Mon cher Watson

Je m'en souviendrai toute ma vie. Mon père m'avait emmené voir Aliens Resurrection, même que c'était la première fois que j'allais voir un vrai film avec Pôpa (depuis que je l'avais forcé à rester dans la salle pour regarder une deuxième séance de La Bande à Picsou et le Trésor de la lampe perdue, ça l'avait un peu calmé).

C'était une grosse sortie pour l'époque (Alien 4, 1997, ça fait 17 ans, ça ne nous rajeunit pas ma brave dame), du coup, on était allés au restaurant, avant la séance. C'est là que je l'ai rencontré.

C'était notre serveur. J'avais quinze ans à l'époque, il était à peine plus vieux que moi, il n'avait pas encore dépassé la vingtaine. L'air un peu gauche et en retrait, comme tous ces adolescents qui ont grandi trop vite et qui ne savent pas quoi faire de leur corps -ce qui n'a jamais été mon cas, j'ai été, dès la puberté, parfaitement à l'aise et adapté, position que j'occupe encore aujourd'hui avec succès.

Il avait pris timidement notre commande, nous avait apporté maladroitement les plats, toujours l'air désolé pour quelque chose, sans que ni lui ni nous ne sachions quoi. Ça le rendait touchant.

C'est au dessert qu'il s'est vraiment révélé. Il faisait chaud. J'avais envie de glace. Alors, j'ai commandé un mystère.

Il a sorti son petit calepin (en 1997, tu n'avais pas besoin de te la raconter en ne notant rien), a commencé à gribouiller, et a sorti :

- Ah, on va avoir besoin de Sherlock Holmes (rire à la Sheldon).


Personne ne dit rien. J'ai peur de comprendre. Alors il insiste :

- ... Pour le résoudre (hahin)...


Médusés, ni ma belle-mère, ni mon père ni moi ne réagissons.

- ... Résoudre le mystère (hin-ha).


À chaque fois que quelqu'un sort un jeu de mots moisi, Dieu tue un chaton. Ce jour-là, plusieurs portées ont disparu, dans d'atroces souffrances. C'est curieusement la dernière fois où j'ai commandé autre chose que "le dessert du jour", dans un restaurant.