faire sa propre recherche gougueule et de remonter jusqu’à moi, se déchargeant ainsi de toute responsabilité –ce qui est normal, pour une responsable.

Je n’ai eu qu’un seul retour de cette réunion. Un SMS de M., mon épouse du boulot : «rohlalala la réunion, un dossier, je te raconte même pas ! ».

À ce moment là, j’ai eu un l’ombre d’un micro-doute: « et si…? ». Et puis, comme le vol MH370, je n’ai plus eu de nouvelles de personne, ni de réponses à mes messages. Poupouf, j’ai commencé à sentir le roussi.

Fort heureusement, pendant ces vacances, une collègue –et néanmoins amie, keur keur- devait venir passer quelques jours à la maison. Usant de mes meilleures stratégies de manipulation, je l’ai amenée sur le sujet du « et sinon, tu es au courant du scandale au boulot, il me semble avoir entendu dire que… ».

Je me souviens de tout. Où j’étais. Les couleurs de la pièce. Comment elle était assise et la position de ses mains, la façon dont l'ô temps a suspendu son vol, avant de s'écraser contre la fenêtre :

- C’est à propos d’un blog que tu alimentais jusqu’à très récemment…

Sur le coup, c’est un peu l’explosion d’Hiroshima, la balle perdue de Tara, le mont St. Helens, la destruction d’Alderaan, les noces pourpres, tout ça en même temps.

Samedi 6 avril 2013 : la sphère boulot vient d’anéantir de façon totale et définitive la plus privée de mes sphères privées.

Elle était maquilléee...

La journée s'annonçait pourtant prometteuse : ma boss nous avait organisé une petite réunion de derrière les fagots, et on sait tous qu'une réunion, surtout après déjeuner, c'est le moment idéal pour glander et digérer en paix, et essayer de se surpasser à Angry Birds. J'avais lu le mail, dans lequel elle nous expliquait qu'on allait faire le bilan sur toutes ces missions de merde qu'elle a donné à chacun de nous : toi tu feras un joli tableau excel, toi tu feras des captures de l'écran des caisses, et toi, David, tu papillonneras sur toutes les missions, parce que j'avais la flemme de t'en assigner une précise.

Elle a donc commencé par nous parler de la conjecture actuelle blah blah blah, que de tous les magasins du groupe, on est le deuxième à perdre le moins de sous, alors ça veut dire qu'on est carrément les plus forts.

Et puis vos missions franchement c'est cro cro bien comment vous avez travailé, ralala vous êtes les meilleurs, à chaque fois que je relis ce que vous avez fait ça me fait des petits guilis au ventre et je commence à me toucher.

C'est à ce moment-là, cet instant précis (voire un chouille plus tôt), que la réunion aurait dû s'achever, ou que la fin du monde selon les Mayas aurait dû arriver. Parce que sa phrase suivante, ce fut :

- Et d'ailleurs, pour vous féliciter, j'ai décidé d'organiser une soirée karaoké !

Naturellement, mon premier réflexe a été de pouffer : ha ha, Girafa, oh toi alors, toujours le mot pour rire !

Mais devant la réaction des autres, cet espèce de sursaut étranglé, on ne réagit pas, c'est notre boss, qu'est-ce qu'on dit, oui ?, non?, on pourrait pas mourir par hasard, j'ai compris que c'était vrai.

Tout ça s'est passé très vite, trois secondes, peut-être quatre, juste assez longtemps pour ressentir le malaise dans la salle, mais assez rapide pour que tout le monde se ressaisisse, oh Girafa, mais quelle bonne idée vraiment !

Juste assez longtemps pour comprendre que le mardi 27 novembre, dans la cave d'un bar parisien "très sympa, ils font des enterrements de vie de jeune fille", je vais découvrir ce qu'il y a de pire qu'une soirée karaoké : une soirée karaoké avec des collègues.