Ma vie sous amphets

À Happy Time, entretenir des bonnes relations avec les codétenus, c'est primordial. Sinon on risque de se faire planter à la cantine par une vieille fourchette rouillée, ou pire encore. Alors quand Collègue Presque Mignon m'a invité à prendre un café pendant la pause, je n'ai pas dit non. C'est un chef de gang, ça serait dangereux de le contrarier.

C'est aussi pour ça que je l'ai laissé faire. En plus c'est toujours agréable de se faire draguer, même si c'est à base de "c'est à vous ces beaux yeux-là ?" et autres "vous habitez chez vos parents ?".

Et puis, les fourchettes rouillées à la cantine.

Du coup, je n'ai rien dit, j'ai tout fait comme il disait. Quand il m'a caressé le torse, le dos puis le cul sous prétexte de me tenir la porte, très poli je n'ai pas bronché. Pareil, quand il m'a commandé un café, je suis resté stoïque. Déjà que je me fais inviter, je ne vais pas jouer ma mijaurée et dire que je n'aime pas ça. Et pour ne pas passer pour un dégonflé, pour montrer que moi aussi je suis un gros dur qui n'a pas peur d'un petit expresso de rien du tout, je l'ai bu.

Funeste erreur !

Je ne bois jamais de Coca, j'aime pas c'est trop plein de bulles, et ça désaltère pas. Je ne bois jamais de café non plus, ça a un goût de chiottes, ça donne une haleine de chacal, et c'est une boisson de grande personne. Ce qui fait que mon sobre corps ne reçoit quasiment jamais de caféine, je suis pas un sale drogué.

Et là, sans réfléchir, je viens d'avaler un concentré de pure caféine. Un sucre et cul sec.

Au début, il ne s'est rien passé. Fin de la pause, on se lève, on retourne bosser, chacun de son côté. Et puis soudain en marchant vers mon poste, je me suis senti tout drôle. Il fait chaud d'un coup, non ? Enfin non, il fait pas chaud, je frissonne. Et j'ai des sueurs froides qui me coulent le long du dos, au secours ! Mais ça va aller, hein, ça va, allez ça va, allez ça va, allez ça va.

Arrivé à mon poste, je m'assieds, tout tremblant et super speed.

Au bout d'un moment, je ne me limite plus à trembler comme un parkinsonien. Je suis complètement aware, je prononce 700 mots à la minute, I'm everywhere I feel so hot.

Ensuite, j'ai commencé à avoir du mal à canaliser toute cette belle énergie à l'intérieur de mon corps, je me suis mis à me lever, m'asseoir, jouer du tam-tam sur tout ce que j'ai pu trouver : un classeur, le clavier, mes genoux... Alors j'ai eu très mal à la tête, et j'ai passé toute la fin de journée sur les nerfs, aux aguets, à attendre une catastrophe imminente, qui malheureusement ne vint jamais, bouh la vilaine catastrophe.

Au final, je ne pense donc pas renouveler de si tôt l'expérience café. Le goût n'est pas si désagréable, mais les sueurs froides, les tremblements et le mal de crâne, je ne suis pas franchement fan (et puis je ne rate rien, l'avantage de bosser à Happy Time, c'est que la caféine n'est qu'un des nombreux prétextes pour se faire tripoter dans des coins sombres entre collègues -les clients je sais pas, je n'ai pas encore testé).