Ma révolution


Ma première révolution, c'était à l'école primaire. Un jour, il a bien fallu se rendre à l'évidence, j'étais différent des autres.
Papa, maman, il faut que je vous dise quelque chose : je suis gaucher. Et donc condamné à écrire comme un porc toute ma vie, à toujours rendre mes rédactions avec des pâtés, à perdre tous les points de présentation parce que la maîtresse était une vieille vicieuse qui nous forçait à écrire au stylo plume et que la vitesse de séchage de l'encre est nettement inférieure à ma vitesse d'écriture.

Du coup, il a fallu choisir : étaler l'encre en écrivant, ou me tordre complètement le poignet. Comme je n'aime pas choisir, j'écris avec le poignet tordu, mais ça étale quand même l'encre.
Ca a été une petite prise de conscience, mais quand même : je faisais partie d'une minorité ! Yihaaaa !

La deuxième, ça s'est passé au lycée. Le sexe avec les garçons, c'était rigolo, mais au bout d'un moment, je me suis rendu compte que je ne finirai pas ma vie avec une femme et des enfants.
Non, maman, ça ne sert à rien de crier, tu peux prendre tous les rendez-vous que tu veux avec la CPE et le médecin de famille, je suis à peu près sûr que ça n'y changera rien.

Et là, aujourd'hui, on arrive à la troisième. Papa, maman, je crois qu'il faut oublier les rêves de grande carrière et de travail glorieux que vous aviez pour moi !
Je ne sais pas encore si je vais dépasser Bac+3, et du coup, mes diplômes ne me propulseront pas directement dans les hautes sphères, comme l'homme canon que vous aviez imaginé.
Ne nous méprenons pas, cependant. Je reste un homme, et je reste canon.
Juste pauvre.

C'est pas encore cette fois que je vais rentrer dans le moule qu'on a vendu à mes parents quand je suis né.
Et quelque part, je crois que c'est rassurant.

Procellus, ou le perpétuel renouveau des rêves d'avenir.